• jesuisféministe.com | Le mythe toxique du « plan cul »
    https://jesuisfeministe.com/2018/05/29/le-mythe-toxique-du-plan-cul

    Deux peaux qui se rapprochent : cela peut (et même quelque part cela devrait) être très beau. Quelles qu’en soient les modalités. Que ce soit pour un soir. Pour deux semaines. Pour des cinq à sept ou pour des soirées télé/galipette à l’occasion. Ou pour la vie. « Plan cul » semble être une façon volontariste de faire en sorte que ce genre de beauté n’advienne pas. Il ne s’agit pas de plaider en faveur de l’engagement, ni dans la durée, ni même dans l’instant. Pour moi, le problème est au contraire la valorisation implicite du couple monogame. Tout ce qui en sort, nous avons des difficultés à le penser, et il nous faut alors une catégorie. L’expression « plan cul » remplit cet office.

  • jesuisféministe.com | Hidden Figures : Où est le racisme d’État au cinéma ?
    https://jesuisfeministe.com/2018/02/01/hidden-figures-ou-est-le-racisme-detat-au-cinema

    Nombreux sont les films qui, malgré des allures de films historiques ou d’action, ont un sous-texte patriotique. Hidden Figures ne fait pas exception. Il est, en effet, difficile de raconter la conquête de l’espace sans évoquer la nation puisque le prestige national est au cœur du projet. La cause patriotique estompe ainsi les différences au sein de sa population, pour faire face à un ennemi commun – la Russie communiste. Mais derrière ce film débordant de bons sentiments qui débutait avec une proposition féministe intéressante se cache un sous-texte gênant qui cherche à justifier le American Dream méritocratique et contribue à disculper le gouvernement américain de toute action raciste.

    Le personnage de Al Harrison (Kevin Costner) est une illustration frappante de cette dialectique. Directeur du groupe de travail où se trouve Katherine, Harrison représente l’américain moyen : homme blanc dans la cinquantaine, il utilise un langage familier et demeure terre à terre dans un milieu ouvertement intellectuel. Il est, contrairement aux autres personnages, non pas un personnage réel, mais une création des scénaristes, un composite inspiré d’anciens directeurs de la NASA, en grande partie fictif et donc instrumentalisable. En outre, Harrison est aussi la figure de pouvoir du film : haut placé à la NASA, mais aussi implicitement représentant de la nation et du gouvernement américain. Le portrait de Kennedy surplombe son bureau, comme un regard approbateur lors des scènes pivots. Harrison perpétue le cliché du « white saviour » : c’est lui qui reconnaît le talent de Katherine, la juge à son mérite et non à la couleur de sa peau. Il représente la méritocratie idéale, sans préjugés. Par exemple, lors de cette scène marquante où, après la déclaration passionnée de Katherine à propos de la ségrégation spatiale des toilettes, il démolit à coups de pied de biche l’enseigne qui distingue les toilettes. Il vient de balayer d’un seul geste le racisme d’État.

    #racisme #cinéma #racisme_d'etat #féminisme #historicisation

  • jesuisféministe.com | Fais un bisou
    https://jesuisfeministe.com/2018/01/09/fais-un-bisou
    https://www.youtube.com/watch?v=h3nhM9UlJjc

    Ce week-end, j’ai regardé la vidéo sur le consentement pour les enfants, ce qui m’a rappelé quelques souvenirs culpabilisants que je vois aujourd’hui sous un autre jour : celui du respect des limites des enfants.

    Je reprends pour celleux qui n’auraient pas suivi les dernières prises de conscience sur ce genre de sujet. Il semble très (trop) récent qu’on se dise enfin que forcer un enfant à faire un bisou à machin-e ce n’est pas une bonne chose.

    Combien de fois ai-je vu des parents, enfants en bas âge dans les bras, dire « tu fais un bisou à tati ? » ou « tu fais un bisou à Philippe ? Allez, fais un bisou » « regarde maintenant, iel est triste, si tu ne lui fais pas de bisou », etc. Ces « fausses questions » donnent l’impression à l’enfant qu’il a le choix, alors qu’en réalité il ne l’a pas, puisque les adultes s’offusquent si l’enfant refuse.

    C’est incroyablement culpabilisant. Sans s’en rendre compte, les parents forcent l’enfant à faire quelque chose dont il n’a pas envie ou, vu son âge, qu’il ne comprend pas.

    On parle ici d’un acte à la fois intrusif et très anodin. Faire un bisou, pour nous, adulte, c’est se dire bonjour (bien que la bise soit réservée aux femmes et aux enfants…nous y reviendrons dans un autre article). Mais pour un enfant, cet acte social peut être vécu comme une violence, puisqu’on le lui impose. On ne respecte ses limites. À cela s’ajoute la culpabilisation de blesser un-e adulte en refusant de lui faire plaisir.

    Le souci, c’est qu’en faisant cela on apprend à l’enfant à ressentir de la culpabilité lorsqu’il répond négativement aux désirs d’un-e adulte. On demande aux enfants de faire un bisou à n’importe qui famille ou ami-es, qu’iels soient proches de l’enfant ou non. Et l’enfant doit faire plaisir à toutes ces personnes en leur faisant un bisou, sinon il les blessera. Dans ces conditions, comment l’enfant peut-il identifier quand un-e adulte lui veut du mal ou quand l’adulte outrepasse les limites ?

    Cette injonction ne s’arrête pas avec l’âge, puisque même lorsque l’enfant est capable de communiquer, d’exprimer un « non » ou un « oui », une opinion, etc., on lui somme encore d’aller embrasser sa grand-mère, son oncle ou qui sais-je pour lui dire bonjour, et s’il n’a pas envie, on lui dit de faire un effort. Le message est donc « force-toi pour faire plaisir à l’autre ». Ici encore, on est sur un message dangereux qui pourrait contribuer à la culpabilisation de l’enfant abusé par un adulte.

    Une fois l’enfance passée, le message est bien intégré et s’ajoute à un tas d’autres injonctions. Je pense que cette injonction au bisou n’est pas sans conséquence sur nos vies d’adultes et sur la culpabilité que l’on peut ressentir face à nos proches lorsqu’on leur refuse quelque chose.

    Je pense que l’on peut tous et toutes faire quelque chose pour rendre notre environnement plus sécuritaire, pour nous protéger les un-es les autres. Et si on commençait avec les enfants ? Si on les aidait à ne pas reproduire nos propres erreurs ?

    Cela peut être très simple : si vous êtes parent, ne forcez plus vos enfants à « faire un bisou », laissez-le/la estimez lui/elle-même ce qu’iel veut faire ou non sur ce sujet. C’est son corps, son espace. Cela ne veut pas dire être impoli ! Remplacez le bisou par un bonjour, c’est de la politesse élémentaire et ça ne demande aucun contact physique.

    Si vous êtes un-e ami-e, un-e proche et que le parent insiste, dite-lui que non, ce n’est pas grave s’iel ne veut pas faire de bisous. Refusez de participer à cela gentiment en expliquant pourquoi.

    Vous pouvez même demander à l’enfant s’il veut faire un bisou et le rassurer en lui disant qu’iel n’est pas obligé-e et que vous n’en êtes pas blessé-e.

    Et si, vous-même, vous vous forcez encore à faire des bisous, il n’est pas trop tard pour changer ça.

    #consentement #bisou #bise @tetue

  • Bien que j’ai posté #MoiAussi mon #MeToo (mais pas #balancetonporc, je suis super mal à l’aise avec ce tag) je trouve ce texte super intéressant. Et nécessaire.

    Mon trauma ne vous sera pas donné à voir
    https://jesuisfeministe.com/2017/10/17/mon-trauma-ne-vous-sera-pas-donne-a-voir

    En voyant cette masse de #metoo et #moiaussi pleuvoir sur mes réseaux sociaux, il apparaît inconcevable en tant que féministe de se dissocier d’un si grand élan de solidarité, d’une si vaste communauté. Je veux être là pour toutes ces femmes qui m’entourent et qui ont dû faire face à ces agressions. Je voudrais que ma parole soit une source de réconfort et que mon silence ne soit pas un acte de désolidarisation. Or, il me semble qu’avec des initiatives à coup de hashtags, nous sommes contraints à cette dichotomie simpliste.

    Je fais partie de cette lignée de femmes qui ont trimballé la honte, la peur, la rage et la blessure d’une agression. Je fais partie d’une lignée de femmes qui ne se termine jamais. Je n’ai pas besoin de dévoiler mes plus intimes traumas pour que vous vous rendiez compte de l’importance du problème. On appelle les victimes à parler sur tous les fronts, à dénoncer, à crier lorsqu’elles se font attaquer, mais ce n’est pas mon silence qui crée la culture du viol. Il y a suffisamment de documentations et de femmes courageuses qui ont parlé, ce n’est pas un million de plaies ouvertes à voir qui y changeront quelque chose. Cette série de femmes marquées par les agressions et les viols est infinie et elle continuera de s’allonger avec ou sans hashtag.

  • Hannah et l’antiféminisme littéraire | jesuisféministe.com
    https://jesuisfeministe.com/2017/03/31/9729

    L’entretien prend une autre tournure alors que Chuck utilise ce que j’appellerais le discours dominant de l’antiféminisme littéraire pour justifier à la fois ses comportements et ses pratiques d’écriture. Il affirme que la politique ne devrait jamais se mêler de littérature et de sexualité. Le rôle de l’Écrivain serait alors de sonder la Nature Humaine complexe et contradictoire détachée complètement de son contexte sociopolitique et des rapports sociaux patriarcaux. Ce à quoi les féministes répondent : le privé est politique !

    L’épisode montre comment les discours symboliques patriarcaux — ici l’antiféminisme littéraire — cautionnent des violences matérielles concrètes. En prônant un discours littéraire supposément apolitique et sans morale, Chuck Palmer ne voit pas de problème à agresser des jeunes femmes dans la vraie vie. Sa vision du monde et de la littérature réduit les rapports sociaux à de simples faits individuels et anecdotiques. L’un des grands dangers de ce postmodernisme éculé est de renforcer la culture du viol en relativisant tout à l’extrême. Pourtant, Hannah pose une bonne question : qui parle, qui détient le pouvoir ? La littérature restera majoritairement misogyne si elle étouffe les voix des minoritaires et privilégient les points de vues des hommes blancs cis hétérosexuels et aisés.

    #male_gaze #androcentrisme #littérature #domination_masculine #culture_du_viol