Si tu veux en savoir un peu plus, j’avais écrit un article sur Chico Buarque et la politique ici :
En 1976, il publie un album intitulé Meus Caros Amigos, l’un des meilleurs albums du plus grand artiste brésilien de tous les temps, à mon avis. La #censure l’oblige à utiliser des stratagèmes de plus en plus malins et toujours aussi beaux pour exprimer ses opinions sans se faire interdire. Parmi les tubes de ce disque, nombreux sont issus de musiques de films qu’il a composées, comme O Que Sera, du film Dona Flor et ses Deux Maris, qui sera repris par Claude Nougaro sous le titre Tu Verras ou le samba Vai Trabalhar Vagabundo écrite pour le film du même nom. Mais j’aimerais insister sur trois chansons moins connues que sont Mulheres de Atenas, Corrente et Meu Caro Amigo...
Deux d’entre elles concernent #Augusto_Boal, l’une des figures majeures du théâtre brésilien qui invente dès les années 1950 un théâtre populaire, de rue et contestataire, qu’il appelle le Théâtre de l’Opprimé, en phase avec la réalité sociale et économique de ses « spect-acteurs ». Sous la dictature, en 1971, il est arrêté, torturé et contraint à l’exil, d’abord en Amérique du Sud, puis en Europe. A l’étranger, il systématise sa pratique théâtrale et permet la création de Théâtres de l’Opprimé un peu partout dans le monde. Un premier pied de nez à la dictature consiste, pour Chico Buarque, à mettre en musique #Mulheres_de_Atenas que son ami Augusto Boal à écrit en exil au Portugal, texte féministe et antimilitariste mais inattaquable puisqu’il se déroule pendant l’antiquité grecque. Le deuxième pied de nez consiste à écrire la très belle chanson Meu Caro Amigo, sans dire que cette chanson est un hommage à son copain banni par la dictature...
Mais c’est avec Corrente que Chico Buarque démontre l’étendue de son génie. Une première lecture du texte permet de constater que tout va bien, et que le samba rend les gens heureux. Mais sur la pochette du disque, une note de l’auteur précise : « Dans ce courant, les vers peuvent être disposés librement, selon les préférences de l’utilisateur ; notez par exemple que ce même courant peut être lu à la fois en avant et en arrière ». Effectivement, la relecture de ce texte à l’envers, ou juste décalé d’un seul vers, permet de dire qu’en fait tout va mal sous la dictature militaire, et que le samba ne peut rien y faire (voir ci dessous les paroles en portugais et en français)...