La rentrée des classes - La Vie des idées

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  • La rentrée des classes (La vie des idées)
    http://www.laviedesidees.fr/La-rentree-des-classes.html
    Du désordre dans l’école à la reproduction sociale

    Les inégalités sociales de scolarisation étaient au cœur des débats et des analyses dans les années 1970, lorsque l’élargissement de la scolarisation dans le secondaire (trop précipitamment qualifié de démocratisation scolaire, disait Bourdieu) révélait que l’égalité formelle affichée par une école plus ouverte aux enfants des différentes classes sociales ne produisait pas l’égalisation sociale attendue des réformes scolaires. Alors que ce constat conduisait à la production de grands modèles théoriques d’analyse centrés sur la manière dont l’école remplit une fonction de reproduction sociale, Willis déplaçait le regard et l’angle d’analyse du système scolaire et de son fonctionnement vers la boîte noire de l’école qu’il aborde par les pratiques et la culture des élèves de familles ouvrières. Pour paraphraser le sous-titre du livre, la question que pose Willis est la suivante : comment les enfants d’ouvriers scolarisés dans une école qui leur ouvre plus largement l’accès au secondaire en viennent à obtenir et, davantage, à accepter des emplois d’ouvriers non qualifiés en usine ?
    […]
    Selon la thèse soutenue dans le livre, l’orientation des enfants d’ouvriers vers les voies de relégation scolaire et vers la sortie de l’école sans qualification ne procède pas seulement d’un mécanisme d’exclusion qui les contraint, mais est aussi un effet de la manière dont ils s’approprient, avec créativité, l’école, et affirment leur appartenance à un autre monde que celui de l’institution scolaire. Parlant d’une « auto-damnation » de ces fils d’ouvriers, Willis montre qu’ils participent activement, par leur opposition et leurs résistances aux exigences et à l’ordre scolaires, à la reproduction des positions sociales familiales et à leur orientation vers des emplois industriels socialement peu valorisés, mais qu’ils valorisent.
    […]
    Il montre ainsi que l’expérience scolaire des gars les conduit à une perception ou une prise de conscience (qu’il nomme pénétration culturelle) que l’école leur propose un marché de dupes : acceptez de renoncer aux formes culturelles de votre existence, aux plaisirs de la sociabilité juvénile et ouvrière masculine pour sortir de votre condition, alors que « la possibilité d’une véritable mobilité vers le haut semble si éloignée, qu’elle en devient utopique » (p. 59). En quelque sorte, la résistance des gars à l’école ne serait pas sans rationalité si on considère ce qu’ils perdent et les chances de gagner en acceptant de jouer le jeu scolaire et d’être des élèves « conformistes ».
    […]
    Ce n’est pas un moindre apport du livre que nous rappeler que les phénomènes qui sont constitués en problèmes sociaux contemporains sont vieux comme la massification scolaire amorcée dans les années 1960-1970 et amplifiée après les années 1980 ; une massification qui a introduit au sein de l’école les contradictions de nos sociétés inégalitaires et que manifestement l’institution scolaire n’a pas réussi à résoudre ou à réduire.

    #éducation #inégalités #échec_scolaire #démocratisation_scolaire #reproduction_sociale #orientation #classes_sociales

  • La rentrée des classes
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    Ainsi, les gars rejettent et dénigrent les intellectuels « qui ne servent à rien » et valorisent le travail manuel, soutiennent que la pratique vaut mieux que la théorie, dénigrent les diplômes, « arme pratique du pouvoir de la connaissance telle qu’elle est définie par l’institution » (p. 171). Ils opposent, en les affrontant parfois physiquement, aux fayots et « intellos » soupçonnés de n’être pas de vrais hommes, un ethos de la virilité et de la résistance qui se retrouve dans l’univers masculin de l’usine. Au temps long de l’école qui suppose de différer la mise en pratique des savoirs acquis ou à acquérir, ils privilégient l’action immédiate. L’#école leur apparaît comme un lieu où l’on perd son temps et l’on gâche sa jeunesse alors que l’urgence serait de « rigoler », de prendre du bon temps avec les copains et avec les filles : « Pour “les gars”, le temps n’est pas quelque chose qu’on gère avec précaution et judicieusement pour aboutir ensuite aux résultats désirés. Pour “les gars”, le temps est quelque chose qu’ils veulent s’accaparer sur-le-champ en tant qu’aspects de leur identité immédiate et de leur auto-détermination. Le temps leur sert à préserver un état – être avec “les gars” – et non pas à aboutir à un objectif – obtenir des diplômes » (p. 51). Plus globalement, ils reproduisent la dichotomie entre « eux » (les dominants, les institutions) et « nous » (les gars, les ouvriers) présente dans leurs familles comme dans les usines [5] et distinguent en les opposant comme deux mondes dissemblables ceux qui sont dans le camp de l’école et ceux qui lui résistent.

    #éducation #livre #tw #fb

    • L’école est indeed un lieu où l’on perd son temps, parce qu’elle est mal foutue. Vouloir promouvoir plus de travail manuel et de pratique c’est juste la base de la pédagogie, la théorie seule assomme et semble inutile si on ne peut montrer en parallèle son utilisation pratique. Perso j’apprends bien mieux en passant déjà par la pratique (quitte à me foirer), et ensuite par la théorie (on comprends mieux ses erreurs, et pourquoi certains principes sont utiles). Bref c’est pas forcément une idéologie de gros bras machos...

    • Il me semble qu’il serait erronné de vouloir dégager une base de la pédagogie : si l’école est mal foutue, c’est notamment parce qu’elle ne s’adresse qu’à un seul type d’intelligence ; continuer à le faire en s’adressant à un autre type d’intelligence ne me paraitrait pas plus opportun.

    • D’accord avec @bohwaz, l’école à la Française ne vise qu’à mater des enfants pour les modeler selon le modèle voulu. On y trie, faussement, le bon grain (les plus aptes à se soumettre au modèle et à le reproduire) au détriment de l’ivraie (à mon sens les plus intelligents car aptes à proposer d’autres manières de faire, d’autres points de vue).

      Les « meilleurs » du système scolaire sont voués à faire des prépas, où là aussi on triera favorablement ceux qui sont les plus aptes à s’isoler, à bachoter, à mémoriser, pour les amener dans les « grandes » écoles où ils deviendront l’élite gouvernante de la nation.

      Cela m’afflige : quelques dizaines d’années de ce modèle nous montre bien ce que ça donne en énarques, polytechniciens ou normaliens qui reproduisent avec assiduité et sans aucune imagination ce que leurs aînés de ces écoles ont réalisé.

      Pour moi, l’école Française est un système d’une perversité redoutable qui a mis au rancart bon nombre de mes amis du primaire au lycée au prétexte qu’ils n’étaient pas capables d’accepter un tel mode de fonctionnement. Je m’en suis mieux tiré qu’eux, mais j’ai gardé une haine farouche pour ce système.