L’historien Ali Farid Belkadi à la descendante de Bengana : « Si on ne choisit pas sa famille, il n’est pas interdit de se repentir »

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    « Celui qui méconnaît l’histoire est condamné à la revivre. » (Karl Marx). Cet exergue est un appel à la vigilance de tous, afin de ne pas répéter les bévues du passé. Depuis 1838, le nom Bengana se conjugue à tous les sales temps dans la conscience populaire algérienne. Il est l’ennemi public numéro un, juré, déclaré, politique, héréditaire, il fut redouté par les tribus, comme les enfants redoutent l’ogre dans les contes universels. A l’époque turque, les Bengana, qui n’étaient pas grand-chose, se refirent de la tête aux pieds avec l’aide des officiers du corps expéditionnaire français, qui les revivifièrent de père en fils durant des décennies.

    Bengana, c’est l’ennemi de tous, depuis toujours, de longue date, une famille de vachers indigènes convertis en hommes de guerre oppresseurs de leur peuple, au nom de la France. L’ennemi de la noble cause, celle de la libération des Algériens du joug colonial. Bengana reste dans l’inconscient collectif algérien l’archétype de l’ennemi de Dieu et du genre humain. Ils sont voués aux gémonies. Plus abject, cela n’existe pas. Cela se passait aux temps où les tribus s’affrontaient, s’écharpaient, s’entretuaient, sous les regards admiratifs et ravis des généraux français qui les manœuvraient en coulisse. Les insurrections se succédaient et s’enchaînaient pour sauver les populations du désespoir dans lequel les Français avaient plongé le pays, sans succès, et leurs instigateurs étaient décapités, leurs têtes expédiées au Muséum de Paris.

    La répression française a fait 10 millions de morts en Algérie de 1830 à 1872, selon un auteur français : « En réalité, une fois réduit à deux millions, le peuple algérien dut renoncer à la lutte ouverte et attendre d’avoir presque retrouvé le chiffre de 1830 avant de la reprendre. Si l’on tient compte de son taux d’accroissement moyen de 1870 à 1930, environ un million tous les quinze ans, ce n’est pas huit, mais dix millions d’habitants que le peuple algérien a perdu de 1830 à 1872. » (Michel Habart. Histoire d’un parjure, Les éditions de minuit).

    A ce chiffre effarant, qui évoque rétrospectivement et d’une manière incontestable un génocide, s’ajoute celui du nombre de martyrs de la guerre de libération 1954/1962. Le génocide, qui est considéré par les juristes comme la forme extrême du crime contre l’humanité, est un concept issu de la Seconde Guerre mondiale. Ce concept fut appliqué au massacre des Arméniens, en 1915, ainsi qu’à l’assassinat des juifs d’Europe par les Allemands entre 1941 et 1945.

    Brusquement, ce fut le 1er novembre 1954, un jour de tous les saints chrétiens, l’insurrection finale. C’est à la fois l’Iliade et l’odyssée, comme le dit si bien Moufdi Zakaria dans un de ses très beaux poèmes. Nous avons tous au fond de nous une légende familiale qui parle de ces années-là, fabuleuses, mythiques. La France ne détient de cette époque qu’un fatras informes de récits plats et ennuyeux, entreposés dans des cartons au Fort de Vincennes ou à Aix-en-Provence, ces fameuses archives françaises dans lesquelles des officiels coloniaux, civils et militaires, racontent l’autre version, dévalorisante, des hauts faits de la résistance algérienne à la colonisation. Les Algériens sont les aimés de Dieu, par leurs incessantes épreuves qui dépassent l’entendement. Dieu les soumet à des tests régulièrement depuis des siècles. Qui aime bien châtie bien.

    La guerre de libération contre les Français n’a pas commencé en 1954. Elle était déjà là au mois de juin 1830, du côté de Sidi Fredj. Elle ne s’est jamais arrêtée, entrecoupée de pauses, le temps de regrouper ses forces et c’est reparti. Toujours cette quête mystique vers une autre libération, de plus en plus décisive. L’Algérie a toujours vibré de chants libérateurs, d’actes sublimes, épiques, rien de plus normal, l’Algérie est le pays des héros.

    Venons-en aux escobarderies de l’arrogante descendante de l’Ubu-roi des oasis de Biskra, l’auteure étourdie du livre Bouaziz Bengana, soi-disant dernier roi des Zibans, le bachagha Bouaziz Bengana, ce « salopin de finance » traînant le « voiturin à phynances » dans les Zibans, un mot qui signifie « oasis » et qui est synonyme de Bsikris dans cette région située à l’orée du désert. Les dissimulations de cette descendante sont claires comme l’eau argentée qui coule de la roche, il s’agit d’une tentative – ratée, avortée, loupée – de duper les Algériens et d’escamoter leur histoire en y introduisant subrepticement, de manière apocryphe, un félon, affublé comme au carnaval d’un masque de héros, et son clan de traîtres, ivres de carnages. Elle peut toujours rêvasser d’une statue future à élever sur la principale place de Biskra en hommage à ce sinistre personnage, Bouaziz Bengana.

    Cette famille de collabos est pire que les George Montandon, Louis Darquier de Pellepoix, Henri Coston, Marcel Déat, Jean Luchaire, Lucien Rebatet qui sévissaient dans la France des années 1939/1940. La France, qui se glorifie des hauts faits de la résistance contre les Allemands, pérore et chicane lorsqu’il s’agit des harkis de sinistre mémoire. Les partisans Algériens – moudjahidine – avaient pourtant les mêmes intentions justes et nobles que les résistants français de la Seconde Guerre mondiale : libérer leur pays du joug des occupants. En Algérie, cela dura 132 ans. L’engeance de Bengana a collaboré, par toutes les formes et de toutes les manières possibles et imaginables, avec l’ennemi français en temps de guerre. C’était leur seconde nature. Les mains de ces gens-là à travers le temps ruissèleront toujours du sang des martyrs. Ils assassinaient des Algériens, leurs compatriotes, au nom d’une idéologie criminelle impitoyable et barbare qui appelait à s’approprier un pays, l’Algérie, auquel elle imposa la guerre.

    Cette descendante de Bouaziz Bengana aurait pu se taire et expier dans son coin le mal fait aux Algériens par ses ancêtres qui s’engagèrent par serment, de la manière la plus solennelle, prêté au général Galbois de ne jamais trahir la France, ni ouvertement, ni en secret. Bouaziz Bengana ne fut pas seul à ce moment-là, tous les Bengana valides et en âge de combattre l’accompagnaient, pour prêter leur allégeance définitive à la France. Tous les Bengana, de père en fils, les frères, les demi-frères, les cousins et les neveux, se bousculaient dans le palais de Constantine pour étreindre la main des officiers français.

    C’est en 1838 que cette famille, ayant à sa tête son chef Bouaziz Bengana, vint offrir ses services aux Français. Parmi ceux qui accompagnaient Bouaziz Bengana, il y avait son frère M’hammed-Ben-Bouaziz Bengana ; ses enfants Ali-Ben-El-Guidoum, Ahmed-ben-El-Messai et El-Hadj-Bengana, ses neveux El-Hadj-ben-Ahmed Bengana, Larbi-ben-El-Hadj Bengana, Ahmed-ben-El-Hadj et Mohammed-Es-Seghir ; le neveu de celui-ci, Ahmed-Ben-Bouzid, et ses autres neveux : Bou-Lakhras-ben-Mohammed-ben-El-Hadj et Brahim. D’autres encore qui s’étaient déplacés pour reconnaître et acclamer le gouvernement français dont ils appréciaient la conduite en Algérie.

    A ce serment qui fut prononcé sur le coran et au nom de Dieu, les Bengana crurent bon de devoir ajouter que tous s’engageaient à servir la France avec zèle. Ils annoncèrent même au général Galbois qu’il ne tarderait pas à constater les services qu’ils pouvaient rendre aux Français dans la région saharienne, qui était à la fois leur domicile et leur lieu de naissance, selon eux. Ils se disaient arabes de la pure race, mais leur origine véritable est la haute-Kabylie. La réponse du général Galbois fut : « Le gouvernement français est édifié sur de solides bases, et les lois qui le régissent sont claires et précises. Si vous servez ce gouvernement avec loyauté et fidélité, et que vous attendiez patiemment, vous obtiendrez de lui, non seulement ce que vous aurez espéré ouvertement, mais même ce que vous aurez celé au fond de vos cœurs ! »

    Promesses tenues, on fit de Bouaziz Bengana un khalifa, un simple lieutenant des Français. Bouaziz Bengana répliqua à Galbois que son sang était prêt à remplir avec zèle toutes les missions que les Français voudraient bien confier à sa famille. Leur première mission fut de concourir au rétablissement de la sécurité sur la route de Sétif. A partir de ce moment-là, la chasse à leurs concitoyens récalcitrants au joug français était ouverte. Tous les Algériens qui refusaient de se soumettre aux Français devenaient des antagonistes à occire. Le vocabulaire des Bengana se restreint à des bribes de mots obsessionnels, leur seule préoccupation constante et permanente : briser l’ennemi, c’est-à-dire la résistance algérienne à l’occupation. Cerner l’ennemi algérien. Charger l’ennemi algérien. Chasser l’ennemi algérien. Combattre l’ennemi algérien. Contenir l’ennemi algérien. Courir sus à l’ennemi algérien. Culbuter l’ennemi algérien. Débarrasser le territoire conquis des ennemis algériens qui s’y trouvaient. Défaire l’ennemi. Ecraser l’ennemi. Encercler l’ennemi.

    Ils encaissaient l’impôt au nom de la France, sur lequel une bonne part leur revenait. Leurs territoires s’accroissaient, leur pouvoir s’amplifiait. A la tête de leurs goums, les Bengana firent une guerre implacable à trois chefs de la résistance : Abdelhafidh, Boumaza, Mohamed Ben Abdallah et Ben Chohra. Ils participèrent aux destructions et aux massacres avec le colonel Saint Germain, qui fut tué lors d’un combat contre les troupes d’Abdelhafidh. Ils participèrent au pogrom de Zaatcha avec le colonel Carbuccia et le général Herbillon. Ils furent avec Pélissier et le général Bedeau. Les Bengana étaient partout avec pour évangile et credo : celui qui croira en la France sera sauvé et celui qui ne croira pas sera condamné.

    C’est ainsi que la famille Bengana commandée par son chef Bouaziz Bengana rejoindra le général Galbois, qui commandait la colonne expéditionnaire chargée de contrôler la région, en se ralliant aux troupes françaises. Le premier combat auquel ils participeront eut lieu avec une troupe dirigée par le frère de l’émir Abdelkader au lieu-dit Has El-Oued. Au cours de ce combat, les Bengana eurent quatre de leurs cavaliers tués et trois blessés. Parmi les résistants qui faisaient partie de la troupe de l’émir, se trouvaient Ferhat Bensaid et Ahmed-Ben Chennouf. C’est là les premiers débuts des Bengana au service du gouvernement français.

    Quelque temps plus tard, Mohammed-Es-Seghir Bengana se joignait au même général Galbois qui dirigeait une nouvelle et immense colonne en partance vers le pays des Haraktas. Mohammed-Es-Seghir avait amené avec lui les hommes de la tribu qu’il commandait ainsi que ses goumiers personnels. Mohammad-Es-Seghir et les siens, qui connaissaient parfaitement le terrain, concourront alors à la soumission complète des Haraktas.

    Ce serait trop long, voire fastidieux d’énumérer les batailles contre la résistance auxquelles ils furent mêlés durant des décennies, de 1838 à 1879.

    Lahsen Benazouz était le lieutenant de l’émir Abdelkader, et, en cette qualité, il parcourait le Sahara avec la fine fleur de ses troupes. Plusieurs tribus de cette région avaient fait leur soumission à Lahsen Benazouz, les Bengana et leurs affidés réquisitionnés au complet vinrent établir leur campement à peu de distance d’El-Outaia, dans un endroit appelé Salsou. C’est là que les deux troupes ennemies, l’une combattant pour la liberté et la vérité, l’autre engagée aux côtés des troupes d’asservissement, se rencontrèrent et qu’elles se livreront un combat acharné.

    La bataille de Salsou

    Le texte écrit par un membre du clan Bengana et publié en 1879 à Constantine dit : « Nous en tuâmes un grand nombre et nous leur prîmes leurs fusils et leurs canons. Nous allâmes porter tout le butin que nous avions pris à M. le général Galbois, et nous devons dire que le gouvernement nous récompensa par les honneurs et la vénération dont nous fûmes l’objet, et par la plus belle des distinctions. De plus, c’est à partir de cette époque que Si-Bouaziz Bengana fut surnommé le Serpent du désert. Ce fait d’armes accompli au service de la France est encore un de ceux dont notre famille a le droit de s’enorgueillir. A la suite de tous ces faits, le général Négrier, ce lion indomptable, revint, pour la deuxième fois, à la tête des affaires, et nous fîmes avec lui une razzia aux Oulad-Bou-Aoun auxquels s’était jointe la tribu des Zemoul. »

    Nous avons consulté les archives du Service historique du Château de Vincennes à propos de cette bataille de Salsou. Les sources sont : « Sous-série 1 H 68. Dossier 3. Province de Constantine (mars-avril 1840) ». Ce document qui traite très brièvement de Bouaziz Bengana, auquel les archives prêtent très peu d’importance, dit : « Le général Valée obtient le grade d’officier de la légion d’Honneur pour le cheikh El-Arab Ben Gana, son protégé, qui a anéanti un bataillon régulier de l’armée de l’Emir d’Abd el-Kader, ainsi qu’une cavalerie de 800 hommes et des troupes régulières, commandé par Ben Azouz, le khalifa du Sahara oriental d’Abd el-Kader, sans qu’un seul fantassin s’en soit échappé. Le goum de Bengana lui prend trois drapeaux, deux canons, deux tambours et 500 fusils avec baïonnette. Le gouverneur fait remettre à cette occasion à Ben Gana 20 000 francs pour la solde de ses troupes et 25 000 francs pour ses dépenses personnelles. 510 têtes ont été coupées. »

    Cette affaire, dit encore le passage du dossier conservé pour la postérité par les Archives de Vincennes, « fait grande sensation dans toute la province ». « Je (le général Galois) regarde comme un résultat bien heureux d’avoir amené les Arabes à se battre pour nous contre leurs coreligionnaires. (…) Il aurait fallu peu de choses pour allumer un grand incendie, car Ahmed (le Bey de Constantine) et Abd el-Kader commençaient à gagner du terrain. » Le rapport remis à sa hiérarchie militaire française par le cheikh el-Arab sur le combat contre Ben Azouz se termine ainsi : « Nous sommes vos enfants et nous vous servirons jusqu’à la fin avec une entière fidélité. »

    Les Bengana, retournés dans leur fief après une razzia menée sous les ordres du général A. Baraguay-d’Hilliers, apprirent la nomination du duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, au commandement de la province de Constantine. Sans perdre un seul instant, Bouaziz Bengana, brûlant d’impatience, alla à sa rencontre. Le duc d’Aumale, après l’avoir félicité pour les services rendus à la France et inspecté les goumiers de Bengana, lui communiqua son intention de faire une expédition dans le Sahara et dans les montagnes des Oulad-Soltan.

    Bouaziz Bengana lui répondit qu’il était prêt à marcher et à servir ses projets, ajoutant : « Son altesse n’aurait qu’à le faire prévenir lorsqu’elle se rendrait à El-Kantara, et qu’il s’engageait à l’y rejoindre avec les contingents des tribus soumises du Sahara et leurs chefs, qui étaient parfaitement disposés à se battre. (…) Le duc d’Aumale fit alors l’honneur à Si-Bou-Aziz-ben-Gana de le nommer khalifa de la région saharienne, et cette nomination fut confirmée par le maréchal Vallée comme récompense pour ses bons et loyaux services. Le territoire de commandement de Bouaziz Bengana fut délimité : il s’étendait d’El-Kantara à Touggourt et comprenait, de l’est à l’ouest, tout le pays qui s’étend d’El-Khanga aux Ouled-Djellal. Le duc d’Aumale, reconnaissant, nomma en même temps Si-Mohammed-Es-Sghir, neveu de Si-Bouaziz, caïd de Biskra et des Zibans. »

    Au duc d’Aumale succéda le général Bedeau qui entreprit une nouvelle campagne dans les Aurès pour y aller chercher El-Hadj-Ahmed-Bey. Les Bengana étaient toujours là où les généraux français allaient.

    A la suite d’une énième expédition contre les insurgés algériens, à laquelle participèrent les Bengana, le général Herbillon attribua à El-Hadj-ben-M’hammed Bengana le titre de caïd des Oulad-Djellal et des Oulad-Nail. Puis le général Herbillon, accompagné de tous les membres de la famille des Bengana, pourchassa les récalcitrants Oulad-Nail jusque chez eux, et les obligea de lui faire leur soumission.

    Le pogrom de Zaatcha raconté par les Bengana

    A propos du pogrom de Zaatcha, auquel participèrent tous les Bengana et durant lequel la totalité des habitants furent massacrés, sans exception, y compris les vieillards, les femmes et les enfants, le texte écrit par Bengana dit : « A la suite de ces événements, le colonel Canrobert fut appelé au commandement d’Aumale, et ce fut le colonel Carbuccia que l’on nomma à sa place à Batna. A cette époque, il y avait dans la petite ville de Zaatcha un homme nommé Bouziane qui se faisait passer pour chérif et qui avait réussi à réunir autour de lui un certain nombre de partisans. Comptant sur l’appui des gens de Zaatcha, cet individu se crut assez fort pour se dispenser de venir rendre ses devoirs aux autorités. Le siège de Zaatcha fut alors commencé par Si-Bou-Aziz- Bengana et ses frères à la tête des troupes dont ils disposaient, et, quelque temps après, le colonel Carbuccia vint les rejoindre avec un faible détachement et le siège continua. Tous les gens de Zaatcha et le chérif Bouziane, ainsi que tous les étrangers qui avaient suivi la fortune de celui-ci rentrèrent alors dans l’intérieur de la ville et s’y retranchèrent. De nombreux combats eurent lieu sous les murs de Zaatcha, le colonel Carbuccia attaquant sans relâche les assiégés à la tête de son détachement ; mais cet officier ne put obtenir aucun résultat, et après des efforts inutiles, la colonne fut obligée de rentrer à Biskra. Or, ce siège avait duré un certain temps, et, dans cet intervalle, Si-Abdelhafidh, qui était campé à El-Khanga, avait conçu le projet de faire une diversion au profit de Bouziane. (…) Bou-Aziz -Ben-Gana, qui était encore devant Zaatcha, envoya immédiatement à Si-Bou-Lakhras l’ordre de prendre avec lui quatre cents cavaliers arabes et de se transporter avec eux à Biskra le plus vite possible. Si-Bou-Lakhras exécuta ponctuellement les ordres qu’il avait reçus, et lui et ses quatre cents cavaliers franchirent la distance qui les séparait de Biskra en un jour et une nuit. Arrivés à Biskra, ils se joignirent au commandant Saint-Germain et se portèrent à la rencontre de Si Abdelhafidh. Les deux armées se rencontrèrent à Soriana, et les troupes françaises se jetèrent avec impétuosité sur les insurgés. La fortune tourna contre Abd-el-Hafidh, qui fut battu ; mais nous eûmes à déplorer la mort du commandant Saint-Germain, qui fut tué pendant le combat. (…) Revenons maintenant à l’affaire de Zaatcha. Lorsque le colonel Carbuccia abandonna le siège pour rentrer avec sa colonne à Biskra, il laissa Si-Bou-Aziz-Ben-Gana et ses parents auprès de Zaatcha, avec leurs goums, pour surveiller Bouziane et ses partisans, et cette situation se continua jusqu’à l’arrivée du général Horbillon. Ce général, à la tête d’une colonne considérable, mit la plus grande diligence à se transporter à Zaatcha, et, une fois là, il activa les travaux du siège. »

    Mohammed-Es-Seghir Bengana assassine Al-Hassan Bouziane

    Le texte de Bengana poursuit à propos du pogrom de Zaatcha : « Nous n’entreprendrons pas de raconter les péripéties de ce siège mémorable. (…) Enfin, la victoire resta aux troupes françaises ; Bouziane fut tué, tous les habitants de Zaatcha furent passés au fil de l’épée et leur ville fut détruite de fond en comble. Le jour de la prise de Zaatcha, un des soldats de Si-Mohammed-Es-Seghir avait fait prisonnier le fils de Bouziane et l’avait amené au général qui voulait tout d’abord lui accorder la vie. ‘‘Un chacal ne peut enfanter que des chacals’’, objecta Si-Mohammed-Es-Seghir ; la mort de ce jeune homme fut donc décidée et le soldat le tua immédiatement. A la suite de ces hauts faits, qui rendaient plus manifeste encore la fidélité des Ben-Gana au gouvernement français, le général Herbillon répartit les places de caïds dans la région saharienne entre les membres de cette famille. Il nomma Si-Ali-Ben-El-Guidoum, fils de Si-Bou-Aziz-Ben-Gana, caïd des Arabes-Cheraga ; Si-Bou-Lakliras-ben-Mohammed, caïd des Saharis ; et Si-Ahmed-ben-El-Hadj-ben-Gana, caïd des Arabes Gheraba. Ceux qui avaient aidé ou assisté le chérif Bouziane furent sévèrement punis, et chacun des contingents qui avaient formé l’armée du général rentra dans sa résidence respective. »

    Ce n’est pas tout, un autre « haut fait remarquable » de cette famille est à signaler, un carnage qui eut lieu en marge du siège de Zaatcha.

    Le 16 novembre 1849, à deux heures du matin, deux colonnes du corps expéditionnaire français, placées sous les ordres des colonels de Barrai et Canrobert, se dirigèrent vers l’oasis d’Ourlal, « une ville de tentes appuyée aux oasis, des douars sans nombre s’étendant de tous côtés au loin, et de nombreux troupeaux de chameaux, de moutons, couvrant la plaine ». Les soldats français, pourvus de quatre canons, étaient accompagnés des goums de Sétif, du Hodna et de Biskra, ces derniers sous les ordres du cheikh El-Arab Bengana.

    Entendant du bruit, tous les hommes du campement nomade sortirent des tentes, les cavaliers montèrent à cheval et se portèrent en avant pour livrer bataille aux Français et à leurs supplétifs indigènes. Les femmes, les enfants, les vieillards, entendant les coups de fusil et voyant une masse mouvante se diriger de leur côté, se sauvèrent précipitamment vers les oasis. La sauvage agression de cette population algérienne plongée dans le sommeil fit 120 morts, hommes parmi les nomades, femmes, vieillards et enfants. Toutes les tentes furent renversées, bouleversées, déchirées, brûlées même, et tous ceux qui n’avaient pu fuir trouvèrent la mort sous les toiles et les tapis où ils s’étaient réfugiés.

    Voici résumé ici le récit du général Herbillon, le sanguinaire responsable du génocide de Zaatcha, à propos de ce massacre d’Ourlal, un énième crime contre l’humanité commis au nom de la civilisation française, auquel participèrent hardiment, comme toujours, Bengana et ses goumiers : « Le colonel Canrobert, qui commandait l’arrière-garde, apercevant ce qui se passait, tourna aussi à gauche, et, longeant les murs d’Ourlal, en débusqua les Arabes et appuya le mouvement offensif. L’artillerie acheva de jeter l’épouvante au milieu de cette population surprise, en dirigeant son tir sur des douars éloignés, et en lançant des obus dans les jardins où s’était sauvée la plus grande partie des fuyards. Les tirailleurs indigènes et des spahis, ayant été envoyés en même temps à la poursuite des troupeaux, réunirent sans difficultés ceux qui avaient été abandonnés, et enlevèrent un grand nombre de chameaux, que les gardiens défendirent vaillamment en cherchant à les sauver. Quant aux goums, avides de pillage, ils se jetèrent avec rapacité sur le butin qui était à leur disposition, et prirent tout ce que les moyens de transport leur permettaient d’emporter. Les femmes et les vieillards foulés aux pieds des chevaux, se relevant mutilés, et cherchant à atteindre les murs des oasis où elles espéraient s’abriter, presque tous furent tués à coups de baïonnette. Des otages furent pris dans les grandes familles se rendirent à Biskra ; les amendes furent payées aux époques fixées ; et, comme ils avaient demandé à racheter deux mille chameaux qu’on leur avait pris, ceux-ci furent rendus moyennant une somme qui fut déterminée par une commission nommée à cet effet. Les moutons qui avaient été enlevés, au nombre de quinze mille, furent remis à l’administration et distribués à la troupe. Les Français, qui eurent six tués et trente-quatre blessés, rentrèrent au camp de Zaatcha vers quatre heures et demie du soir, avec une prise de deux mille chameaux et quinze mille moutons, les goums de Ben Gana chargés d’un butin considérable suivaient. »

    Intelligence avec l’ennemi

    Dans la mémoire des Algériens, le patronyme Bouaziz Bengana, qui fut principal chantre de la collaboration avec l’occupant français, est estampillé de manière indélébile, il portera à jamais le sceau de la damnation post mortem à l’oubli. A l’image de la loi votée par le Sénat romain au cours de l’antiquité à l’encontre des personnages politiques coupables de haute trahison.

    La descendante de Bouaziz Bengana, qui aurait dû se taire, déclare dans une interview à l’intention de ses nombreux détracteurs sur les réseaux : « A ces petites âmes, je leur rétorque que si elles ont un tel problème avec la France, que font-elles sur le sol français ? »

    Voilà qui nous rappelle l’air de « la France on l’aime ou on la quitte ». Philippe de Villiers disait : « La France, tu l’aimes ou tu la quittes. » Pour Nicolas Sarkozy, « si certains n’aiment pas la France, qu’ils la quittent ! » Le Pen, quant à lui, dit : « Si certains n’aiment pas la France, qu’ils ne se gênent pas pour la quitter ! »

    « Nul ne peut porter le fardeau d’autrui »

    Que les descendants mâles ou femelles des apostats et autres félons de la cause nationale sans foi ni loi se rassurent. Ils jouissent et jouiront encore en Algérie du passage coranique qui dit : « Nul ne peut porter le fardeau d’autrui. » Le coran rappelle ce principe à cinq reprises : dans la sourate Al-An’am verset 164 ; Al Isra verset 15 ; Fatir verset 18 ; Az-zoumar verset 7 et An-Nadjm verset 38.

    Si on ne choisit pas sa famille, selon l’adage, il n’est pas interdit de se repentir.

    Ali Farid Belkadi
    Historien, anthropologue

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