L’imposture populiste | Jean Zin

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  • Réponse à Éric Fassin : de quoi Mélenchon est-il le signe ?
    https://blogs.mediapart.fr/cecile-canut/blog/180417/reponse-eric-fassin-de-quoi-melenchon-est-il-le-signe

    Si l’analyse d’Eric Fassin nous convainc par beaucoup d’aspects, il nous semble aujourd’hui qu’il ne suffira pas de souligner le travers populiste de Mélenchon, puisque c’est de lui que chacun parle et puisque c’est lui que tant d’intellectuels cherchent avant d’autres à désavouer, pour conjurer la mauvaise fortune à laquelle le pays, dramatiquement, paraît lier son devenir.
    Il n’apparaît pas un seul instant, dans quelque discussion que ce soit, dans quelque relation qu’ont ait eue, qu’on se soucie parmi les électeurs potentiels de Mélenchon de faire peuple. Au mieux, autour de nous, aura-t-on évoqué la chose comme évidemment accessoire, et assez pesante. Au même titre que la réitération de mots comme « patrie », la sur-représentation de drapeaux tricolores ou la célébration de l’hymne — dont, comme beaucoup d’autres, nous nous tenons à distance. Et avec vigilance. Et qui nous feront irrémédiablement nous détourner de lui si le mouvement devait prendre un tour nationaliste — ce qu’il n’est pas : les gens que nous croisons, tous, parlent d’égalité des droits, de VIe République, de redistribution des richesses, de justice sociale et d’écologie, pas de préférence nationale. Ils parlent en gens de gauche, et non pour se gargariser de belles paroles, mais parce qu’un devenir de gauche est à leur portée : parce qu’ils saisissent que c’est par l’action, et collective, que cette gauche est à même de renaître et de ne plus être ce hochet remué pour attraper les foules. Et que, oui, s’il faut « construire une gauche », comme le dit Éric Fassin, il faut cependant que les conditions de pareille mise au jour soient réunies, et d’abord cette confiance que la population se fait, dans sa globalité : sans elle, la confiance, et sans la mise à l’épreuve de la promesse par le faire, et par la pensée qui va avec, la gauche restera dans l’état de ruine où ce dernier quinquennat l’a laissée. Elle restera à l’état de nom posé sur une forme vide, et délaissée, du fait de ses bravades don quichotiennes, comme l’est aujourd’hui un candidat socialiste tristement mais infailliblement trahi.

    • Je remets ici le passage qui avait retenu mon attention :

      Si seule la gauche était en ruine, cela serait grave, mais non pas insurmontable. Or, semble-t-il, c’est l’idée même qu’il puisse y en avoir une qui est par terre. Il est juste de reprocher à Mélenchon son tropisme populiste. Nous n’irons pas jusqu’à penser cependant qu’il en est le premier agent. Car, au-delà des autres candidatures, au-delà de cette campagne, au-delà même de la politique, le recours populiste est le ferment de la désagrégation sociale à quoi nous voue ce monde aberrant. Allumer une télé, c’est avoir vite à l’œil et à l’esprit la laideur des gens, donc la sienne propre, et se voir ravalé au rang d’obscur jaloux. Évoluer en continu devant la beauté des désirables publicitaires, ou de l’excellence sportive, ou de l’aisance artistique, etc., dans une société si tendue parce qu’on ne pourra jamais soutenir la comparaison, c’est être ramené à sa détermination d’être infâme, au sens premier du terme, et n’avoir plus que l’horizon du Loto pour s’en sortir. Fréquenter ses amis de cités, c’est voir combien les espaces de vie réservés aux plus modestes sont hideux (ces épouvantables zones commerciales, par exemple), et combien les temps de vie qui leur sont réservés (parce qu’il leur faut toujours aller plus vite) portent à la triste et funeste expression de soi. Ce sont ces moyens d’existence qui sont d’abord les pourvoyeurs de populisme. Un cadre général de vie dans lequel les vexations se doublent d’un appel constant à la rivalité de chacun contre tous, donc à l’excellence qui les rend inassumables, est plus qu’un terrain favorisant le recours populiste : il en est l’organisateur.

    • Bon, euh ... merci de me remercier mais ce n’était pas vraiment par « gentillesse » que j’ai supprimé mon post mais plutôt par soucis d’économiser les disques durs des serveurs de Seenthis.
      Je lis beaucoup d’articles traitant de #populisme ces derniers jours et j’en vois au moins un à méditer : « l’imposture populiste » d’un certain Jean Zin (philosophe des Causses du Lot comme il se définit lui-même). Pour mieux connaître son parcours un petit lien vaut mieux qu’un long discours :

      http://jeanzin.fr/bio-graphie

      La recherche passionnée de la vérité m’aura surtout désillusionné et dévoilé l’étendue de nos limites cognitives. Une bonne part de mes réflexions se portera alors sur la critique de la critique (du marxisme ou des intellectuels à la mode) et de la surestimation de la politique face aux puissances matérielles, enregistrant notamment l’échec dramatique de l’écologie politique (échec de la politique en général) qu’il faut absolument relever (notamment localement).

      Le lien vers l’article en question :

      http://jeanzin.fr/2017/04/13/l-imposture-populiste

      Ce qui devrait être le coeur de la philosophie, c’est bien la question politique, de son irrationalité et de son impuissance. La seule question philosophique sérieuse est celle de notre suicide collectif, la philosophie pratique ne pouvant se réduire à l’individuel qui n’est rien sans l’action collective. Ce que les anciens Grecs appelaient sagesse, celle des 7 sages, était une sagesse politique, bien si précieux car si rare au milieu des folies collectives. Platon lui-même n’aura pas brillé par ses tentatives d’occuper le rôle du roi-philosophe. Rien de plus difficile en effet que de faire régner la concorde et la justice quand tout s’y oppose, passions publiques et intérêts privés, mais surtout notre ignorance qui nous fait adhérer aux solutions simplistes de démagogues.

      Je tiens à faire remarquer que je ne suis pas entièrement d’accord avec certains des propos qu’il livre ici mais le but de nos lectures (et de leurs partages) est aussi de permettre d’exercer notre esprit critique.