Cela me rend tellement triste, je n’aurais jamais cru.
Je crois bien que le premier film dans lequel je l’ai vu, c’est L’ami américain, Wim Wenders, 1977. Évidemment je l’avais pas vu à sa sortie (j’avais 7 ans), mais quelques années plus tard avec ma classe d’allemand.
Sinon : Bruno Ganz, Dennis Hopper, Peter Falk, il porterait un peu la poisse, Wim Wenders, non ?
Alors moi mon premier film avec Bruno Ganz c’est Der Messer in dem Kopf de Reinhard Hauff (1978), même époque que L’Ami américain, en cours d’allemand à 14 ans et pareillement la découverte dans le même film d’Angela Winkler que l’on revoit sporadiquement de temps en temps, dans Benny’s video de Michael Haeneke, elle est très juste et elle est la seule bonne facette de Sils Maria d’Olivier Assayas, d’ailleurs c’est assez comique comment elle balayse assez simplement de son talent et Binoche et Stewart, bref.
Dans La chute qui n’est pas un très bon film, ce que fait Bruno Ganz comme acteur n’a pas de nom. Quant aux Ailes du désir , c’est lui qui porte le film.
@arno pour ce qui est de porter la poisse, tu peux ajouter Solveig Dommartin, Kurt Boise et Lou Reed, mais à part Solveig Dommartin, ils avaient un peu tous l’âge de leurs artères les gars que tu cites.
Solveig Dommartin aussi ? Ah ben... du coup je viens de googler Nick Cave et Crime and the city solution.
@arno Ne regouglis plus jamais Nick Cave, il ne va pas si bien depuis le décès de son fils.
Et gouglissant Solveig dommartin, je suis très surpris d’apprendre qu’elle a été la monteuse de Tokyo-Ga. Je ne dirais pas, jamais qu’elle était une très bonne comédienne (encore que capable de faire illusion en trapéziste ce que par exemple Gena Rowlands ne saurait pas faire), en revanche le montage de Tokyo_Ga, quand même !
Tiens, notre discussion sur Les ailes du désir et Bruno Ganz récitant/chantonnant Als das Kind Kind war de Peter Handke, en 2017 :
►https://seenthis.net/messages/603391
C’était donc ça ce strange feeling of Déjà vu ...
Das Bereitsgesehengefühl , sans doute
Les ailes du désir sur Arte disponible du 20/02/2019 au 26/02/2019
▻https://www.arte.tv/fr/videos/001103-000-A/les-ailes-du-desir
Bruno Ganz, un acteur européen. un portrait disponible du 16/02/2019 au 21/03/2019 de Norbert Wiedmer (2004)
▻https://www.arte.tv/fr/videos/031772-000-A/bruno-ganz-un-acteur-europeen
Bruno Ganz réfléchissait plus volontiers sur son métier qu’il ne parlait de lui. Au réalisateur suisse Norbert Wiedmer, qui le suivait depuis 1998 avec sa caméra, il avait pourtant accepté de confier ses réflexions sur sa carrière d’acteur, au théâtre et au cinéma, au fil d’une longue discussion nocturne. Dans son appartement, à Zurich, où il est né en 1941 et où il vivait quand il n’était pas en Allemagne ou en Italie, Bruno Ganz dévoile une partie de son univers et évoque son enfance, ses débuts, ses rôles marquants. Il analyse son rapport à l’art et à la politique, et revient notamment sur le rôle controversé qu’il a endossé dans le film La chute d’Oliver Hirschbiegel, dans lequel il incarne Adolf Hitler. Les propos de Bruno Ganz, émouvant par sa franchise et sa sensibilité, sont entrecoupés de séquences d’archives illustrant ses différentes phases créatives.
Alors voilà cher @arno, un de mes films fétiches à moi (en réponse à ce signalement ►https://seenthis.net/messages/603391 ), c’est La Grande Illusion de Jean Renoir, que j’ai du voir une douzaine de fois aussi, mais une seule fois au cinéma, à la faveur d’un ciné-club dans mon cinéma de quartier. Et alors je te prie de croire que de voir les fantômes de Jean Gabin, Pierre Fresnay et Erik Von Stroheim sur grand écran, c’était autre chose que sur un petit écran à la maison.
Ce film a par ailleurs deux ramifications personnelles pour moi.
Quand Jean-christophe Bailly a écrit Le Dépaysement , il y a quelques années, à ma connaissance la seule réponse intelligente aux épouvantables débats sur l’identité nationale organisés par le ministère de l’immigration (vous n’aviez tout de même pas oublié que nous avions récemment eu un ministère de l’immigration), dans son introduction Jean-christophe Bailly écrit à propos d’une époque de sa vie où il vivait à New York, se sentait complètement détaché de la vielle Europe et a fortiori de la France, s’imaginant une manière de citoyen de nulle part et de partout à la fois, et un soir à la télvision, il voit La Règle du jeu de Jean Renoir et cela lui fait un choc : il est français, quoi qu’il dise et quoi qu’il pense.
Et la manière dont il décrit ce choc a été un choc pour moi parce que j’avais vécu à peu de choses près la même micro aventure, à Chicago et avec La Grande Illusion du même Renoir.
Et sinon en revenant d’être allé voir la Grande Illusion au ciné-club, j’avais eu cette idée d’un récit que je n’ai finalement jamais écrit.
Un homme part au cinéma de quartier pour aller voir la Grande Illusion . A mi-parcours il doute d’avoir refermé correctement la porte de chez lui, où sont restés femme et enfants. Mais il est tiraillé entre la paresse de retourner fermer cette porte, la séance qui va débuter incessamment et pour laquelle il a été tenu en retard par un coup de téléphone et le fait aussi qu’il vit dans un quartier calme, d’ailleurs il leur est bien arrivé à sa femme et à lui, par manque de concertation de passer des nuits entières la porte ouverte, c’est-à-dire close mais non fermée à clef. Aussi il finit par ne pas s’arrêter à ce détail et monte au cinéma. Cependant la projection du film est polluée tout au long par les récits macabres qui se superposent aux tentatives d’évasion de la Grande Illusion , récits dans lesquels un tueur maniaque profite de la porte ouverte pour massacrer sa famille dans un déluge de violence sans cesse renouvellée. Mais tout comme il était tiraillé à mi-chemin par cette idée de ne pas rater la séance, il ne veut pas rater non plus la dernière projection sur écran de cinéma de son film fétiche, qu’il voit pour la dixième fois au moins mais pour la première fois au cinéma sur grand écran.
A la fin de la séance il s’aperçoit qu’il est presque seul dans la salle, qu’il ne connaît personne dans les spectateurs épars de même que la personne qui tient habituellement la caisse est sans doute occupée à rembobiner les bobines du film. Dans la rue personne, une ou deux voitures, mais personne. Il réalise alors qu’il sera tenu responsable de ce massacre en l’absence de témoins, et le fait de pouvoir raconter l’intrigue de la Grande Illusion , ans ses moindres détails, ne devrait pas le dédouaner en lui tenant lieu d’alibi, quand bien même il est effectivement allé voir ce film le soir du massacre. Et de fait l’absence d’effraction, la porte était ouverte, l’incriminera d’autant.
Arrivé anxieux chez lui, il s’aperçoit que la porte est fermée, sa femme l’a sans doute fermée, mais aussi qu’il n’a pas pris la clef de chez lui en partant au cinéma. Sa femme dort pronfondément et il n’a pas vraiment moyen de la réveiller, comme ils se sont disputés avant la séance, il ne voit pas d’un bon oeil que de devoir la réveiller en allant à la cabine téléphonique la plus proche — oui, il n’a pas de portable, il n’en a jamais voulu, il n’en aura jamais — dans le bas du quartier, la perspective de devoir remonter les rues pentues de son quartier le décourageant. Il décide donc de casser un carreau de la cuisine et ne trouvant pas son opinel dans la poche droite de son pantalon, opinel dont il se disait qu’il allait s’en servir en position fermée, il trouve son trousseau de clef dans cette poche droite, trousseau de clefs qu’il range habituellement dans sa poche gauche de pantalon et non dans la droite. Il entre chez lui dans un silence de tombeau. Lui vient en tête cet haïku d’Issa
Sous la lune du soir
Ils visitent les tombeaux,
Goûtant le frais.