Inventer une mémoire coloniale commune, par Alain Gresh (Le Monde diplomatique, juillet 2001)

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  • Inventer une mémoire coloniale commune, par @AlainGresh
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    « Nulle philanthropie ou théorie raciale ne peut convaincre des gens raisonnables que la préservation d’une tribu de Cafres de l’Afrique du Sud… est plus importante pour l’avenir de l’humanité que l’expansion des grandes nations européennes et de la race blanche en général » écrivait Paul Rohrbach, responsable de l’immigration allemande en Afrique du Sud-Ouest, dans son best-seller publié en 1912, La Pensée allemande dans le monde. Il ajoutait : « Qu ’il s’agisse de peuples ou d’individus, des êtres qui ne produisent rien de valeur ne peuvent émettre aucune revendication au droit à l’existence. »

    « Supériorité » européenne, « retard » de l’Afrique, « hiérarchie » des civilisations, la théorie de l’évolution appliquée aux sociétés humaines servit de soubassement idéologique à la colonisation. Au XIXe siècle, cette doctrine de la suprématie se trouva confortée par l’invention du concept de « race », concept investi de toute l’aura de la science positive. Désormais, la différence entre les êtres humains ne relève plus de l’explication historique ou culturelle, mais de l’analyse biologique. Comme le note Eric Savarèse, elle « ne se démontre pas, mais se constate ». La hiérarchie entre Noirs, Blancs, Jaunes apparaît comme une évidence, au même titre que la rotondité de la Terre.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/50975 via Le Monde diplomatique