[ILS FONT AULNAY] Hadj Khelil : “L’une des dernières chances de la France, ce sont les quartiers”

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  • [ILS FONT AULNAY] Hadj Khelil : “L’une des dernières chances de la France, ce sont les quartiers” | Bondy Blog
    LES BÂTISSEURS jeudi 16 février 2017 |Par Leïla Khouiel
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    Hadj Khelil : Je suis né en Algérie, arrivé en France à l’âge de deux ans. Mon père, avocat à Alger, est devenu commerçant à Barbès, comme beaucoup de monde à l’époque. Ma mère a fait très peu d’études. Mes parents m’ont éduqué avec beaucoup d’exigence et la volonté de réussite. J’ai grandi et je vis toujours dans le quartier des Oiseaux à Drancy, j’ai effectué quasiment toute ma scolarité dans le 93 : lycée Delacroix à Drancy, prépa, fac à Saint-Denis. Puis Sup de Co à Paris. Ensuite, je suis allé à l’université britannique d’Oxford. Une fois ce cursus achevé, je suis entré dans une salle des marchés, à Londres, j’y ai travaillé pendant quatre ans sur les produits dérivés. J’étais le collègue de Kerviel, je ne l’ai jamais vu mais on avait le même patron ! À 27 ans, j’en ai eu marre de cette vie de soldat, à bosser comme un fou, j’ai eu besoin de retourner au bled.

    Le Bondy Blog : Vous rentrez en Algérie et vous fondez Bionoor.
    Hadj Khelil : C’était comme une “thérapie”. J’avais 27 ans et de vieilles questions sur mon passé algérien, j’avais besoin de comprendre qui j’étais, de me reconnecter à mes racines. Je retourne donc au bled après 15 ans d’absence, la période noire de terrorisme. J’ai alors effectivement créé Bionoor en 2002, une société de production et d’importation de dattes issues de l’agriculture biologique [plus de 200 tonnes par an, ndlr], en reprenant les plantations de ma famille laissées quasi à l’abandon près de Ouargla. Notre famille et l’ensemble des Sahariens avons toujours eu un esprit écologique. Préserver l’eau et l’environnement n’est pas un loisir mais une nécessité absolue. Je monte donc cette boîte comme j’avais appris à le faire à l’école. Enfin, on n’apprend pas ça à l’école, on apprend à apprendre. Ici, j’ai appliqué des concepts que je l’avais appris à l’école. Avec Bionoor, dont les locaux sont ici dans cet hôtel d’activités d’Aulnay-sous-Bois et dans les 3 000 depuis 2004, j’ai introduit l’agriculture biologique en Algérie. On a commencé avec les dattes. Aujourd’hui, on fait du chocolat, de la viande bio halal, de la charcuterie bio halal – vous n’imaginez pas à quel point c’est très difficile de faire de la charcuterie bio halal ! – Bionoor est une société d’innovations. On se bat depuis 15 ans avec plus grand que nous.

    Le Bondy Blog : Au bout de 12 ans, vous vous lancez en parallèle dans une autre aventure : Big Mama.

    Hadj Khelil : Ma “thérapie” était terminée. J’ai eu envie de revenir à mes premiers amours, que sont les mathématiques et j’ai monté une boîte qui fait de l’intelligence artificielle : le datalab Big Mama. La data, c’est l’or de demain. On développe des logiciels algorithmiques, des robots qui font mieux que les hommes, on bosse dessus depuis 2014. Au départ, on a monté ce projet avec des Centraliens des 3 000, des jeunes que l’on a formés grâce à Connex’Cités.(...)

    • L’une des dernières chances de la France, ce sont les quartiers. Ce ne sont pas des mecs comme François Fillon qui sont des espèces de parasites qui se payent sur la bête, qui vivent en consommant la France. Ceux qui se battent pour la France, ceux qui se lèvent pour elle, font de la valeur pour elle, ce sont les personnes d’ici. Ce sont, eux, les soldats de la France. Ce sont les résistants du quotidien : ils se battent tous les jours pour les autres, dans des petites associations, qui s’occupent des jeunes dans les cités, ceux qui tentent de recréer du dialogue, de recoller les pots cassés, ceux qui font en sorte de fabriquer de la cohésion. On n’entend très peu parler de ces gens-là. Ce sont les fourmis de la République. J’ai le sentiment qu’il y en a plus ici qu’ailleurs. La France est en danger parce qu’elle est en train de marcher sur l’une de ses dernières chances.