• Comment Israël empêche les agriculteurs palestiniens de travailler leur terre
    Amira Hass | Haaretz 28 mai 2017 | Traduction : Luc Delval
    http://www.pourlapalestine.be/comment-israel-empeche-les-agriculteurs-palestiniens-de-travailler-l

    Un palestinien roule vers sa terre au-delà de la barrière de séparation de Cisjordanie près de Qalqilya, avril 2017. Nir Kedar

    (...) Cette grève, de façon assez surprenante, n’a pas fait de vagues en dehors des agriculteurs et de leurs familles, alors qu’il s’agit d’un problème qui affecte l’avenir de l’ensemble des réserves foncières publiques palestiniennes. Mais peut-être n’est-ce après tout pas si surprenant, puisque depuis octobre 2003 – c’est-à-dire le moment où le commandant des forces israéliennes en Cisjordanie, le Major Général Moshe Kaplinsk avait émis un ordre de bouclage pour l’ensemble de la “zone couture” – les Palestiniens n’y ont plus joui d’aucune liberté de déplacement.

    Les citoyens israéliens et les résidents, les personnes qui peuvent bénéficier de la “Loi du retour” pour immigrer en Israël (ainsi que le précise l’ordre) et les touristes peuvent entrer librement dans la “zone couture”. Seuls les Palestiniens ont besoin d’un permis pour pénétrer sur leurs terres et dans leurs maisons, et ils ne peuvent y pénétrer pour aucune autre raison que pour y travailler ou pour y résider.

    Depuis 2009, l’Administration civile a publié régulièrement (et pas seulement à l’intention des agriculteurs), toutes les quelques années, des brochures contenant les ordres en vigueur pour l’obtention de permis pour la “zone couture”. En février, la cinquième version a été diffusée. Et la combinaison de nouvelles règles et de nouvelles interprétations des règles existantes qu’elle contient déclenché les signaux d’alarme.

    L’une d’entre elles réduit à néant la tradition palestinienne du travail de la terre collectif, en famille. Au lieu de cela, l’Administration civile oblige les famille à diviser artificiellement les terres entre les héritiers lors du décès du père, et cela même s’il préfèreraient traiter la terre comme une propriété commune, certains membres de la famille y travaillant effectivement tandis que d’autres paient pour le tracteur, les semences ou les outils, et que d’autres encore assurent la commercialisation de la production. Diviser les terres prend du temps, notamment en raison de la superposition des bureaucraties israélienne et palestinienne. Et cela coûte de l’argent (honoraires, etc…) et ce peut aussi être une source de conflits entre les héritiers.

    Cette règle a été introduite pour la première fois en 2014. Il ressort de conversations avec des agriculteurs, à la fin de 2016, que certains d’entre eux s’y sont déjà conformés. Les comités de liaison palestiniens n’avaient apparemment pas compris immédiatement à quel point c’est grave.
    Une nouvelle règle non-écrite

    Mais voici où se situe le piège : une interprétation qui ne figure pas dans la brochure officielle. Dans le courant de la deuxième moitié de 2016, quelqu’un au Bureau de liaison israélien (qui fait partie de l’Administration civile) a apparemment décidé qu’ils n’est pas nécessaire qu’une parcelle de moins de cinq dunams soit travaillée par plus d’une personne, règle dont il découle qu’un permis d’entrée ne sera délivré qu’au propriétaire enregistré de cette parcelle, même s’il s’agit d’un vieillard, s’il est malade ou s’il a un autre travail. Depuis les derniers mois de 2016, Haaretz et les organisations de défense des droits humains ont reçu de nombreux témoignages de cette façon de procéder.

    Comme toujours avec les règles non-écrites, il était possible au début de penser qu’il ne s’agissait que d’incidents isolés, découlant peut-être d’un malentendu. Mais les témoignages se sont accumulés. Et en réponse à des questions de Haaretz, un porte-parole du Coordinateur des Activités Gouvernementales dans les Territoires [occupés] (COGAT) n’a pas nié qu’en effet telle est l’interprétation en vigueur. (...)

    #Colonialisme_de_peuplement