Document sans nom

/chevres002.htm

  • J – 81 : La plupart du temps j’arrive le premier à mon étage, parfois même le premier pour tout l’immeuble la sécurité et la dame de l’accueil mis à part. Et lorsque j’arrive à mon étage, je choisis, même aux jours voisins du solstice d’hiver de ne surtout pas allumer et de progresser seul dans un open space à la fois désert et enténébré. Je m’installe devant mon poste dans le noir, je l’allume, pendant ce temps-là je vais me faire un café dans le noir, je suis bien, je me sens bien dans l’open space seul. Et bien souvent j’en abats du travail pareillement seul et donc garanti de nombres de sollicitations pas toutes bienvenues, comme celle, notamment, du grelot du téléphone. Je relève mon courrier, j’y réponds, parfois je profite de l’heure matinale pour mettre en ligne sur seenthis mes dernières chroniques de Qui ça ? Et du coup je jette un œil aux signalements des unes et des autres et c’est seulement une bonne heure plus tard qu’arrivent les premiers collègues, les premières lumières les premiers coups de téléphone. Je regrette presque cette arrivée. Même s’il serait parfaitement déraisonnable de rêver avoir l’open space pour soi seul.

    Ce matin un peu avant que n’arrive mon premier collègue, j’ai commencé à sentir une forme de douleur très inhabituelle sur le côté gauche à la hauteur du cœur. Et cela a commencé à me faire de plus en plus mal en fait, au point que j’ai accueilli avec soulagement l’arrivée de ce premier collègue auquel j’ai tout de suite, le pauvre, déclaré que je ne me sentais pas bien du tout. Ni une ni deux je l’ai entendu se ruer sur mon poste téléphonique pour composer le numéro de la sécurité, le 2222. Le type de la sécurité est monté tout de suite et très rapidement il a appelé les pompiers, rien moins, tout en me recommandant de ne plus bouger. Et d’ailleurs les pompiers je les ai entendus et vus arriver depuis les fenêtres de mon bureau de même que j’avais assisté au printemps dernier à cette scène de petit accident de la circulation et sa résolution inédite, ce dont j’avais fait un passage d’Élever des chèvres en Ardèche ( http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/textes/extraits/chevres002.htm ) . Les choses auxquelles on pense en ne sentant pas très bien au travail et en attendant l’arrivée des secours. Et les secours sont arrivés.

    Au nombre de trois pompiers amplement harnachés avec un matériel pas possible qu’ils ont autoritairement installé sur mon bureau et auquel ils m’ont branché de partout, et tout d’un coup là où d’habitude j’analyse des données réparties dans des feuilles de calcul, ce sont des données très personnelles qui se sont affichées presque toutes relatives à mon système sanguin. De même les pompiers ont commencé à me poser des questions drôlement personnelles de savoir si par exemple je consommais du tabac, de l’alcool, des drogues, là j’ai eu une pensée pour mon ami @reka qui se demande toujours comment je fais pour autant écrire et auquel je réponds en plaisantant que je prends des produits, les choses auxquelles on pense pendant que des pompiers vous prennent la tension en plein open space et même vous pivotent sur votre siège à cinq roulettes pour vous soustraire à la vue de vos collègues qui arrivent, de plus en plus nombreux, c’est leur heure d’arrivée à eux, et vous brancher désormais à un appareil d’électro cardiogramme, les pompiers ne vous écoutant pas quand vous leur dites que vous savez de façon certaine que vous n’êtes pas cardiaque, d’ailleurs vous ironisez parce que le chef de ce trio de pompiers transpire abondamment et vous lui faites remarquer que si cela se trouve son rythme cardiaque à lui est plus rapide que le vôtre en ce moment même, mais vous, c’est la procédure. Et une procédure cela ne se discute pas. C’est une procédure.

    Finalement tout cet appareillage finit par vous donner raison, le cœur, j’ai bon cœur, n’est apparemment pas le coupable dans cette affaire, vous ironiseriez presque sur cette erreur de distribution, je crois que l’on parle d’erreur de casting , il n’empêche les pompiers sont fermes, vous avez la mine d’aller passer la journée à l’hôpital.

    Si l’accueil à l’hôpital aura été d’une célérité stupéfiante, en moins d’un quart d’heure j’ai été dispatché, ausculté, perfusé et radiographié, un quart d’heure plus tard surtout j’étais parqué là où on a pu, c’est-à-dire, gisant sur un lit à roulettes en face d’une batterie d’ascenseurs parce qu’en ce moment il y a des travaux à l’hôpital et qu’on ne sait plus où ranger les patients qui devront donc être compréhensifs autant que patients. Et qui dit travaux aussi, dit outils mécaniques en action, à tous les coups à défaut d’une pathologie cardiaque j’allais hériter d’une bonne céphalée. Et pareillement parqué je le suis resté pendant huit heures. Sans lecture et 41% restants de charge sur mon téléphone de poche, ce qui est très peu, qui m’a permis de prendre une dizaine de photographies de ma condition d’alité en face des ascenseurs et de prévenir Madeleine de ma condition qui, ne t’inquiète pas ma grande fille, ils sur réagissent beaucoup, je ne suis pas cardiaque, ne me permettrait pas nécessairement de prendre en charge la confection du repas du soir, j’avais prévu de faire des tomates farcies au fromage de chèvre mais cela risquait de finir en pâtes à rien, les choses auxquelles on pense en étant alité pendant huit heures devant une volée d’ascenseurs, c’est bon aussi les pâtes à rien Papa a répondu Madeleine.

    Comment décrire l’ennui compact de ces huit heures, si ce n’est en exhortant mon lecteur à regarder la photographie en haut de cette page pendant huit heures et n’est-ce pas un peu excessif et trop attendre d’un lecteur même très attentif, le numérique cela ne fait pas tout comme expérience de lecture, quand bien même j’ajouterai un enregistrement sonore de marteau piqueur à cette page.

    Et n’en ai-je déjà pas suffisamment demandé comme cela à mon lecteur ?

    Tandis que je sortais, vers 18H, littéralement affamé, de l’hôpital, chopant le bus qui à ma plus grande surprise, je ne connais pas du tout cet itinéraire, l’hôpital de Montreuil, étant un lieu où je ne me rends jamais, me déposa tout près de chez moi par un froid de canard et une lumière radieuse, j’ai repensé à la remarque d’un des jeunes pompiers accourus à mon secours et avisant mon cahier de notes d’ingénieur, vos dessins reflètent votre état d’esprit du moment ?

    #qui_ca