• Le double visage du Panda Le Courrier - Vendredi 17 février 2017 Nathalie Gerber Mccrae
    http://www.lecourrier.ch/146944/le_wwf_multinationale_contre_son_gre

    Début 2015. Sous la pression de Survival International, qui lui demande depuis 1991 de remédier aux violations dont sont victimes les indigènes bakas, le bureau du WWF au Cameroun charge une organisation autochtone pygmée d’un pays voisin de mener une enquête indépendante dans les trois parcs nationaux de Boumba Bek, Nki et Lobéké. Le rapport qui en est issu n’a jamais été rendu public par le WWF. Le Courrier s’en est procuré une copie.

    Le travail effectué sur le terrain se révèle considérable : 493 personnes sont interrogées (Bakas, Bantous, personnel du WWF, organisations de la société civile, représentants du gouvernement) et des dispositions légales en matière de conservation et de droits humains ont été passées au peigne fin.

    Exactions commises
    Le constat est aussi implacable qu’embarrassant : le WWF n’applique pas sa Déclaration de principe sur les peuples autochtones et la conservation, établie en 2008. Les Bakas confirment aux enquêteurs que leurs terres ancestrales ont été transformées en aires protégées sans leur consentement et que des exactions étaient régulièrement commises par les gardes-faune.
    Sur le terrain, les enquêteurs constatent tout d’abord que la confusion règne autour et dans les parcs nationaux : les communautés bakas et bantoues ne sont pas en mesure de faire la différence entre le personnel du WWF et celui du Ministère des forêts et de la faune (MINFOF). Le rapport confirme que ce dernier bénéficie d’un appui technique et financier considérable de la part de l’organisation de conservation de la nature.

    Le WWF s’affiche également dans des opérations de lutte antibraconnage menées conjointement avec le MINFOF et qui conduisent parfois à des raids violents sur des communautés bakas. Les indigènes confient aux enquêteurs qu’ils ne savent pas vers qui se tourner pour dénoncer les maltraitances dont ils ont été victimes car ils ne font pas confiance aux policiers, qui participent eux aussi à ces opérations.

    Relation de « maître à esclave »
    Au niveau de la gestion des trois parcs, le rapport révèle encore que le WWF privilégie une collaboration avec les populations bantoues, dont certains individus font preuve de racisme envers les Bakas et qui ont développé une relation de « maître à esclave » avec ces derniers. Des braconniers bantous embrigadent certains Bakas dans leurs chasses illégales, dont celle des éléphants.

    Pour les enquêteurs, il est clair que le WWF met davantage l’accent sur la lutte antibraconnage que sur la promotion des droits des indigènes bakas. Ces derniers ne reçoivent pas d’informations sur la politique, le mandat et la mission du WWF. Les formations dispensées aux gardes-faune mettent elles aussi l’accent sur la conservation de la faune et de la flore et donnent peu de place à la question des droits humains.

    Au final, les auteurs du rapport plaident pour que les Baka du sud-est du Cameroun puissent contribuer aux efforts de conservation en utilisant leurs savoirs traditionnels et les liens étroits qu’ils ont développé avec leur environnement. A ce jour, la coopération avec les indigènes pour la gestion des aires protégées reste très faible et les quelques gardes-faune Baka n’ont que des postes subalternes. « Les Baka sont les yeux et les oreilles de la forêt, mais leurs capacités sont grandement sous-estimées ».

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