Omniprésente aux jeux Olympiques de Paris, qui débutent ce vendredi 26 juillet, la marque de sport adidas a retrouvé la forme et séduit les investisseurs. Aux manettes de ce succès, Björn Gulden, PDG pragmatique aux méthodes chocs.
Dans deux semaines, adidas prendra ses quartiers à Paris pour les jeux Olympiques. Aux Halles, avec un espace de spectacle et de sport éphémère ; sur les Champs-Elysées, avec son nouveau magasin ; porte de la Chapelle, avec l’adidas arena, qui accueillera les épreuves de badminton ; sur les pistes de course, où les athlètes français porteront ses tenues… Derrière l’omniprésence de la marque aux trois bandes, se cache un hyperactif, Björn Gulden, son PDG depuis dix-huit mois. Recruté chez le rival Puma, dont il a plus que doublé le chiffre d’affaires en moins de dix ans, à près de 7 milliards d’euros, le Norvégien a sorti adidas de l’ornière.
Au premier trimestre, le résultat opérationnel a été multiplié par six, à 336 millions. Et le cours de Bourse s’est envolé de 23 % en douze mois, là où celui du leader Nike a chuté de 30 %. « Nous avons une bonne dynamique, nous sommes à nouveau concentrés », confie le dirigeant de 59 ans.
Le succès de la Samba et de la Gazelle
Mais quel est le plan de jeu exact de cet ancien footballeur professionnel ? « Sa force, c’est qu’il part des produits et du consommateur ; les finances suivent », explique Jacky Rihouet, PDG d’Intersport. Le principal intéressé illustre : « Quand il pleut, il faut mettre les chaussures de pluie en vitrine. La réalité est parfois plus importante que les plans stratégiques. » Stephen Fairchild, le directeur produits du joaillier danois Pandora, que Björn Gulden a dirigé de 2012 à 2013, résume : « Il est très terre à terre. Sa force, c’est sa simplicité. »
C’est ce même empirisme qui l’a guidé chez adidas pour surfer sur la mode des baskets rétro, comme les Samba ou les Gazelle. « Quand je suis arrivé, la tendance émergeait, raconte Björn Gulden. J’ai été surpris qu’adidas n’ait pas de plan pour en faire un succès. Nous avons fait de rapides changements. »
De quoi convaincre les analystes financiers, à l’image de Cédric Rossi, du cabinet Bryan Garnier & Co, qui raconte : « Il a misé sur l’effet de rareté afin d’éviter un essoufflement du phénomène. La Samba et la Gazelle reviennent en Europe depuis un peu moins d’un an, mais aux Etats-Unis, la vague commence seulement. »
Le sport est dans l’ADN de Gulden
Le dirigeant a aussi géré avec pragmatisme le scandale autour des Yeezy, les baskets développées pour adidas par le rappeur Kanye West. Ce partenariat, qui a représenté jusqu’à 8 % du chiffre d’affaires de l’équipementier sportif, a été suspendu fin 2022 en raison de propos antisémites de l’artiste. « Mais là où Björn Gulden a été malin, c’est qu’il n’a pas détruit les stocks restants, continue Cédric Rossi. Il les a écoulés et a reversé une partie des ventes à des associations. »
Chez adidas, Björn Gulden applique la recette qui a fait son succès chez Puma. Premier ingrédient : choyer les revendeurs comme Intersport ou Decathlon. « Les commerçants sont nos partenaires, pas nos ennemis », martèle le quinquagénaire. Deuxième ingrédient : se recentrer sur le sport. Alors que la marque s’est diversifiée dans le lifestyle ces dernières années, le nouveau PDG veut revenir « à ce qu’était adidas autrefois ».
Il a lancé avec succès la AE1, une chaussure de basketball conçue avec l’étoile montante de la NBA Anthony Edwards. Il faut dire que le sport est dans l’ADN de Gulden. « Mon père était un joueur de handball professionnel, à une époque où ça ne rapportait pas gros, se souvient-il. C’était mon héros et je suis devenu accro », raconte l’ancien milieu de terrain du FC Nuremberg.
« Plus compliqué que chez Puma »
Depuis, le dirigeant a gardé un goût féroce pour la compétition. Adidas perd face à Nike son contrat historique avec l’équipe de football d’Allemagne ? Il explique privilégier les contrats plus rentables avec de grands clubs comme le Real de Madrid. Le siège est envahi par les consultants ? Il les pousse vers la sortie et donne son numéro à tous ses salariés. Parfois dur et peu bavard, Gulden est un homme pressé. « Il a un management horizontal mais lapidaire, juge Cédric Rossi. Quand ça ne marche pas, il vire les gens. »
Les défis restent nombreux pour le dirigeant norvégien. « Les chaussures de course sont le segment le plus stratégique, et de jeunes marques comme Hoka, On Running ou Brooks mettent adidas à l’épreuve », note l’analyste. Le PDG va aussi devoir redresser sa rentabilité – en réduisant les stocks et les promotions – et se relancer aux Etats-Unis et en Chine.
« Ça va être plus compliqué que chez Puma, estime Fabien Arneodo, ex-cadre de la marque au félin, désormais PDG de l’entreprise SportSyncTech. Nous avions réalisé une bascule dans le foot avec la signature d’Arsenal. Je ne vois pas encore un virage aussi net chez adidas. » Avec la sortie de crise, le premier set est gagné pour le tennisman amateur Björn Gulden. Mais pour remporter le match, il va falloir monter au filet.
Nike paie son court-circuitage des distributeurs
La marque à la virgule s’essoufflerait-elle ? Nike, le numéro un mondial de l’équipement sportif, a prévenu récemment d’une baisse surprise de son chiffre d’affaires de 5 % sur l’exercice en cours, clos en mai 2025, là où les analystes espéraient une légère hausse. A la Bourse, l’action s’est effondrée de plus de 20 %, sa plus grosse chute en vingt-trois ans. Derrière ce plongeon se cache une série de problèmes du leader du marché. « Nike n’a pas anticipé que la Jordan, sa basket phare, allait se fatiguer, explique Cédric Rossi, analyste chez Bryan Garnier & Co. Il y a une panne d’innovation. »
La stratégie de vente directe, notamment en ligne, plutôt que via des distributeurs comme Foot Locker, a aussi échoué, les consommateurs privilégiant les magasins depuis la fin de la crise sanitaire. Pour tenir le coup, l’équipementier va engager un plan de 2 milliards de dollars d’économies sur trois ans. Environ 1 600 postes, soit 2 % des effectifs, devraient être supprimés. La marque travaille enfin sur une ligne de baskets à 100 dollars et moins afin de se relancer. Objectif : faire revenir les clients, en pleine crise du pouvoir d’achat, mais aussi concurrencer la Samba d’adidas, au même prix.