• J – 35 : Présenté souvent comme un pensum, notamment pour les auteurs, singulièrement ceux en dédicace, le Salon du livre est certes une expérience fatigante mais il est aussi l’occasion de rencontrer ses petits copains d’écurie et c’est un plaisir insigne de faire la connaissance d’André Markowicz et de pouvoir lui dire sa gratitude pour ce qui est de pouvoir lire Dostoïevski, ou encore de le complimenter pour ses très beaux Partages . André aura été un excellent professeur pour ce qui est d’engager la conversation avec les lecteurs, lui sait faire cela comme personne apparemment. J’aurais tenté, sans grand succès, de reproduire de telles recettes dimanche mais cela n’aura pas produit les résultats attendus si ce n’est celui de faire rire mes camarades d’ Inculte . Parmi lesquels, Emmanuel Adely auquel j’aurais pu dire tout le bien de ce que je pensais de son dernier livre, Je paie et nous aurons pu également échanger à propos de la confluence entre le Tarn (très froid) et la Jonte (glaciale) en pays presque.

    Sinon cela donne un peu le vertige tout de même d’être assis à une table, à peine garanti par le faible bouclier d’une petite pile de ses livres, et de voir passer, l’après-midi durant, des personnes, des centaines de personnes, des milliers de personnes, dont très peu, vraiment très peu, une poignée, à peine plus d’une poignée, hésitent un peu et puis soulèvent un des livres de la pile, puis le repose comme un objet brûlant une fois qu’ils ont identifié que la personne photographiée en macaron en quatrième de couverture et le gros type assis derrière la pile de livres, et bien ce sont la même personne. De temps en temps au contraire ce sont des personnes déterminées comme mues par une timidité dont les digues ont lâché d’un coup et qui vous racontent en phrases empressées à quel point votre livre et leurs existences se superposent, que c’en est troublant, alors vous proposez gentiment, sans ironie excessive, vous aussi vous avez tué votre compagne et vos enfants ?

    Entre deux livres signés, vous envoyez quelques messages écrits et brefs par téléphone de poche, les réponses de votre correspondante de cœur vous amusent fort, bien au-delà sans doute de la bonne humeur qui est attendue de vous contractuellement.

    Puis vous retournez au charbon, il fait une chaleur moite, un bruit de fond qui par moments monte, monte et monte encore, tout pourrait normalement vous comprimer le crâne, c’est sans compter le récit déjanté qu’Emmanuel Adely fait d’un récent atelier d’écriture qu’il a animé sur les hauts versants alpins et qui tient en lui les ferments d’un roman parfaitement contemporain.

    En sortant du salon, vous échangez vos numéros de téléphones de poche, c’est au-delà du cordial, fraternel presque, il vous promet de lire la chronique que vous avez écrite à propos de Je paie et que vous lui avez remise imprimée. Douze stations plus loin vous recevez un message amical, il est touché par votre chronique, on se promet de se voir dans les Cévennes. Entretemps, vous avez repris une toute autre conversation textuelle avec votre correspondante de cœur, un peu plus, leurs noms de famille celui d’Emmanuel et de votre correspondant de cœur se ressemblant, Emmanuel a manqué de recevoir un message qui l’aurait sans doute laissé perplexe.

    La vie sur le nuage numéro neuf.

    #qui_ca

    • #salon_du_livre donc. Mon souvenir du salon, c’est que j’y trainais mes guêtres il y a... 30 ans, allez, pendant trois ou quatre ans, pour décrocher des tafs misérables avec des éditeurs requins dont le principal objectif était d’essorer vivant tout ce qui de près ou de loin ressemblait à un graphiste ou un cartographe indépendant (dans ce contexte, c’est assez marrant de se définir comme « indépendant » alors qu’on est en fait « esclave » de ce système d’externalisation). J’acceptais parce que je n’avais pas le choix. Mais bon, grâce à tous les Dieux de Norvège et de Gaule, après, je n’ai plus eu besoin de m’allonger.

      Cette expérience a laissé une forte empreinte en moi et même aujourd’hui, s’il m’arrive de parcourir les travées d’un salon de livres, n’importe où, je ne peux m’empêcher d’avoir des nausées ou de me boucher le nez en passant devant les stands de certains éditeurs : par Exemple Max Milo éditeurs, ou Autrement de l’époque Henri Dougier mais ça doit pas avoir beaucoup changé depuis, certainement les plus grosses crapules éditoriales françaises. J’ai toujours en encadré le chéque de 1,46 euros pour les droits d’auteur de mon atlas de l’eau vendu à 15 000 exemplaire :)

    • J’ai corrigé depuis 4 minutes, le vrai chiffre est 15 000, d’où la crapulerie (sinon oui, c’était logique). Bonjour le lapsus :)

      Et oui, nous sommes en train de tout mettre en ligne, mais comme on est pas beaucoup, ça prend du temps ...

    • Je ne vais plus dans les salons du livre, je trouve ça déprimant. Voir tou·tes ces aut·eurs·rices faire de la figuration pour que leurs bouquins soient vendus, un peu comme si c’était des patates m’afflige. En fait, non parce que les marchés où on vend des patates sont bien plus joyeux et vivants, et d’ailleurs je m’y rend avec plaisir.