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  • Ce que devra faire un gouvernement non démissionnaire sur la pauvreté | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/guillaume-allegre/devra-faire-un-gouvernement-non-demissionnaire-pauvrete/00112237
    https://www.alternatives-economiques.fr/sites/default/files/public/styles/og_image/public/field/image/_gab_chronique_twitter_-_35_4.webp?orig=png&itok=_7zJdcqm

    Le gouvernement démissionnaire a démissionné de la lutte contre la pauvreté depuis longtemps. Sa stratégie principale depuis 2017, de facto sa seule stratégie, a été l’insertion par l’emploi. D’autres volets ont été évoqués comme la solidarité à la source, c’est-à-dire le versement automatique des prestations sociales, sans que cela se traduise par des mesures concrètes.

    Or la stratégie de lutte contre la pauvreté par l’emploi est un échec prévisible. L’emploi a augmenté – le taux d’emploi de la population d’âge actif est passé de 65,5 % en 2017 à 68,1 % en 2022 – et le taux de chômage a baissé. Mais le taux de pauvreté a également crû dans cette période : de 13,8 % en 2017 à 14,4 % en 2022.

    Ceci était prévisible dans la mesure où la politique de l’emploi s’est appuyée sur la baisse du pouvoir de négociation des travailleurs (salariés, chômeurs ou bénéficiaires de l’assistance) avec la réforme du Code du travail, celle de l’assurance chômage, ou encore la loi pour le plein-emploi conditionnant le RSA à 15 heures d’activité.

    Ce choix délibéré de l’emploi à tout prix, mais surtout d’emplois à bas coût1, débouche, là encore sans surprise, sur une augmentation des inégalités et donc de la pauvreté, malgré la baisse du chômage et de l’emploi précaire, pour partie réelle. Entre 2020 et 2022, la hausse de la pauvreté concerne toutes les catégories (chômeurs, actifs en emploi, inactifs, enfants).

  • Les 4 grands enseignements de la crise inflationniste | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/4-grands-enseignements-de-crise-inflationniste/00112206
    https://www.alternatives-economiques.fr/sites/default/files/public/styles/for_social_networks/public/field/image/080_hl_nguyonnet_2490893.webp?orig=jpg&itok=IdcThwKw

    Entre d’un côté un contexte de pénurie, de l’autre des consommateurs impatients de rattraper la consommation perdue pendant la pandémie – et sans doute moins regardants sur les étiquettes –, les entreprises ont en effet eu l’opportunité d’augmenter excessivement leurs prix, en prétextant la nécessité de répercuter la hausse des coûts de production.

  • Dans le Vaucluse, des saisonniers étrangers traités comme des esclaves | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/vaucluse-saisonniers-etrangers-traites-esclaves/00112209
    https://www.alternatives-economiques.fr/sites/default/files/public/styles/for_social_networks/public/field/image/saisonniers_etrangers_web_0.webp?orig=jpg&itok=4Qr1EBw1

    Près de chez vous Dans le Vaucluse, des saisonniers étrangers traités comme des esclaves
    Le 26 Août 2024
    Au pied du mont Ventoux, comme ailleurs en France, certains saisonniers agricoles étrangers sont particulièrement maltraités par leurs employeurs. Les syndicats tentent de réagir.
    Par Solange de Fréminville
    Pas de salaire, pas de jour de repos, un hébergement indigne. Sous l’étincelant soleil de Provence, au pied du mont Ventoux, dix-sept saisonniers agricoles marocains ont été réduits au cours de l’été 2023 à ce qui s’apparente à de l’esclavage.

    #Covid-19#migrant#migration#france#economie#migrationsaisonniere#agriculture#travailleurmigrant#sante#droit#esclavage#maroc

  • Les « involontaires » aux JO disent non au travail gratuit | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/maud-simonet/involontaires-aux-jo-disent-non-travail-gratuit/00111887

    Alors que la Seine-Saint-Denis – où le taux de chômage est de 10,5 % – supporte la majorité des conséquences néfastes et des épreuves de Paris 2024, vous martelez avec un enthousiasme révoltant que les Jeux reposent sur les bénévoles. Nos expériences en tant qu’infiltré·es dans votre programme nous ont appris, si ce n’est confirmé, qu’en fait de bénévolat il s’agit bien de travail gratuit.

    Un travail pour lequel nous avons passé plusieurs étapes de sélection (débouchant pour certain·es sur un refus), qui demande d’avoir ou d’acquérir des compétences particulières et de résister à la pression, qui impose une hiérarchie, des contraintes, le port obligatoire de l’uniforme... […] Le tout au service d’une organisation et de sponsors qui, eux, réaliseront d’indécents profits. »

  • L’inflation a-t-elle plombé les comptes publics ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/linflation-a-t-plombe-comptes-publics/00111366

    Si ce n’est pas l’inflation qui a participé à maintenir notre déficit dans le rouge et à alourdir notre endettement, il faut donc chercher d’autres explications. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la moitié de l’augmentation de notre dette depuis 2017 (+ 911 milliards d’euros) serait liée à des mesures de soutien décidées face à différentes crises, à compter de celle des gilets jaunes. Ce pourcentage monte à 70 % si l’on considère le plan de relance post-covid comme faisant partie de ces mesures exceptionnelles.

    Cet argument est souvent brandi par le gouvernement, mais il précise beaucoup moins qu’entre 30 et 50 % de l’augmentation de la dette depuis 2017 tiennent à des mesures budgétaires non financées 2. Selon François Ecalle, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, ancien rapporteur général du rapport de la Cour des comptes et auteur du blog Fipeco, 30 % de la hausse de la dette serait effectivement liée à des décisions du gouvernement de hausse des dépenses ou de baisse des recettes depuis 2017.

    L’exécutif a contribué en partie à créer la situation à laquelle il entend aujourd’hui remédier par des coupes brutales dans les dépenses publiques.

  • Jean-Louis Laville : « Pour sortir du capitalisme autoritaire, une alliance entre responsables publics et société civile s’impose » | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/jean-louis-laville-sortir-capitalisme-autoritaire-une-alliance-e/00111082

    La philanthropie soulève immanquablement la question de la responsabilité des pauvres et de leur nécessaire moralisation. En cela, elle prépare le tournant autoritaire qui constitue la troisième phase typique de la trajectoire capitaliste.

    Face aux demandes de démocratisation qui se propagent, la sollicitude est remplacée par la répression. Au XIXe siècle, ce furent l’écrasement de la révolution de 1848 puis de la Commune ; au XXe siècle, ce fut la préférence pour le fascisme d’élites dirigeantes obsédées par la peur du communisme.

    Contre les discours lénifiants, du type de celui tenu par Francis Fukuyama qui fait croire à une fin de l’histoire par l’alliage de la démocratie parlementaire et du capitalisme, gardons à l’esprit les alertes de Jean Jaurès pour qui le capitalisme porte en lui la guerre, et de Jürgen Habermas pour qui il existe une tension irréductible entre capitalisme et démocratie, ou encore de Karl Polanyi qui montre le lien entre la société livrée au marché autorégulateur et la violence étatique.

    Notons néanmoins que le néolibéralisme diffusé par le consensus de Washington1 présente des spécificités par rapport au libéralisme historique : il ne considère pas l’économie de marché comme naturelle. Au contraire, il mobilise délibérément l’État pour restaurer la primauté de la concurrence.

    Cette position volontariste est exprimée par Friedrich Hayek ou Milton Friedman. Leur objectif explicite est de supprimer ce qu’ils appellent les excès de la démocratie. Ils incitent à se débarrasser des notions de justice sociale et de solidarité et à cantonner les associations dans les services rendus à bas coûts. Ils développent en outre un véritable négationnisme à l’égard de la question écologique.

    Leur projet est anthropologique : en reformatant les institutions, ils visent à façonner des êtres intériorisant la concurrence.

  • La « classe moyenne » qui s’en prend aux « chômeurs » ne s’en prend qu’à elle-même | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/mathieu-gregoire/classe-moyenne-sen-prend-aux-chomeurs-ne-sen-prend/00110237

    Pour vous, le RSA, c’est dans douze mois ? Oui : « vous ». C’est à vous que je m’adresse. Vous qui êtes salariés dans le privé (ou allez le devenir). En CDI ou en CDD, peu importe. Vous qui êtes un homme ou une femme. Vous qui êtes ouvrier, employé, technicien, ingénieur, cadre… Vous qui avez 20, 30, 40 ou 50 ans.

    Pour la plupart d’entre vous, le revenu de solidarité active (RSA), dans douze mois, ça ne rentrait pas, objectivement, dans l’univers des possibles. Mais le Premier ministre souhaite que ça le devienne en diminuant la durée maximale des indemnités servies par l’assurance chômage à 12 mois.

    C’est la septième séquence de réforme de l’assurance chômage depuis 2017 que Gabriel Attal vient ainsi d’initier. On peut y voir un trouble obsessionnel de la part du gouvernement : depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, il n’y a pas eu une année sans réforme (ou tentative de réforme) de l’assurance chômage, à l’exception de l’année 2020 du fait du Covid.

  • Comment la #gauche peut contrer l’#extrême-droite ? Débat entre Manon Aubry, Aurore Lalucq et Marie Toussaint | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/gauche-contrer-lextreme-debat-entre-manon-aubry/00110876

    Dans les institutions européennes comme dans la plupart des pays membres, droite et extrême droite sont à la manœuvre pour revenir sur les quelques avancées écologiques obtenues ces dernières années.

    Alors que les #élections_européennes pourraient renforcer ce pôle nationaliste-conservateur, quel contre-discours la gauche doit-elle lui opposer ? Comment peut-elle devenir majoritaire sans renier son ambition sociale et écologique ? Doit-elle pour cela surmonter ses divisions actuelles ?

    Pour en débattre, Alternatives Economiques a réuni trois femmes, représentant trois tendances de la gauche française, trois eurodéputées sortantes candidates à leur réélection.

    Manon Aubry est coprésidente du groupe de la Gauche au #Parlement_européen (GUE/NGL) et tête de liste La France insoumise pour l’élection européenne. Aurore Lalucq est membre de Place publique (PP) et en 4e position sur la liste PS-PP menée par Raphaël Glucksmann. Marie Toussaint est vice-présidente du groupe des Verts-ALE au Parlement européen et tête de liste des Ecologistes pour l’élection.

  • Retour des écoles normales : le proviseur de la République a encore frappé ! | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/philippe-watrelot/retour-ecoles-normales-proviseur-de-republique-a-frappe/00110296

    C’est la fin des masters Métiers de l’enseignement de l’éducation et de la formation, dits MEEF, mis en place par Jean-Michel Blanquer en 2017 et réformés avec un concours placé en fin de M2, il y a… deux ans. Cette évolution menée à marche forcée a épuisé les étudiants candidats (et les personnels des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation – Inspé). Or, ces réformes incessantes brouillent la visibilité nécessaire aux éventuels candidats sur leur formation et nuisent à l’attractivité du métier.

    Le recrutement au niveau master a asséché le « vivier » des candidats potentiels et limité l’accès au métier des catégories populaires. Le retour du concours d’entrée au niveau de la licence nous ramène à la situation prévalant de 1990 à 2009. Mais notons qu’à la fin de cette période, il y avait déjà une baisse des inscriptions aux concours. De même, les niveaux de rémunération envisagés correspondent à ce qui était proposé en M1 et M2 avant la dernière réforme. Ce fut sans effet sur l’attractivité.

  • Transport maritime : les points de blocage se multiplient pour les navires | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/transport-maritime-points-de-blocage-se-multiplient-navires/00109846

    Il ne manquerait plus qu’un blocus du détroit de Malacca, pas impossible dans un contexte de tensions grandissantes entre la Chine et Taïwan, pour que le commerce maritime mondial soit définitivement plongé en eaux troubles. Pour l’instant, c’est au niveau des canaux de Suez et de Panama que le passage des navires est entravé.

    En mer Rouge, des navires sont, depuis mi-novembre, la cible de tirs de rebelles yéménites houthistes, soutiens du Hamas dans la guerre qui l’oppose à Israël. Les armateurs préfèrent donc désormais éviter la zone entre le détroit de Bab El-Mandeb et le canal de Suez et contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance.

    Le volume des échanges via la route initiale, qui assure habituellement 15 % du commerce mondial et 30 % du trafic de conteneurs, a diminué de moitié au cours des deux premiers mois de 2024 par rapport à l’année précédente. Le volume des échanges transitant par le cap de Bonne-Espérance a, lui, bondi d’environ 75 % sur la même période, d’après une estimation de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

    Ce sont principalement les porte-conteneurs et les pétroliers qui s’en détournent, ainsi que les expéditions de gaz naturel liquéfié (GNL). Ces dernières sont complètement à l’arrêt depuis le 16 janvier, affectant l’approvisionnement de l’Europe auprès du Qatar, qui lui fournit 12 % de ses importations de GNL. Les chargements de ces différents types de navires ayant plus de valeur que celui des vraquiers, qui transportent notamment des céréales, ils ont plus de probabilité d’être pris pour cible.

    « Ces événements aggravent les défis déjà posés au niveau de deux autres points d’étranglement : la mer Noire [en raison de la guerre en Ukraine, NDLR] et le canal de Panama. Ils soulignent la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement maritimes face aux tensions géopolitiques et au changement climatique », signale Jan Hoffmann, chef de la branche logistique commerciale de la Cnuced.

    Au niveau du canal de Panama, depuis cet été, la sécheresse persistante liée au phénomène météorologique El Niño et au dérèglement climatique, restreint en effet le trafic maritime.

    Ce canal situé entre l’Atlantique et le Pacifique utilise un système d’écluses alimentées par l’eau douce du lac Gatun, ensuite rejetée dans la mer à chaque passage de bateau.

    Le déficit hydrique actuel oblige donc les autorités du canal à limiter la circulation pour maintenir tant bien que mal le niveau du lac qui fournit l’eau potable de la moitié des habitants du pays. De quarante passages quotidiens avant le début de la sécheresse cet été, le quota par jour s’est réduit petit à petit jusqu’à atteindre dix-huit navires en février.

    Les compagnies maritimes se retrouvent alors face à un dilemme. Elles doivent soit attendre leur tour (le délai d’attente s’était déjà allongé de quatre jours avant la sécheresse, à vingt jours en août 2023), soit changer de route. Mais le détour par le cap Horn, au sud du continent américain, est plus long (d’environ vingt jours) et plus dangereux que la route habituelle.

    Cette reconfiguration des flux, aussi bien du côté de Panama que de la mer Rouge, n’est pas sans conséquences. Alors que le transport par voie maritime assure 80 % du commerce mondial, ce dernier a diminué de 1,3 % entre novembre et décembre 2023, selon l’institut économique allemand IfW Kiel.

    Par ailleurs, avec l’augmentation des temps de parcours, un trajet nécessite plus de carburant. Surtout que, « comme les navires accélèrent pour compenser le retard, ils émettent plus d’émissions de CO2 par kilomètre parcouru », explique Jan Hoffmann de la Cnuced.

    En parallèle, pour maintenir la cadence de livraison, les armateurs mettent en place des navires supplémentaires.

    « S’ils utilisaient sept navires pour faire une boucle de 77 jours, ils en ont désormais huit pour assurer le roulement avec un temps de trajet plus long », explique Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar).

    Tout cela fait augmenter le coût du transport. En conséquence, les taux de fret maritime – les tarifs affichés pour le transport d’un conteneur par la mer – ont plus que doublé entre octobre 2023 et février 2024, atteignant 2 218 euros par conteneur pour les départs de Shanghai, qui servent de référence.

    Lecture : le coût moyen du transport, toutes destinations confondues, d’un conteneur au départ du port de Shanghai était de 2 218 dollars au 2 février 2024.

    « C’est un rebond, mais rien de comparable avec l’inflation connue pendant la crise sanitaire, nuance toutefois Paul Tourret. Cette fois, les chargeurs n’ont pas le même sentiment d’urgence, donc ils n’auraient pas accepté de trop fortes hausses des prix de la part des armateurs. » Il rappelle également qu’un porte-conteneurs économise 545 000 dollars de droit de passage en évitant le canal de Suez.

    Pas de panique à bord, donc, pour ce géographe expert du secteur maritime :

    « L’industrie maritime peut s’adapter. Les armateurs avaient commandé beaucoup de bateaux en 2021-2022, engendrant même des surcapacités. Ils ont les moyens de se réorganiser. Par ailleurs, en cette période d’atonie de l’économie mondiale, il suffit aux entreprises de bien gérer leurs stocks pour encaisser la hausse des délais de livraison. »

    « La capacité offerte entre l’Asie et l’Europe n’a été réduite que marginalement (- 4,9 % sur la route Asie-Europe du Nord) en raison de la crise en mer Rouge », confirme le cabinet spécialisé Sea-Intelligence.

    Certaines entreprises, qui fonctionnent à flux tendu avec des stocks très limités, pâtissent tout de même de la crise. Tesla a ainsi été forcé d’arrêter la production dans son usine allemande pendant quinze jours en janvier en raison d’une pénurie de composants fabriqués en Asie.

    Des conséquences économiques pour certains pays

    Faut-il s’attendre à un report de la hausse des taux de fret sur les consommateurs ? « Le transport maritime ne sera pas responsable d’une inflation mondiale parce qu’il ne représente pas grand-chose dans le prix final des marchandises », estime Paul Tourret. La Cnuced s’attend toutefois à une répercussion sur les consommateurs d’ici un an.

    Avec cette nouvelle route qui contourne l’Afrique, l’économie des pays méditerranéens pourrait aussi être affectée car leurs ports risquent d’être beaucoup moins desservis.

    En Italie, pays qui réalise habituellement 40 % de ses échanges commerciaux via la mer Rouge, les exportateurs ont dû retarder ou annuler un certain nombre de cargaisons, pour un coût estimé à 8,8 milliards d’euros entre novembre 2023 et janvier 2024, d’après les calculs du centre d’études italien Confartigianato.

    L’Egypte, propriétaire du canal de Suez, est également une grande victime de ces changements. Les droits de passage lui avaient rapporté 8,6 milliards d’euros sur l’année fiscale 2022-2023, constituant une des principales rentes sur lesquelles est basée l’économie égyptienne, aux côtés des transferts de la diaspora basée à l’étranger, du tourisme et de l’énergie. La baisse de 40 à 50 % des revenus du canal, annoncée mi-février par le président égyptien, ne sera donc pas sans conséquences pour le pays.

    L’Egypte, comme le reste du monde, devra pourtant s’accoutumer à ces perturbations. Car les tensions géopolitiques comme le dérèglement climatique sont amenées à durer. Ils viennent tous deux rappeler la nécessité de développer des modes alternatifs de transport, notamment le fret ferroviaire. Difficile toutefois d’imaginer un remplacement massif, le différentiel de prix restant nettement à l’avantage de l’option maritime.

    Ces troubles viennent en tout cas rappeler l’importance d’encourager la relocalisation et une consommation plus locale.

  • « Les exécutions de femmes s’inscrivent dans de longues biographies de violence » | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/executions-de-femmes-sinscrivent-de-longues-biographies-de-viol/00110060

    Aucun homme ne commence par être un féminicidaire. Les exécutions de femmes s’inscrivent dans de longues biographies de violence. Pour qu’un homme tue une femme parce qu’elle est une femme, il faut qu’il soit dans un environnement où les violences faites aux femmes sont globalement régies par un régime d’impunité et que l’Etat – et ses institutions – y collabore, activement ou passivement.

    Ces violences doivent être pensées dans un flux qui, selon moi, ne peut pas être hiérarchisé. Un meurtre n’est pas, dans l’absolu, plus grave qu’une insulte, car les deux procèdent de la même logique mortifère.

    L’homme qui va tuer une femme aura commis avant cela de nombreuses violences considérées par la société comme « acceptables » – car banales et banalisées – et n’aura donc jamais été arrêté. On aura qualifié ces violences de « micro-agressions ».

    Les femmes sont d’ailleurs souvent les premières à les minimiser : « Je me suis encore fait traiter de “sale pute” dans la rue. Je n’ai rien dit car j’étais pressée, je ne peux pas être en guerre permanente, j’ai eu peur... » Comme le souligne la grande écrivaine canadienne Margaret Atwood, si « les hommes ont peur que les femmes se moquent d’eux, les femmes ont surtout peur d’être tuées par eux ».

    Or, les hommes sont habitués à agresser les femmes en les insultant, en les touchant sans leur autorisation, à l’école, au travail, dans la rue. Les hommes sont aussi acclimatés à la culture de l’inceste et du viol…

    En bout de chaîne, cela donne des hommes qui s’autorisent à tuer des femmes. Tout cela est accentué par nos habitus culturels, licites ou illicites, de la littérature au cinéma, en passant par la pornographie straight. C’est une machine de guerre dirigée contre les femmes.

  • Refuser le CETA : une nécessité qui va bien au-delà du libre-échange | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/christian-chavagneux/refuser-ceta-une-necessite-va-bien-dela-libre-echange/00110177

    Le CETA a été négocié dans l’ancien monde, celui de la mondialisation heureuse, celui dans lequel les grandes entreprises ont bar ouvert pour faire à peu près ce qu’elles veulent. Le monde a changé. Aussi imparfaites soient les nouvelles règles de gouvernance mondiales mises en œuvre, elles vont dans le même sens : davantage de contrôle des banques avec Bâle 3, plus de souveraineté fiscale avec les accords OCDE, moins de libéralisme commercial avec la mise sur la touche de l’OMC, etc.

  • La moitié du revenu des ménages est socialisée, un rempart contre les inégalités | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/moitie-revenu-menages-socialisee-un-rempart-contre-inegal/00109949

    Nous vivons dans une société profondément salariale mais aussi et indissociablement républicaine eu égard à l’ampleur de l’intervention publique. Et cette intervention réduit considérablement les inégalités. L’Insee a publié en ce sens une remarquable étude s’appuyant, elle aussi, sur une approche extensive du revenu.

    Ses résultats sont éloquents : les 10 % les plus riches reçoivent dix-huit fois plus de revenus primaires que les plus pauvres (13 % de la population), mais cet écart passe à trois une fois pris en compte tout ce que les ménages paient sous forme d’impôts ou cotisations et surtout – car c’est d’abord par la dépense que la redistribution opère – tout ce qu’ils reçoivent en prestations et transferts8.

  • L’inflation, une bombe sociale à retardement | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/linflation-une-bombe-sociale-a-retardement/00109692

    Plus largement, jamais autant de Français n’ont dû se priver. Début 2022, 9 millions de personnes étaient en situation de privation matérielle et sociale(1), selon l’Insee. Soit 14 % des Français, un record depuis que l’on mesure cette statistique. Malheureusement, cette contre-performance a toutes les chances d’être égalée, voire dépassée, en 2023 et 2024…
    Laurent Jeanneau

    1.
    Devoir se priver, cela veut dire ne pas pouvoir chauffer son logement à la bonne température, renoncer à s’acheter des vêtements neufs, ne pas accéder à Internet ou éviter de se réunir avec des amis autour d’un verre ou d’un repas au moins une fois par mois.

  • Réarmement démographique : « L’État veut produire de la chair à canon »
    https://reporterre.net/Rearmement-demographique-L-Etat-veut-produire-de-la-chair-a-canon

    En évoquant le réarmement démographique, M. Macron rajoute aux discours natalistes « classiques » une « connotation guerrière insupportable », dit l’éditrice féministe Isabelle Cambourakis. « On nage en pleine dystopie. »
    [...]
    Le corps des femmes n’est pas une arme de guerre. Associer cette terminologie martiale à la politique nataliste me glace le sang. Cela donne l’impression que le gouvernement veut produire de la chair à canon. Ce n’est pas simplement un discours nataliste comme il y en a eu tant d’autres dans l’histoire. S’y ajoute en plus cette connotation guerrière insupportable, alors même que les conflits se multiplient dans le monde. On se demande quel est l’objectif visé concrètement par le gouvernement. Quelle politique le réarmement démographique va-t-il entraîner ? Est-ce seulement un élément de communication militariste ou non ? On reste dans l’expectative mais l’usage de ces mots est sidérant, rien que dans l’image que cela crée. Emmanuel Macron s’impose comme un chef autoritaire et martial qui veut avoir la main sur tout, un petit père du peuple, un pater familias qui irait jusqu’à gérer la reproduction de sa population.

    « On nage en pleine dystopie »

    J’ai l’impression d’assister à une vaste opération d’embrigadement des corps et des personnes pour les besoins d’une hypothétique guerre à venir, pour l’économie et la production ou pour faire face aux futures crises climatiques. On instrumentalise la jeunesse pour tenter de répondre aux catastrophes. Cela fait écho à de nombreux romans d’anticipation comme La Servante écarlate de Margaret Atwood ou le livre que j’ai édité, Viendra le temps du feu (2021) de Wendy Delorme. Dans ce livre, l’État oblige à la procréation et met en place des contrôles sanitaires pour surveiller la fertilité de sa population. Exactement comme les annonces d’Emmanuel Macron avec les tests de fertilité à 25 ans… On nage en pleine dystopie. Le discours du chef de l’État emprunte autant au pétainisme qui vante « la régénération du pays » qu’à la science-fiction.

    [...]

    Cela n’a pas d’influence sur les pratiques de procréation. Ce n’est pas parce que Macron appelle à un réarmement démographique que les gens vont tout d’un coup décider de faire des enfants ! Ces discours n’ont aucun effet, c’est une simple adresse envoyée aux conservateurs.

    … qui arrive un mois après l’adoption de la loi immigration.

    Cela va de pair. Pour que « la France reste la France », selon la formule d’Emmanuel Macron reprise à l’extrême droite, il faut à la fois limiter l’immigration et soutenir la reproduction des femmes blanches et des familles hétérosexuelles françaises.

    [...]

  • « L’algorithme de la #CAF conduit à un surcontrôle des populations les plus précaires » | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/lalgorithme-de-caf-conduit-a-un-surcontrole-populations-plus-pr/00109069

    Fin novembre et début décembre, l’association La Quadrature du Net et le journal Le Monde ont chacun fait paraître une enquête sur l’utilisation du data mining (l’exploration de données) par les caisses d’allocations familiales (CAF), pour détecter les indus et les fraudes. Les deux enquêtes montrent que ce système, qui permet de scanner des milliers de données de 32 millions de personnes (les allocataires et leurs proches) et sur la base duquel sont déclenchés les contrôles, cible les plus pauvres, notamment les mères isolées.

    L’algorithme utilisé attribue un score de risque aux allocataires allant de 0 à 1. Plus on est proche de 1, plus on est exposé à la probabilité d’un contrôle. Parmi les critères pénalisants, le fait d’avoir changé de loyer plus de quatre fois en un an et demi, d’avoir un enfant à charge de 19 ans ou plus, ou encore de déclarer chaque trimestre ses ressources pour percevoir l’allocation adulte handicapé (AAH).

    • on sait _qui_ à pondu ledit algorithme, sur ordre de qui, et selon les specification de qui ? ou c’est secret défense ? (voire, secret défonce)

    • #Notation des allocataires : fébrile, la CAF s’enferme dans l’#opacité

      Alors que la contestation monte (voir ici, ici, ici ou ici) concernant son algorithme de notation des allocataires à des fins de #contrôle_social, la CAF choisit de se réfugier dans l’opacité tout en adaptant, maladroitement, sa politique de communication. Suite à son refus de communiquer le code source de son algorithme, nous avons saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA).

      Comme nous l’expliquions ici, la CAF utilise depuis 2012 un algorithme de #profilage attribuant à chaque allocataire une note ou « #score_de_risque ». Construite à partir des centaines de données dont la CAF dispose sur chaque allocataire, cette note est ensuite utilisée pour sélectionner celles et ceux qui seront contrôlé·es.

      Cet algorithme symbolise l’étendue des #dérives de l’utilisation des outils numériques au service de politiques de contrôle social portées par des logiques policières de suspicion généralisée, de #tri et d’#évaluation continue de chacun de nos faits et gestes.

      Ici, comme c’est généralement le cas par ailleurs, ce tri cible les plus précaires. Les rares informations disponibles à ce sujet laissent apparaître que parmi les critères dégradant la note d’un·e allocataire, et augmentant ses chances d’être contrôlé·e, on trouve pêle-mêle : le fait de disposer de faibles revenus, d’habiter dans un quartier défavorisé, d’être une mère célibataire ou encore d’être né·e hors de France.

      Pour en avoir le coeur net, nous avons donc demandé à la CAF de nous communiquer le #code source de son algorithme1. Et sa réponse est affligeante2.

      Sortir de la précarité pour “tromper l’algorithme”

      Si la CAF a bien accepté de nous communiquer le code de l’algorithme… ce n’est qu’après avoir masqué la quasi-totalité des noms des variables comme on peut le voir sur l’illustration de cet article, qui est une photo de ce que la CAF nous a répondu.

      En d’autres termes, le fichier fourni nous permet simplement d’apprendre combien de #critères sont utilisés pour le calcul de la note des allocataires. Rien de plus. Ce qui n’empêche pas la CAF de préciser dans son courrier qu’elle espère que sa communication nous « permettra de comprendre le modèle »3.

      Les responsables de la CAF ont toutefois tenu à justifier le caviardage du fichier. Ces dernier·es précisent que le #code_source a été « expurgé des mentions qui, si elles étaient communiquées, pourraient donner des indications aux fraudeurs pour tromper l’algorithme »4. Et pour être tout à fait honnête, nous n’étions pas préparé·es à cette réponse.

      La CAF croit-elle vraiment que les critères liés à la #précarité (situation professionnelle instable, faibles revenus, logement situé dans un quartier défavorisé…) pourraient être modifiés par la seule volonté de l’allocataire ? Qu’afin d’augmenter leur note et de « flouer » l’algorithme, des millions d’allocataires pourraient décider, d’un coup, de sortir de la pauvreté ?

      Ce raisonnement frise l’#absurdité. A vrai dire, il est méprisant et insultant pour celles et ceux vivant des situations difficiles.

      Pire, le secrétaire général de la CAF entretient publiquement la confusion entre #fraudes et #erreurs de déclarations involontaires, prenant ainsi le risque de stigmatiser les personnes ciblées par l’algorithme, et ce, dans le seul but de justifier l’opacité de son institution.

      En réponse à un journaliste de Radio France5 l’interrogeant sur la réponse de la CAF à notre demande, il l’expliquait en disant qu’« il y a un certain nombre de données dont on pense que, si elles sont connues, peuvent nourrir des stratégies de contournement de personnes dont le but c’est de frauder le système ». Et d’ajouter : « Il faut que l’on ait un coup d’avance ».

      Faut-il donc lui rappeler que l’algorithme de la CAF n’est pas entraîné à détecter les fraudes mais les erreurs de déclaration, par définition involontaires6. Et que sa réponse pourrait donc être reformulée ainsi : « Nous ne communiquerons pas le code de l’algorithme de peur que les allocataires arrêtent de faire des erreurs ».

      De notre point de vue, cette réponse révèle l’ampleur de l’embarras des responsables de la CAF vis-à-vis de leur algorithme. Ils et elles ont peut-être en tête le scandale entourant un algorithme, en tout point similaire, de notation des allocataires ayant été utilisé aux Pays-Bas et dont les suites ont amené à la démission du gouvernement7 ?

      #Déni_de_justice

      Pire, cette opacité est aussi appliquée, à l’échelle individuelle, aux allocataires ayant été séléctionné·es par l’algorithme pour être controlé·es et qui chercheraient à obtenir des informations sur la raison de ce contrôle. Et ce, alors même que la loi prévoit que tout individu ayant fait l’objet d’une décision prise sur le fondement d’un traitement algorithmique (ici le fait d’être contrôlé) a le droit de connaître les données utilisées ainsi que les #paramètres de cet algorithme8. Ce qui signifie que les personnes ayant fait l’objet d’un contrôle9 sont censées avoir un droit d’accès plus étendu qu’une association comme la Quadrature.

      Nous avons pu consulter la réponse à la demande d’informations réalisée par une personne ayant été contrôlée sur la base de sa note. Le courrier, signé par le délégué à la protection des données de la CNAF, se contente de renvoyer l’allocataire à la page “Internet et Libertés” de la CAF.

      Sur cette page sont présents deux documents relatifs à l’algorithme de notation : un communiqué de la CAF et l’avis de la CNIL associé10. Aucun ne fournit d’informations sur les paramètres utilisés par l’algorithme, ni sur leur impact sur le score de risque.

      Cette réponse est un déni de justice pour celles et ceux ayant fait l’objet d’un contrôle déclenché algorithmiquement, l’opacité entretenue par la CAF les empếchant de contester juridiquement le bien-fondé du contrôle dont ielles ont fait l’objet.
      La discrimination : un savoir-faire à protéger

      Nous avions aussi demandé la liste des variables utilisées pour l’entraînement du modèle, c’est à dire sa phase de création. Cette question est importante car elle permet de comprendre l’étendue des données utilisées par l’algorithme. Et donc le degré d’intrusion dans la vie privée des allocataires que la construction d’un tel modèle nécessite.

      En effet, en mettant régulièrement en avant dans sa communication que son algorithme n’utilise « que » quelques dizaines de variables11, la CAF fait mine d’ignorer qu’elles sont le fruit d’une sélection qui nécessite l’analyse d’un nombre bien plus grand de variables au préalable12.

      Et la justification apportée par les responsables de la CAF est, là aussi, déconcertante. Ces dernier·es avancent que la communication de ces variables n’est pas possible car elles constituent un « savoir-faire »13. La CAF souhaiterait-elle monétiser son algorithme et le revendre à d’autres administrations ? Penserait-elle pouvoir équiper les équipes de contrôleurs.ses des institutions sociales du monde entier de son algorithme assimilant les plus précaires à de potentiel·le·s fraudeurs ou fraudeuses ?

      A défaut de réponse, nous nous en remettons à ce que, techniquement, tout·e data-scientist ferait pour entraîner un modèle le plus « précis » possible. Il suffirait de partir de l’intégralité des variables à sa disposition et, par itérations successives, décider lesquelles garder pour le modèle final. Dans cette hypothèse, ce serait alors la quasi-totalité des variables détenues par la CAF sur chaque allocataire qui serait utilisée pour l’entraînement de son modèle.

      Ceci serait cohérent avec un document publié en 2013 dans lequel un statisticien de la CAF que « les statisticiens chargés de la modélisation disposaient d’environ un millier d’informations par allocataire contrôlé » et que « la base d’apprentissage contient toutes les données habituelles des fichiers statistiques »14.
      Vingt ans de développement… et aucun compte-rendu de réunions

      Quant à notre demande relative aux documents internes (notes, comptes-rendus, échanges…) concernant le développement de l’algorithme, la CAF nous a tout simplement répondu qu’en presque 20 ans de travail aucune réunion technique n’a fait l’objet de compte-rendu…15

      Pour être tout à fait honnête, c’est une première dans l’histoire de nos demandes CADA.
      Le retour de l’alibi technique

      A ceci s’ajoute, depuis le début de l’année, la mise en place de ce qui apparaît comme une véritable communication de crise par l’institution autour de son algorithme. En juin 2022, la CAF a notamment publié un communiqué intitulé « Contrôle et datamining » dans lequel elle tente de répondre aux critiques soulevées par son algorithme16.

      A sa lecture, on prend toute la mesure du rôle d’alibi technique à une politique de contrôle discriminatoire que joue l’algorithme, ce que nous dénoncions déjà ici.

      L’algorithme y est décrit comme étant un objet purement scientifique dont le caractère politique est nié. Il est ainsi expliqué que la note des allocataires est le fruit d’une « démarche scientifique d’étude statistique […] menée par des experts » se fondant sur des critères « scientifiquement pondérés » ayant été sélectionnés « sur seuls critères statistiques ». Le secrétaire général de la CAF ajoute17 de son côté que cet outil serait un « miroir des situations statistiques » servant à identifier des « environnements de risques ».

      Ce faisant, les responsables de la CAF cherchent à nier leur responsabilité (politique) dans la conduite, et la validation, d’une politique de contrôle discriminatoire. Nul part n’apparaît que que si les erreurs se concentrent sur les plus précaires, c’est tout simplement parce qu’au fil des ans se sont multipliées les règles et contraintes encadrant l’accès aux minima sociaux, et ce, dans le seul but de restreindre leur accessibilité18.

      On mesure enfin l’impact des logiques gestionnaires appliquées aux institutions sociales. Logiques réduisant des millions de vies et d’histoires, à de simples notions statistiques, déshumanisantes, froides et vides de sens.
      Communication mensongère

      La deuxième partie du document est consacrée à un « Vrai/Faux » portant sur l’algorithme où transpire la malhonnêteté intellectuelle.

      A l’affirmation « Les scores de risques les plus élevés concernent toujours les plus pauvres », la CAF répond Faux car « les scores de risques sont calculés pour tous les allocataires ». Ce qui n’a tout simplement aucun sens…

      A la question « Les contrôleurs sont payés aux résultats », la CAF répond que ce serait faux, bien qu’elle admette que l’Etat lui fixe bien un objectif à atteindre en termes de détection de fraude. Ici encore, l’institution joue avec les mots. S’il est vrai que les contrôleurs.ses n’ont pas de « prime sur leurs résultats », ils et elles touchent un intéressement, tout comme l’ensemble du personnel de la CAF, dont le montant dépend bien de l’atteinte de ces objectifs de contrôle19.

      A la question « Plus de 1000 données concernant les allocataires sont utilisées dans le modèle de datamining des CAF », la CAF répond que seules une quarantaine seraient utilisées. Elle détourne ainsi la question puisque – comme expliqué ci-dessus – elle omet de dire que ces quarante variables sont sélectionnées après une phase d’entraînement du modèle qui nécessite l’utilisation, et le traitement, de plus de mille variables par allocataire20.

      Enfin, aux questions « Les contrôleurs de la Caf ont accès à toutes les infos qu’ils souhaitent à l’insu des allocataires », et « Les allocations sont suspendues pendant le contrôle », la CAF répond que non car « aucune demande n’est faite à d’autres administrations, sans en avoir averti auparavant l’allocataire, aucune procédure vis-à-vis d’un tiers n’est engagée à l’insu de celui-ci. » Et ajoute que, lors d’un contrôle, « les allocations ne sont pas suspendues ».

      Sur ces deux derniers points, nous vous invitons à lire les témoignages collectés par le Défenseur des Droits, les collectifs « Stop Contrôles », « Changer de Cap » et différentes associations de lutte contre la précarité21 qui alertent depuis des années sur les suspensions abusives d’allocations pendant les contrôles et les pratiques invasives (consultation des comptes bancaires, relevés d’électricité, analyse de l’adresse IP etc…) des contrôleurs·ses de la CAF à l’insu des allocataires.
      Fraude à enjeux et lutte contre le non-recours : des contre-feux médiatiques

      A ceci s’ajoute diverses annonces de la CAF participant à nourrir une stratégie de diversion médiatique autour de son algorithme de notation.

      Dans son dernier rapport annuel sur la « lutte contre la fraude », nulle référence n’est faite à l’algorithme alors que celui-ci était mis à l’honneur, en première page, l’année précédente. La CAF précisant au passage qu’il était loué par la Cour des Comptes et l’Assemblée Nationale.

      A sa place, la CAF a préféré cette année mettre en avant son équipe de contrôleur.ses dédiée à la « lutte contre la fraude à enjeux »22, c’est à dire des fraudes organisées (usurpation d’identités, faux documents, fraude au RIB) à grande échelle. Soit 30 agentes et agents qui d’après les dires de la CAF sont, ni plus ni moins, chargé·es de « protéger le système de sécurité sociale français des risques de pillage » et qui font rentrer la CAF dans « une nouvelle dimension de la lutte contre la fraude »23.

      A titre de comparaison, nous tenons à rappeler que ce sont pas moins de 700 contrôleuses et contrôleurs qui, guidé·es par son algorithme discriminatoire, sont chargé·es de traquer les moindre erreurs de déclaration faites par les plus précaires.

      Deuxième angle d’attaque : la mise en avant de l’utilisation d’algorithmes de profilage à des fins de lutte contre le non-recours24. Comme si l’application des techniques de profilage à des fins « positives » pouvait justifier leur application à des fins répressives. Sur ce sujet, la CAF omet pourtant de dire le plus important : depuis maintenant plus de 10 ans, elle a systématiquement favorisé l’application de ces techniques à des fins de contrôle plutôt que de lutte contre le non-recours.

      Ses équipes de « data-scientist » regrettaient dès 2013 que les techniques de profilage des allocataires soient uniquement utilisées à des fins de contrôle et non de lutte contre le non recours25. Cette réalité est rappelée dans un rapport de l’Assemblée Nationale daté de 2016 qui précise que « l’extension explicite de l’usage du data mining à d’autres fins, notamment celle de lutte contre le non-recours, était envisageable dès l’origine, mais cette possibilité a été écartée, au moins dans les premières années d’utilisation de cet outil »26. Il aura fallu attendre 2017 pour que la CAF commence à mener des expérimentations, et il semblerait qu’aujourd’hui le profilage contre le non-recours est limité à la prime d’activité et l’allocation de soutien familial27.

      Le sociologue Vincent Dubois ajoute que cette situation « interroge sur la réalité des slogans institutionnels “tous les droits rien que les droits” qui en fait est beaucoup plus tournée vers l’identification des indus, frauduleux ou non, que vers les cas de non-recours qui sont en fait beaucoup plus nombreux »28.

      En tout état de cause, l’histoire politique de l’utilisation par la CAF des techniques de profilage à des fins de lutte contre le non-recours ne semble pas très glorieuse.

      Ce dernier point interroge aussi sur le fantasme entretenu autour de l’automatisation de l’état social pour répondre aux problèmes sociaux. A l’heure où le gouvernement lance l’expérimentation d’un « RSA sous conditions », la mise en avant de solutions techniques pour lutter contre le non-recours dépolitise la question de l’accès aux droits. Tout en taisant les problèmes que génèrent, pour des millions de personnes, la dématérialisation des services publics.

      Enfin, la CAF a annoncé en grande pompe la nomination d’une médiatrice nationale chargée, entre autres, des questions de données personnelles à la CNAF29 en juin 2022. Parmi ses missions : « la protection des données et de la sécurité des usagers dans le cadre des systèmes d’information. » Et le communiqué accompagnant sa nomination ajoute qu’elle « sera également la référente nationale déontologie ». Nous serions plus que ravi·es d’entendre son avis sur l’algorithme de notation de la CAF.
      Lutter au-delà de la transparence

      La transparence que nous exigeons auprès de la CAF ne doit pas masquer le fond du problème. En un sens, ce que nous savons déjà de l’algorithme de cette institution, sans même avoir eu accès à son code, nous suffit à nous y opposer.

      La transparence n’est donc pas une fin en soi : c’est un moyen que nous souhaitons mobiliser pour mettre en lumière, et critiquer, un discours politique cherchant à légitimer la volonté de contrôle d’un appareil étatique via l’entretien d’un discours de suspicion généralisée et la stigmatisation de certaines catégories de la population.

      Volonté de contrôle qui, hélas, profite aujourd’hui de la puissance des outils numériques et de l’exploitation de nos données personnelles afin de toujours plus nous évaluer et, ainsi, nous trier.

      A l’heure où un nombre toujours plus grand d’institutions, sociales et policières, mettent en place de telles solutions de surveillance algorithmique, nous continuerons de les documenter et de faire ce que nous pouvons, à notre niveau, pour les contrer.

      Au côté des collectifs Stop Contrôles, Changer de Cap et de toutes les associations et collectifs de lutte contre la précarité qui font face, depuis des années, aux dérives du tout numérique et au développement sans limite des politiques de contrôle social, nous espérons que vous serez nombreux.ses à nous rejoindre.

      Enfin, nous ne doutons pas que ce sentiment d’injustice est partagé par la plupart des employé·es de la CAF. C’est pourquoi nous tenons à encourager celles et ceux qui, révolté·es par ces pratiques, pourraient nous aider à les documenter. Vous pouvez nous contacter par mail, téléphone, en venant nous rendre visite ou déposer de manière anonyme des documents sur notre SecureDrop. A l’heure où les responsables de la CAF font le choix de l’opacité, nous avons plus que jamais besoin de vous.

      https://www.laquadrature.net/2022/12/23/notation-des-allocataires-febrile-la-caf-senferme-dans-lopacite
      déjà sur seenthis (via @colporteur) :
      https://seenthis.net/messages/984668

      #algorithme #discrimination #mères_isolées #risque

    • C’est la réponse qui a toujours été faite aux syndicats qui réclament depuis des années les barèmes et algo pour pouvoir contester dans le cadre des TRÈS nombreuses erreurs de calcul.

      « gna gna gna, vous allez tricher ! ».

      Marrant comme on accuse toujours l’autre de ses propres turpitudes.

      Oui, des fois, les gens pourraient refuser une miette de boulot de merde qui va faire sauter tous leurs droits de manière disproportionnée et les foutre encore plus dans la merde. Oui, des fois, les gens pourraient s’organiser pour ne pas se retrouver dans une trappe à contrôle ou une situation encore plus dégradée.

      Oui, t’imagine ? Les gens pourraient juste faire valoir leurs droits si souvent déniés sans même avoir à avancer un début de justification.

      Et ils pourraient se rendre compte que ce n’est pas l’algo, mais bien un agent malintentionné qui a niqué leur dossier.

    • y aurait pas moyen de « retourner » (comme une chaussette) leur truc de la caf ? Genre, une expérience de science participative :-) on pourrait : 1./ demander que le "score" soit communiqué à chaque administré (e.g. via CNIL), 2./ collecter score et infos perso sur la base du volontariat, éventuellement en anonymisant les données, et 3./ faire un modèle « externe » avec ces données, le publier, et enfin 4./ s’en servir pour identifier les cas de non-recours (et au moins les compter)

  • « L’objectif de la loi plein-emploi est de mettre les chômeurs sous pression » | Claire Vivès, Sociologue, chercheure au Cnam
    https://www.alternatives-economiques.fr/lobjectif-de-loi-plein-emploi-de-mettre-chomeurs-pression/00108598

    Ramener le taux de chômage à 5 %, tel est l’objectif que s’est fixé le gouvernement pour le quinquennat. Pour l’atteindre, il compte sur les mesures de sa #loi_plein-emploi. Députés et sénateurs se sont entendus sur une version finale du texte qui doit être validée par les deux chambres du Parlement. Le Sénat l’a adoptée jeudi 9 novembre et l’Assemblée se prononcera le 14 novembre.

    Pour mémoire, cette loi prévoit notamment de renommer Pôle emploi en France Travail et de l’intégrer dans un « réseau pour l’emploi » aux côtés des missions locales et des Cap emploi. Surtout, elle contient l’article controversé qui impose des heures d’activités aux allocataires du #RSA.

    Cette loi s’inscrit dans les lignées des politiques de mise au travail, à l’image de celle du #contrôle des demandeurs d’emploi

    #Travail #mise_au_travail #Chômage #chômeurs #France_travail

    • Faire la guerre à France travail, résister à l’offensive anti-pauvres
      https://rebellyon.info/Faire-la-guerre-a-France-travail-resister-25429

      Il est grand temps de prendre au sérieux la lutte à mener contre la création par l’Etat du nouveau dispositif « France Travail ». Énième réforme du service public de l’emploi, la création de « France Travail » accélère la diminution constante des droits des chômeur.euses, attaque le droit au RSA, et baisse l’ensemble des allocations et minimas sociaux. C’est une pièce de plus dans l’énorme machinerie capitaliste construite par Macron à coups de réformes, de répression et de 49.3. A quand la contre-offensive ?

      Tout le monde est concerné par la création de « France Travail », parce que tout le monde (sauf les riches) va en supporter les coûts.

      La création de ce méga-dispositif s’inscrit dans la droite ligne des politiques néo-libérales qui visent à nous marteler la tronche au nom du « #plein_emploi », cette utopie des capitalistes pour nous obliger à charbonner coûte que coûte pour produire plus. On veut une fois de plus nous faire courber l’échine pour satisfaire les besoins des #entreprises.

      La création de « France Travail » se fait au nom de la même #idéologie que celle ayant présidé à toutes les #réformes qu’on se mange depuis 4 ans : allongement de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, attaque de l’assurance chômage, réforme des lycées pros et chantage aux titres de séjour par l’emploi annoncé par la loi Darmanin. Avec, en ligne de mire, toujours le même objectif pour Macron : que n’importe qui devienne #employable tout le temps. Concrètement, ça veut dire pas de répit pour les pauvres, la création de nouvelles sanctions en cas de refus de ce nouveau « contrat d’engagement », une coercition accrue pour tout le monde.

      #guerre_aux_pauvres #société_punitive

  • Comment l’austérité paralyse l’université

    [Rentrée sous tension à la fac] Pour dénoncer leur manque de #reconnaissance, des enseignants démissionnent de leurs #tâches_administratives, alors que le projet de loi de finances 2024 risque d’aggraver les difficultés financières de l’université.

    Les présidents d’université l’ont mauvaise. La raison ? Le #projet_de_loi_de_finances (#PLF) 2024, qui n’est pas à la hauteur des besoins de leurs établissements. Déjà fortement impactées par la hausse des prix en général et des coûts de l’énergie en particulier, les universités vont en effet devoir financer pour 2023 et 2024 une partie de la hausse des #salaires décidée en juin par le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini. « Une très mauvaise nouvelle », a réagi France Universités dans un communiqué du 19 octobre :

    « Pour les universités, cela signifie qu’elles devront financer 120 millions d’euros [sur un coût total d’environ 400 millions d’euros, NDLR], soit par prélèvement sur leurs fonds de roulement, soit par réduction de leur campagne d’emplois. Cela équivaut à 1 500 #emplois de maîtres de conférences en moins, non ouverts au recrutement, dénonce l’association, qui fédère l’ensemble des présidents d’universités. Encore une fois, les universités font les frais de la #politique_budgétaire du gouvernement qui considère l’#enseignement_supérieur et la #recherche comme une variable d’ajustement et non comme un investissement en faveur de la jeunesse », ajoute le communiqué.

    La situation est, il est vrai, particulièrement difficile, avec de nombreuses universités au #budget_déficitaire ou en passe de le devenir. Et un gouvernement qui n’entend rien leur concéder.

    Chute de la dépense par étudiant

    Début septembre, #Emmanuel_Macron expliquait, dans un échange avec le Youtubeur Hugo Travers, qu’il n’y avait « pas de problème de moyens » dans l’enseignement supérieur public, dénonçant une forme de « #gâchis_collectif » puisque, à ses yeux, il y aurait « des formations qui ne diplôment pas depuis des années » et d’autres qui se maintiennent « simplement pour préserver des postes d’enseignants ».

    Dans la foulée, la ministre #Sylvie_Retailleau, exigeait de libérer leurs #fonds_de_roulement – cet « argent public qui dort » d’après elle – estimés à un milliard d’euros, et qui permettrait de financer une partie des mesures en faveur du pouvoir d’achat des #fonctionnaires décidées cet été. Seulement, arguent les chefs d’établissements, ces fonds sont destinés aux rénovations énergétiques des bâtiments ou aux équipements de laboratoires de recherches.

    Déjà peu élevée par rapport aux autres pays d’Europe, la #dépense_par_étudiant décroche en réalité nettement depuis 2010. À l’université, le nombre d’inscrits a augmenté de 25 %, et le budget d’à peine 10 %. Le nombre d’enseignants a, lui, baissé de 2 %.

    « Pour retrouver les #taux_d’encadrement de 2010, il faudrait créer 11 000 postes dans les universités », a calculé Julien Gossa, maître de conférences en sciences informatiques à l’université de Strasbourg et fin observateur des questions liées à l’enseignement supérieur.

    Dans le détail, ces chiffres masquent des #inégalités : tous les établissements ne sont pas dotés de la même manière. Difficile d’obtenir des données officielles à ce sujet, mais celles produites par Julien Gossa révèlent des écarts allant parfois du simple au double.

    A L’université de Créteil, qui a vu ses effectifs exploser ces dernières années et devrait atteindre un #déficit de 10 millions d’euros cette année, l’Etat débourse en moyenne 6 750 euros par étudiant. À Aix-Marseille, le montant s’élève à 10 000 euros. À la Sorbonne, celui-ci est de 13 000 euros, soit presque deux fois plus qu’à Nantes (7 540 euros). Et largement plus qu’à Nîmes (5 000 euros). « Ces grandes différences ne peuvent s’expliquer uniquement par des frais de structures », souligne Hervé Christofol, membre du bureau national du Snesup-FSU.

    La #concurrence s’est aggravée en 2007 avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (#LRU). Réforme majeure du quinquennat de #Nicolas_Sarkozy, elle a transféré aux établissements universitaires la maîtrise de leurs budgets, et de leurs #ressources_humaines, qui revenait jusqu’ici à l’Etat.

    « On nous a vendu l’idée selon laquelle les universités seraient plus libres de faire leurs propres choix en s’adaptant à leur territoire. Mais en réalité, le gouvernement s’est tout simplement déresponsabilisé », tance Julien Gossa.

    Manque de profs titulaires

    Concrètement, pour fonctionner à moyens constants, les présidents d’universités sont contraints de mener des politiques d’austérité. Conséquences : les #recrutements d’#enseignants_titulaires sont gelés dans plusieurs universités, comme à Créteil, et celles et ceux en poste accumulent les #heures_supplémentaires.

    En 2022, le nombre d’ouvertures de postes de maîtres de conférences a augmenté de 16 %, mais cela ne suffit pas à rattraper la stagnation des dernières années. Le Snesup-FSU, syndicat majoritaire, avait d’ailleurs identifié la date du 26 janvier comme le « #jour_du_dépassement_universitaire », autrement dit le jour à compter duquel les titulaires ont épuisé les heures correspondant à leurs obligations de service pour l’année en cours.

    Au-delà, tous les enseignements sont assurés en heures supplémentaires, ou bien par le recrutement de #contractuels ou #vacataires – des #contrats_précaires qui interviennent de façon ponctuelle, sans que l’université ne soit leur activité principale. Les syndicats estiment qu’ils sont entre 100 000 et 130 000. Leur #rémunération : à peine 40 euros bruts de l’heure, contre environ 120 euros bruts pour un titulaire.

    Les problématiques de rémunération ont d’ailleurs créé la pagaille lors de la rentrée dans un certain nombre d’universités. À Paris-Est-Créteil, les étudiants de première année de la filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) ont vu leur rentrée décalée de deux semaines. Puis les cours ont démarré, mais dans une situation pour le moins dantesque : pas préparés en amont, les groupes de TD ont été créés dans la panique par des agents administratifs déjà débordés… Sans tenir compte des options souhaitées par les étudiants.

    Une quinzaine d’enseignants ont en effet démissionné d’une partie de leurs responsabilités : ils continuent d’assurer leurs cours, mais refusent d’effectuer leurs tâches administratives ou pédagogiques non statutaires pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’un « manque de reconnaissance » de l’État. À Rouen, ils sont 57 à en avoir fait de même. Même son de cloche à l’IUT Sciences de gestion de l’Université de Bordeaux, ou à celui de Chimie d’Aix-Marseille.

    « Cela impacte tout le monde, insiste Gabriel Evanno, représentant du bureau des élèves de Staps à Créteil. Pour l’instant, nous ne savons même pas si les partiels de cet hiver pourront avoir lieu puisqu’il n’y a plus de surveillants d’examens. Nous ne savons pas non plus qui sera en mesure de signer nos conventions de stages étant donné que les enseignants qui étaient en mesure de le faire n’y sont plus habilités depuis leurs démissions de ces tâches. »

    L’étudiant soutient, malgré tout, la protestation des enseignants.

    Mobilisations des « ESAS »

    Ces #démissions_massives sont le fruit d’une #mobilisation démarrée il y a un an à l’initiative du collectif 384 regroupant près de 2 000 enseignants au statut particulier, les #enseignants_du_secondaire_affectés_dans_le_supérieur (#ESAS) : des professeurs agrégés, d’autres certifiés, d’autres issus de lycées professionnels. Au nombre de 13 000, ces enseignants se trouvent majoritairement dans les instituts universitaires de technologie (IUT), les filières Staps ou les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).

    Toutes et tous assurent 384 heures de cours par an, soit deux fois plus que les enseignants-chercheurs, sans compter le suivi des étudiants.

    Or, début 2022, un nouveau système de #primes pouvant atteindre d’ici 2027 6 400 euros par an a été mis en place, pour inciter à prendre en charge des tâches administratives et pédagogiques. Le problème, c’est qu’il a été réservé aux enseignants-chercheurs, alors même que les ESAS remplissent tout autant ce genre de missions.

    « En plus de nos heures de cours, nous assurons depuis longtemps des missions non statutaires, parfois délaissées par les enseignants-chercheurs : le suivi des stages, le recrutement des étudiants, ou encore l’élaboration des emplois du temps, énumère Nicolas Domergue, porte-parole du collectif et enseignant à l’IUT du Puy-en-Velay. Le tout pour la somme ridicule de 600 euros par an. On est surinvestis, et pourtant oubliés au moment des réformes. »

    Pour Guillaume Dietsch, enseignant en Staps de l’Université de Paris-Est-Créteil et « démissionnaire », cette exclusion des primes a été « la goutte d’eau de trop. Cette injustice a été perçue de façon symbolique comme un manque de reconnaissance plus large de notre travail. »

    Le Ministère de l’enseignement supérieur avait d’abord justifié cette différence de traitement par l’absence de mission de recherche des enseignants issus du second degré, avant de chercher un moyen de stopper la vague des démissions. Pour calmer la grogne, début septembre, le Ministère a débloqué 50 millions d’euros afin de revaloriser la prime des ESAS qui passera à 4 200 euros en 2027. Ce qui fait toujours 2 200 euros de moins que celle accordée aux enseignants-chercheurs.

    « Contrairement à ce que ce procédé laisse entendre, nous pensons que la formation des futurs actifs doit être reconnue au même niveau que la recherche », rétorque Nicolas Domergue.

    Au-delà de cette question de prime, se joue une autre bataille : celle de l’évolution de carrière. De par leur statut hybride, ces enseignants sont pris en étau entre deux ministères, celui de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’éducation nationale.

    « Notre carrière est quasiment à l’arrêt dès que l’on quitte le secondaire, regrette Céline Courvoisier, membre du collectif 384 et professeure agrégée de physique à l’IUT d’Aix-Marseille. Nous ne sommes plus évalués par le rectorat au motif que nous travaillons dans le supérieur. »

    Ces enseignants sont, de fait, exclus des primes dont peuvent bénéficier leurs collègues dans les collèges ou les lycées. Pour eux, c’est la double peine quand les effets de l’austérité budgétaire s’ajoutent à leur insuffisante reconnaissance salariale. Ainsi, depuis 2021, les IUT se font désormais en trois ans au lieu de deux auparavant.

    « Nous avons dû monter une troisième année à coûts constants alors que cela nécessite nécessairement des embauches, des salles… Comment est-ce possible ? », interroge Céline Courvoisier.

    Surtout, a-t-on envie de se demander, combien de temps cette situation va-t-elle pouvoir durer ?

    https://www.alternatives-economiques.fr/lausterite-paralyse-luniversite/00108494

    #austérité #université #ERS #France #facs #démission