• J – 29 : Dans le cadre de mon travail de (petit) ingénieur informaticien (de rien du tout), il arrive que je sois consulté pour étudier une liasse de Curriculum Vitae . Et habituellement ce que l’on attend de moi c’est de déterminer quelles sont véritablement les aptitudes techniques des postulants. Mon employeur serait sans doute surpris s’il connaissait mes méthodes d’évaluation. En effet je pars d’un principe que tous les Curriculum Vitae se valent, en revanche ce qui diffère assez salement d’un candidat à un autre c’est le niveau de langue. Au début, je me suis gendarmé, je me suis dit que c’était injuste, que sans doute en procédant de la sorte je passerais à côté de personnes qui avaient probablement d’autres qualités. Ce matin dans les lettres de motivation qui accompagnent les candidatures je relève qu’un candidat nous assure de sa dévotion pour la Très Grande Entreprise. Et cela me fait réfléchir. Je présume qu’il a voulu dire qu’il nous assurait de son dévouement futur. Et je présume également que le jour de l’entretien, si je devais contribuer à retenir sa candidature, il sera habillé comme un prince d’un costume que je ne reverrai plus, même pas le premier jour. Je suis assez sceptique quant au dévouement alors imaginez la dévotion. Personne ne peut être dévoué pour une entreprise, et sûrement pas dévot. Mais l’insistance au dévouement, je me demande qui peut bien croire que ce soit un argument.

    Et pourtant je vois bien comment l’encadrement de la Très Grande Entreprise est insistant sur le sujet, il ne leur suffit donc pas d’obtenir de notre nécessité de vivre l’exécution de tâches dans lesquelles on peut difficilement rêver de se réaliser, il faut également que nous chantions leurs louanges si non dévotes, au moins dévouées.

    Pour ce qui est de ce postulant qui nous assure de sa future dévotion, je ne sais pas du tout quoi faire, d’un côté si j’applique mon barème habituel, j’écarte, sans trop y réfléchir, sa candidature au motif d’une maîtrise imparfaite, pour ainsi dire, de la langue et, l’argument qui est derrière cette façon de faire est double, pour moi il est beaucoup plus rapide d’évaluer le niveau de langue que les compétences techniques et par ailleurs si je contribue à ce que telle ou telle personnes soit embauchées, cela conduit par la suite à travailler avec elles et là je préfère m’assurer, à la source, qu’on se comprendra bien par la suite. Exit le dévot donc ?

    Je n’en suis pas si sûr. Ces derniers temps j’ai lu de nombreux articles à propos de la domination de la langue et je me suis rendu compte qu’il y avait là un véritable exercice du pouvoir, quelque chose qui me fait naturellement horreur et dont je me ferais l’exécuteur des basses œuvres si je continuais sur cette voie. J’ai donc décidé de rendre un avis favorable pour le dévot. Et que si je dois travailler avec lui par la suite, il faudra que je travaille à le guérir de cette dévotion hors de propos. C’est mon sacerdoce.

    #qui_ca

    • @aude_v Ma pensée sur le sujet, si l’on peut parler de pensée, est en constante évolution.

      Dans un premier temps j’ai été tenté de prendre une manière de revanche sur les matheux, mais je vois bien la limite de ce système.

      Ce n’est pas tant la lettre de motivation dont la rédaction pose des problèmes, elle donne, hélas aussi, des indications sur ce que sera la communication écrite de la personne, et c’est quand même souvent que dans le cadre de mon travail je peine à comprendre ce que les unes et les autres écrivent notamment par mail et je vois bien que les unes et les autres sont souvent des difficultés de compréhension avec ce que moi j’écris dans le cadre de mon travail. Récemment on m’a fait remarquer que l’expression « pis-aller » n’était pas claire. si « pis-aller » n’est pas claire, je te laisse deviner ce qui l’est.

      Et je crois que je suis rentré de plain-pied dans ce que l’on appelle la fin de carrière, parce que je finis par devenir indifférent.

      In fine, puisque je dois en mettre sur le dessus de la pile, je continue d’utiliser mon système, je me fie au niveau de langage. De toute façon personne m’écoute. Dans le cas présent j’ai donné sa chance au dévot par esprit de contradiction. J’ai cependant cru comprendre que cela ne lui a pas porté chance.

    • La lettre de motivation est parfois personnelle. Elle est aussi parfois rédigée par un tiers. Et parfois elle est juste copiée-collée. J’ai du mal à comprendre comment il est possible de l’utiliser pour juger d’une personne dans le contexte d’emploi actuel, où il y a 10000 fois plus de demandes que d’offres et où chaque personne en recherche doit réaliser des dizaines d’envois avant d’obtenir une réponse. Ceci dit, en phase de « liste courte » :-) cela peut commencer à devenir intéressant, si la rédaction de la lettre a lieu lors de l’entretien, comme un exercice qui serait demandé, au même titre que des exercices de validation technique.

      Les personnes capables d’écrire correctement, même chez les pédant•e•s et les bourgeoi•se•s, sont relativement rares. L’étape suivante étant aussi de détecter ceux qui savent lire au delà du premier paragraphe, quand tu leur envoies un mail contenant plus d’une question.

    • @aude_v Il va être difficile de s’adapter à ceci : http://www.desordre.net/bloc/contre/novembre/pages/113.htm (et la dernière fois que j’ai signalé cette tentative sur seenthis , j’ai un vague souvenir que @thibnton et @monolecte avaient renchéri avec des signalements drôlement biens, mais je ne me souviens plus du tout de quand c’était, ni où du coup).

      Et, en fait, cela ne me dérange finalement pas plus que cela de ne pas être toujours très bien compris ou de ne pas bien comprendre à mon travail, il faudrait pour cela que j’en ai quelque chose à faire.