• #ABSTENTION !
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article859

    Le rituel de la farce électorale provoque chez les libertaires de tout poil, d’âpres discussions, mais à peu près tout le monde semble d’accord sur le sujet. L’abstention est bien la meilleure réponse face à l’inutilité du vote. Les urnes n’ont jamais engendré de Révolution, mais le principe du vote dans les démocraties auto-proclamées représentatives n’en est pas pour autant un rituel désuet et inutile. Bien au contraire, le vote a été la voie royale par laquelle se sont mis en place des États totalitaires et dictatoriaux qui ont acquis et tirés leur légitimité de l’élection. Car, le rôle premier du vote est bien de donner une apparente légitimité à ce qui n’en a pas, à ce qui n’en a jamais eu.

    En effet l’acte de mise en urne de sa propre voix est, avant tout, l’acte de soumission volontaire et délibérée de l’individu au pouvoir d’un autre. Voter, dans un système électoral représentatif, c’est avant tout accepter qu’un autre parle et décide à ta place. Le système électoral n’est rien d’autre que la capitulation de l’individu au nom du principe de majorité où le nombre fait loi. En période électorale, les injonctions au « civisme » se font toujours plus pressantes. Et, nous pouvons entendre des « Faites voter, abonnez un ami, inscrivez-vous sur les listes électorales, etc ». Cela s’adresse à tout le monde, bien sûr, mais en particulier aux jeunes, surtout les jeunes de banlieue. L’argument massue qui est supposé les convaincre leur dit « plutôt que d’aller casser ou brûler des voitures, profitez de l’élection pour exprimer vos colères ».

    En général nous assistons à une compétition entre partis politiques dits de « droite » et partis politiques dits de « gauche ». Certains vous la promettent « dure » (la compétition), pendant que d’autres vous l’édulcorent pour vous le refiler en « douceur ». Mais vous refiler quoi au fait ? … Le capitalisme et tout ce que cela engendre. Donc, si nous votons, nous votons comment nous nous ferons licencier, de quelle manière la police nous tapera dessus si nous protestons, de comment la « justice » nous jugera, etc. Et, attention ! Tout cela, sans que nous ayons notre mot à dire !

    Nous entendons souvent à la télé, lisons dans les journaux et écoutons un peu partout et jusque dans le bar du coin, ce genre de sottises : « Le droit d’vote, y faut l’dire, c’est sacré ! Vraiment !… Hé, y’a des gens qui sont morts pour ça, hein ! »... Cela résumerait, en quelque sorte, toute l’histoire de l’humanité qui serait, dès lors, ramenée à « ça » : Si Spartacus a défié Rome, si les Sioux ont résisté, si les Canuts ont cassé leurs machines, si Louise Michel, Valles, Reclus, se sont insurgés lors de la commune de Paris, c’est uniquement pour « ça » ! ... Pour que nous puissions aller voter ! voter ! Et voter ! … Alors qu’en fait, il s’agit d’élire ceux qui pourront gérer la paix sociale afin que notre exploitation puisse continuer.

    Au delà du vote pour élire un président (ce qui nous est présenté comme le summum de la démocratie – suffrage universel oblige) qui aura pour seules fonctions de nous représenter et, surtout, de nommer le gouvernement qui sera chargé de nous imposer sa politique, il y a parfois des votes pour prendre des décisions dans la plus pure tradition démocratique capitaliste et qui sont censés donnés la nécessaire touche démocratique pour que tout baigne.

    Mais, quelques exemples nous montreront que, hélas, le vote, lorsqu’il ne va pas dans le sens souhaité par l’administration, quelle qu’elle soit, est purement et simplement bafoué.

    Il y a quelques années, à Chamonix ou à Chaulnes, les habitants ont exprimé, par le vote, leur refus de vivre au milieu des avions et des camions. Leurs décisions, pourtant démocratiquement acquises – par le biais du principe de la majorité, s’entend - furent invalidées par les tribunaux. D’après les députés (qui font les lois), les habitants sont incompétents pour décider de leurs conditions de vie (mais seulement quand ils ne votent pas comme il faut !).

    Plus récemment, en 2005, le fameux vote sur le traité pour la constitution européenne qu’une majorité d’électeurs avait officiellement refusé ... eh, bien ! Sarkozy nous l’a imposé quelques années plus tard, avec cynisme et sans la moindre vergogne, car les électeurs n’auraient pas compris comment il fallait voter. Et là, tous les donneurs de leçons qui nous disent qu’il faut aller voter, on les entend moins. Mais, nous dira-t-on, nous caricaturons, nous sommes négatifs, ils ne sont pas tous pourris, et y’ en a même des qui sont biens, ou que sais je encore ...

    Faut-il, également, vous rappeler les votes fastidieux pour faire adopter ce fameux traité de Lisbonne qui eurent lieu en Irlande ? Là, Messieurs, dames, pour faire bien voter, il a fallu s’y reprendre à deux fois ! Sachez que, lors du premier vote, les irlandais, non plus, « ne comprirent pas » comment il fallait voter et, donc, il fallut recommencer pour voter comme les politiciens le souhaitaient.

    Prenons, maintenant, le cas de Lula, au Brésil, à Porto Alegre. Cette municipalité est (ou a été) dirigée par des trotskistes du parti des travailleurs (PT). C’est au sein de ce soit-disant « laboratoire social » que se concoctait l’infaillible recette pour donner aux masses un avenir radieux - du moins le prétendaient-ils. Pratiquement seuls dans ce panorama à être un « tantinet » critiques, nous, les militants de la CNT-AIT, nous en avons pris pour notre grade : « sectaires, dogmatiques, donneurs de leçon …, et j’en passe … » Mais nos compagnons de la COB-AIT qui dénonçaient la logique électoraliste de Lula et appelaient à l’abstention, eux, se faisaient carrément tirer dessus à coup de revolver ! (Et vive la démocratie représentative ! bang !)

    Quelque temps après, c’était en octobre 2002, Lula est élu à la présidence de la république bananière du Brésil. Cette fois-ci, avec un trotskiste pur jus président de la république, on allait voir ce qu’on allait voir. Et en moins d’un an, nous avons vu, tout le monde a vu, et les brésiliens ont vu : Réduction drastique des budgets sociaux, réforme fiscale favorisant les hauts revenus (ben tiens), blocage des salaires des fonctionnaires, réformes des retraites dont l’âge de départ a été relevé de 7ans ! les pensions, elles, diminuées de 30 %, etc.

    Et tout ça, sans mouvements sociaux. Alors, content du voyage ? Ce fut plus fort que Sarkozy, Valls et Hollande réunis. Il m’a souvent été dit, et j’imagine, à tous les abstentionnistes aussi, que : « Si tu ne votes pas, tu fais le jeu du FN ». Et, avec notre critique du vote, nous aussi, nous ferions, paraît-il, le jeu du FN.

    Rappelons ce que l’Anarchiste Buenaventura Durruti disait à Barcelone, en 1932 : « Les socialistes et les communistes disent que nous abstenir aux élections, c’est favoriser le fascisme. Mais nous avons toujours dit que l’État est un instrument d’oppression au service d’une caste. Et nous restons fidèles à nous-mêmes. Le mouvement de libération doit toujours faire face à l’État. C’est pourquoi nous prônons l’abstention électorale active. Active veut dire que, tout en nous abstenant de la stupidité électorale, nous devons rester vigilants dans les lieux de production et dans la rue.

    Les vrais bandits, les vrais malfaiteurs, ce sont les politiciens qui ont besoin de tromper et d’endormir les ouvriers en leur promettant la semaine des 4 jeudis pour leurs arracher un vote qui les porte au parlement et leur permet de vivre en parasites sur la sueur des ouvriers. Lorsque nos camarades députés socialistes ont, eux aussi, unis leurs voix à cette cohorte d’eunuques, ils ont montré leur vrai visage. Car il y a de nombreuses années qu’ils ont cessé d’être des ouvriers, et par conséquent des socialistes. Ils vivent de leur activité de député.

    Que les républicains socialistes le sachent : ou bien ils résolvent le problème social, ou bien c’est le peuple qui le résoudra. Nous savons que la république ne peut pas le résoudre. Aussi, disons nous clairement à la classe ouvrière qu’il n’y a plus qu’un dilemme : ou mourir comme des esclaves modernes, ou vivre comme des hommes dignes, par la voie directe de la Révolution sociale. Vous donc, ouvriers qui m’écoutez, sachez à quoi vous en tenir. C’est de vous que dépend le changement du cours de votre vie ».

    Quatre ans plus tard, le 19 juillet 1936, les Anarchistes Espagnols, et parmi eux Durruti, barraient la route au coup d’État fasciste en prenant les armes et par la révolution sociale. Pendant ce temps, les députés parlementaient gaiement ... avant que les partis politiques ne tirent dans le dos des Anarchistes et autres Révolutionnaires, tuant ainsi la Révolution en Espagne !

    Alors que fait-on si nous n’allons pas voter ? Bien avant l’apparition tragique de l’économie marchande et du travail forcé, bien avant le règne mortifère et destructeur de la bourgeoisie, l’humanité des temps anciens a vécu pendant des dizaines de milliers d’années au sein de sociétés sans État où les décisions concernant la vie commune étaient prises par des assemblées générales de tous les membres de la communauté. Il ne s’agit pas d’idéaliser ces sociétés, mais il est bon de rappeler que les pratiques de démocratie directe et d’assembléisme sont issues de ce très lointain passé. (NDLR : voir les travaux de P. Clastre, J. Mallaury, ou M. Sahlius). Les rebelles et les révolutionnaires de toutes les époques ont cherché à renouer avec cette pratique, tout simplement, parce qu’elle est la seule à tourner le dos à toutes les oppressions et la seule qui donne la possibilité de fonctionner sur un mode réellement humain.

    La démocratie directe empêche la confiscation de la parole de tous au profit d’un seul ou de quelque-uns. Le porte-parole ou le délégué n’est, effectivement, que le porteur, le vecteur de la parole des autres. L’assemblée qui l’a choisi peut, à tout moment, le révoquer s’il s’avère que le mandat confié n’est pas respecté.

    Ce système politique n’engendre donc pas de prise de pouvoir. Non seulement le mandaté est constamment soumis au contrôle pour les mandats qui lui sont confiés mais encore sa délégation est limitée, dans le temps et dans son objet. Il est évident que la bourgeoisie et toutes les classes dominantes qui l’ont précédée ont toujours cherché à justifier leurs oppression. La bourgeoisie a toujours prétendu que les sociétés humaines n’avaient jamais fonctionné sur d’autres modes que tutélaires et a donc toujours nié qu’elles aient pu avoir la capacité d’échapper à une tutelle, c’est-à-dire au supplice de la domination. Mais cet argument (qui n’est en fait qu’un « simple » déni) ne tient pas la route, car l’humanité à vécu beaucoup plus longtemps sans joug que sous le fer. Elle saura sans nul doute, tôt ou tard, retrouver le chemin de la Liberté. Ce n’est qu’une question de temps.

    Article d’@Anarchosyndicalisme ! n°153 mars - avril 2017
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article853

  • LA FICTION AU POUVOIR
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article854

    "Le spectacle électoral vient-il de commencer sur les chapeaux de roues qu’il éclabousse déjà la classe politique. Les anarchistes le répètent depuis fort longtemps, le pouvoir corrompt. Dans les années 1970, le Canard Enchaîné avait, déjà, réactualisé cet aphorisme au cours de l’affaire Aranda en écrivant que « le Pouvoir est toujours de boue ». Quelques décennies de scandales plus tard, essayons d’aller au delà du simple calembours pour tenter de comprendre les soubassements idéologiques d’un scandale permanent. Qu’est-ce qui fait que tant de boue tienne toujours debout ?

    Nous avons bien entendu que si le pouvoir est toujours debout, c’est parce que nous restons à genoux. Mais c’est que l’affaire du travail fictif de Pénélope nous renvoie à autre chose. Ce pouvoir de boue ne serait-il debout que parce que la majorité le considère comme tel ?

    En effet, toute institution est imaginaire et, à ce titre, il est logique qu’elle produise un travail fictif. Pour être précis, si nous parlons de travail à son sujet, nous commettons un abus de langage. L’idéologie dominante a clairement récupéré, à son profit, tout le capital symbolique du mot. En effet, une institution ne travaille pas, elle fonctionne … quand fonctionne la croyance à sa fiction. Dans ce schéma, ce sont les croyants qui paient. En effet, l’institution, que ce soit l’Église ou l’État, a introduit l’idée qu’elle effectue une action éminemment utile et nécessaire, comme "travailler" pour que nos âmes aillent au paradis ou pour relancer l’économie ; ce qui par conséquent compterait plus que le travail réel. Comme souvent en matière d’exploitation des hommes, les choses se font petit a petit, mais toujours dans le même sens. Ainsi, au départ, les indemnités parlementaires étaient-elles bien plus modestes car justifiées par l’intention de permettre aux ouvriers d’exercer les fonctions électives. Aujourd’hui, combien d’ouvriers à l’assemblée ou au sénat ? Concrètement, ces indemnités et leurs attributs successifs sont devenus des sources d’enrichissement pour une caste sociale. Voilà pourquoi le travail des politiciens, si fictif soit-il, paie bien plus que le travail productif des travailleurs, aussi réel soit-il !

    Comme par hasard, dans des discours pleins de promesses, il a beaucoup été question de travail, ou plutôt de non-travail, de la part de gens qui font de leur non-travail une source d’enrichissement ; ce qui n’est pas étonnant. A les écouter, il semblerait que le travail tende à disparaître. Certes, les délocalisations dont ils sont directement responsables, d’un côté, et l’augmentation de la productivité à laquelle ils sont totalement étrangers, de l’autre, ont fait œuvre de mutations. Mais, il n’en reste pas moins que des millions de tâches pénibles ont toujours besoin de main-d’oeuvre et, dans certains domaines comme celui de la santé ou de l’accompagnement des anciens, ces besoins sont en réelle augmentation. Bien entendu, les personnes employées a ces travaux réels ont été invisibilisées par le pouvoir. Mais ce n’est pas parce que les politiciens nous méprisent que nous n’existons pas.

    Alors est réapparue, chez certains des candidats à la roue de la fortune, cette vieille rengaine du revenu universel, couplée a celle du robotisme. Résumons cette pensée si peu complexe qu’elle en paraît, elle aussi, fictive ou, plutôt, science-fictive. Les robots (Et qui les fabriquera ? Et qui les entretiendra ?) travaillerons à notre place et nous recevrons alors un revenu universel. En fait, ce sera un revenu de survie minable et financé par cette automatisation généralisée. Mais les Pénélopes, et il faut en parler au pluriel car il serait injuste de laisser au singulier celle par qui la toile s’est déchirée, nous disent tout autre chose. Elles disent clairement à tout le monde (et même aux croyants) que, pour le politicien, blablater et tenir salon légitimerait un "travail" ; et, ce travail, certes intangible selon l’expression hardie de l’avocat du couple Féllon, mériterait d’être grassement rétribué. Dans un tel contexte idéologique où ceux qui proposent de mettre un terme à toute perspective d’emploi, pour une grande partie de la population en lui distribuant quelques miettes, sont aussi ceux qui profitent de tels privilèges. En définitive, le concept de revenu universel nous renvoie non pas à l’avenir mais au passé. Un passé qui a transformé, en pierre, la boue du pouvoir. A l’époque, il y avait les aristocrates, les esclaves et la plèbe. Aujourd’hui, il y a les Pénélopes, les robots et … le reste."

    Edito d’@Anarchosyndicalisme ! n°153 mars - avril 2017
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article853