S’abstenir ? « Aujourd’hui, on nous oblige à sauver la République »

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  • L’abstention : « Il va falloir que je pense à gouverner, un de ces jours »
    http://www.regards.fr/web/article/l-abstention-il-va-falloir-que-je-pense-a-gouverner-un-de-ces-jours

    C’est la grande inconnue d’une présidentielle dont elle devrait encore sortir gagnante… ou dont elle peut désigner le vainqueur. Qui est-elle, quelle est son analyse de la situation politique ? Confidences exclusives.

    « On me reproche de faire le jeu de Marine Le Pen, mais qui ne le fait pas, aujourd’hui ? »

    Macron vous inquiète ?

    Un peu, je l’admets. Il est tellement creux, avec ce discours d’étudiant en école de commerce exalté, qu’au départ je n’ai pas vu le danger. Pourtant, chez moi on entend souvent « Élections, piège à cons ! », cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Il ne faut pas s’étonner que la politique-marketing favorise le produit le mieux emballé. L’avantage de parler comme une publicité, c’est qu’on touche un vaste public. Et Macron, c’est une bonne marque. Moi, ma nature, c’est plutôt "No logo". Il séduit les indécis, mais j’ai bon espoir de les récupérer à l’arrivée...

    • « Certains de mes partisans disent "Plus rien à foutre", d’autres "Tout est possible". »

      Vous arrivez à vivre avec cette idée d’être complice de l’extrême droite ? C’est de la non-assistance à démocratie en danger…

      Remballez votre discours culpabilisateur : si je prospère, c’est aussi parce qu’il ne marche plus. Maintenant, ce sont les votants qui culpabilisent. Il faut les comprendre, avec tous les délinquants qui se présentent, avec toutes les trahisons qu’on leur promet… De toute façon, il est faux de dire que je profite au Front national. Encore une fois, je ne suis pas la cause de la crise démocratique, j’en suis le symptôme. Et que propose-t-on à un pays en manque de démocratie ? Une "dose de proportionnelle" ! En outre, élire un monarque républicain, je ne suis pas sûre que ce soit si démocratique que ça… Surtout quand le "tripartisme" ne laisse le choix qu’entre les lâches, les salauds et les fachos.

      C’est un discours d’extrême gauche, ça !

      C’est parce que je suis jeune (rires). Mon côté anar… Je suis peut-être une force politique qui s’ignore. N’oubliez pas que bien des révolutions ont été lancées par ceux qui ne votaient pas. Certes, ce fut souvent parce qu’ils n’avaient pas le droit de voter.

      Justement, des gens sont morts pour que nous ayons ce droit…

      Je l’attendais, celle-là (soupir). Ceux qui sont morts pour le droit de vote avaient en tête d’obtenir plus qu’une carte d’électeur. Et ils ne pensaient certainement pas mourir pour qu’aujourd’hui Christophe Barbier et Ruth Elkrief se pâment devant le « courage » de François Fillon. Les élections garantissent que rien ne change, sinon en pire. Beaucoup de mes partisans pensent que la révolution ne viendra pas par les urnes, ni par les armes, mais par le bas. Certains disent « Plus rien à foutre », d’autres « Tout est possible » et pour ceux-ci, il n’y aura pas d’élection présidentielle. En attendant ce non-événement, je dois vous laisser : j’ai des week-ends de printemps à organiser.

    • Alors que François Fillon s’écroule, Emmanuel Macron a encore le vent en poupe. Il ne vient pas des partis, se dit ni de gauche ni de droite et fait souffler un vent nouveau sur la politique si l’on en croit certains médias. Mais comment est-il monté si vite, et si haut ? Les vidéastes du collectif Osons Causer décryptent le parcours et l’ascension fulgurante de cet énarque et ancien banquier d’affaires. Ce que le candidat à la présidentielle rappelle, c’est qu’on peut être en dehors des partis et néanmoins au cœur du pouvoir. (Site Mediapart)
      https://youtu.be/V9LbK-QXdYA

    • S’abstenir ? « Aujourd’hui, on nous oblige à sauver la République »
      https://www.arretsurimages.net/emissions/2017-03-10/S-abstenir-Aujourd-hui-on-nous-oblige-a-sauver-la-Republique-id9640

      Coulisses de l’émission, par Anne-Sophie Jacques
      C’était une vieille idée. Une vieille envie. Une envie de novembre. Depuis cinq mois nous voulions disséquer sur notre plateau l’abstention. J’avais déjà repéré, et lu, en 2015 le livre au titre un brin provocateur Les citoyens ont de bonnes raisons de ne pas voter des jeunes sociologues Thomas Amadieu et Nicolas Framont. J’avais rencontré ce dernier autour d’une bière pour discuter de son travail et de son terrain de recherche. Selon lui, les observateurs – et au premier rang les médias – focalisent sur les citoyens qui ne votent pas pour mieux les disqualifier, plutôt que de s’interroger sur la qualité de l’offre politique.

      Framont cite d’ailleurs dans son livre une chronique de mars 2015 de Thomas Legrand : le journaliste de France Inter y juge l’abstention comme étant au mieux de la paresse, et au pire le témoignage d’une irresponsabilité individuelle. Le même Legrand poussera un plaidoyer pour le vote – ou plutôt un réquisitoire contre l’abstention – la veille du premier tour des élections régionales en admettant qu’il se prête au jeu de la leçon de morale ; mais quoi ? Le pays n’a-t-il pas connu les attentats du 13 novembre ? N’est-il pas temps de revenir aux « valeurs de la démocratie » en votant ?

      Au lendemain de ce premier tour, le chroniqueur Raphaël Enthoven s’en prend carrément aux abstentionnistes au micro d’Europe 1. Dans une chronique (qui vole le titre de celle de Legrand – à savoir « Abstention piège à cons ») le philosophe dresse le portrait de l’abstentionniste : « ingrat », « fainéant », « malhonnête », « enfant gâté », « irresponsable », « orgueilleux », « snob ». Cette culpabilisation de l’abstentionniste ne vient pas de nulle part. Il est vrai qu’on nous conditionne au vote depuis l’âge tendre. On ne compte plus les nombreuses campagnes nous invitant à voter, où on nous dit que si je ne vote pas je ne compte pas, ou que mon vote peut décider du destin d’une nation, ou encore que je ne dois laisser personne décider pour moi… c’est d’ailleurs le slogan d’une publicité (assez rigolote) réalisée par le Cidem – nouveau Centre d’information civique – en 2001.

      Notre idée de novembre a ressurgi avec la publication le mois dernier d’un manifeste rédigé par un abstentionniste en chair et en os : Antoine Buéno. Chargé de mission au Sénat auprès du groupe des centristes depuis 2003 – mais aussi une des plumes de François Bayrou pendant la campagne présidentielle de 2007, humoriste, chroniqueur de radio et télé et auteur du remarqué Petit livre bleu qui analyse (et critique) la société des schtroumpfs (ce qui inspira à Alain Korkos une chronique à lire ici) – Buéno ne cache pas militer pour l’abstention, qu’il considère comme une arme de protestation et une preuve d’engagement. Son livre No vote ! déplie ses nombreux arguments.

      Aux côtés de Buéno et Framont, nous avons cherché la voix d’une personnalité politique. Pourquoi Rama Yade ? Parce qu’elle se présente aux élections présidentielles et qu’elle s’adresse justement aux abstentionnistes – aux « oubliés de la démocratie », pour reprendre ses éléments de langage. De fait, pendant le premier quart d’heure de l’émission, Yade parle comme une candidate en campagne. Un peu langue de bois. Puis très vite elle redevient citoyenne et concède que oui, elle se pose également la question de l’abstention, dans l’hypothèse où arriverait en deuxième position n’importe quel candidat face à Marine Le Pen.

      Car ce candidat serait, selon elle, issu d’un parti politique qui justement a favorisé la montée de Le Pen. Des deux violences – la violence d’un Front national qui risque de lâcher des hordes de crânes rasés et provoquer dix, cent, mille Adama Traoré, ou la violence d’un parti qui ne changera strictement rien à la politique néolibérale entraînant de fait un peu plus la déliquescence de notre démocratie – laquelle choisir ? Buéno est clair : il choisit la première. Nos deux autres invités sont comme en suspension. Certes l’émission ressemble parfois à une discussion de café du commerce. Mais en même temps cette discussion nous semble nécessaire. Salutaire. On va devoir faire un choix. Trancher. Et avant cela s’interroger sur la portée de notre vote.

      A l’issue de l’émission, nos invités sont lessivés. Remués, d’avoir été poussés dans leurs retranchements. « A un moment je me suis demandé si on n’était pas en train de déconner » lâche Buéno. Il reste six semaines pour s’en faire une idée.

    • La question fondamentale est : « pourquoi des citoyens renoncent à exercer un droit pour lequel leurs ancêtres se sont souvent battus ? » et aussi « les campagnes institutionnelles qui font du markéting du vote prouvent bien que les responsables politiques savent que le vote n’est plus désiré sans vouloir se poser la question du pourquoi, une fois de plus ».