Pour que la chance et la joie de s’informer n’aient d’égales que celles d’éduquer aux médias et à l’information | Cultures de l’Information
▻https://cultinfo.hypotheses.org/1376
L’heure est grave.
« Vous êtes terrifiés par vos propres enfants, parce qu’ils sont natifs dans un monde où vous serez toujours des immigrants ». Ce propos, qui résonne de façon si actuelle, date de 1996. Il est adressé aux parents, par le militant libertaire John Perry Barlow, dans un texte fondateur de l’histoire du web, la Déclaration d’indépendance du cyberespace.
Par ce discours, débute, concernant le numérique, la stigmatisation de la jeunesse, encline à adopter des techniques, et plus largement toute innovation culturelle, dont les pratiques échappent à la compréhension des plus âgés. Le mythe d’une rupture générationnelle, voire anthropologique, majeure, en raison de l’arrivée d’internet dans nos vies, est né. Ces enfants, ces adolescents, qui manient avec dextérité un téléphone portable, écrivent des messages à la vitesse de la lumière, sont alors catégorisés comme « digital natives »,m « génération Google », « Petite Poucette », avant que, sous l’effet de l’arrivée de nouveaux dispositifs, on les affuble du qualificatif de « Génération TikTok ».
En 2001, après le discours de Barlow qui avait ouvert le sillon de l’idée d’un fossé générationnel, Mark Prensky, consultant en TICE, enfonce le clou : il désigne par le néologisme « digital natives » cette cyberjeunesse qui n’a pas connu le monde sans Internet, et serait, par là-même, radicalement, voire biologiquement, différente des autres générations. Ce discours infuse de façon puissante dans la société. Il imprègne les imaginaires collectifs, entretenant le sentiment d’une incapacité à « faire reliance » entre les générations, entre les parents, les enseignants, les adultes en général, et les enfants et adolescents. Cette peur d’une telle rupture conduit souvent à rejeter les usages et pratiques juvéniles, jugés comme problématiques à l’aune de pratiques installées selon un ordre établi.
Depuis quelques temps, pour dénoncer la pensée de la rupture anthropologique, et avec elle les peurs qu’elle draine, le concept de « panique morale » est brandi. On doit ce concept à Stanley Cohen qui, en 1972, raconte comment une véritable panique est née à partir de bagarres entre jeunes dans la station balnéaire de Clacton, opposant des groupes rivaux, les « Mods » et les « Rockers ». Se faisant l’écho de ce phénomène, la médias de masse se sont alors interrogés sur la perte de repères d’une jeunesse britannique portant des tenues farfelues, adoptant des pratiques culturelles signes d’une baisse de niveau intellectuel, et transgressant les codes établis témoignant d’une dissolution des valeurs sociétales. Suite à cet évènement, un renforcement du contrôle social a été mis en place, dont un durcissement des contrôles policiers, l’adoption de nouvelles lois… Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?