• A La Chapelle, « on vit comme des animaux » - Libération
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    Sept heures du matin, porte de la Chapelle, dans le nord de Paris. Une cinquantaine de réfugiés patientent déjà en silence le long de la grille du centre de premier accueil, sous le regard impassible des gendarmes. Les yeux mi-clos, ils somnolent debout en attendant l’ouverture de l’établissement humanitaire. Chaque matin, dans la file, c’est la loterie : le personnel du centre sélectionne et accueille une poignée d’entre eux en fonction des places vacantes, puis les redirige ensuite vers des centres d’hébergement plus pérennes. Mais ce vendredi, le flux et le reflux du centre sont comme suspendus. « Ça fait trois jours que plus personne n’entre », constate Qusat, qui dort sur la chaussée d’en face. Pour ce Soudanais de 24 ans, le même scénario se répète depuis des semaines : chaque matin, il rejoint la grille avec son groupe vers 3 heures. Ensemble, ils se fondent dans la queue déjà dense et patientent pendant d’interminables heures. Puis, « vers 8 h 30, les policiers s’approchent et nous dispersent en nous aspergeant de gaz lacrymogène », souffle le jeune demandeur d’asile, qui s’inquiète de passer une énième nuit dehors.

    Arbitraire

    Plus de deux mois après son évacuation, le campement sauvage de la porte de la Chapelle renaît de ses cendres. Déchets, sacs de couchage à même le sol, vêtements suspendus aux branches basses des bosquets… Faute de places suffisantes dans les centres d’hébergement, les exilés improvisent à nouveau des installations sommaires sur les parcelles de terre battue qui séparent les voies du périphérique. Les conditions de vie y sont déplorables. Pas de toilettes, pas d’accès à l’eau courante… « On vit comme des animaux ! » s’exclame El Fatih Mohamed, sous le regard abattu de ses amis soudanais.

    Les températures caniculaires n’arrangent rien à la situation. En début de semaine dernière, Kenté, originaire de Guinée-Conakry, a été hospitalisé à la suite d’un malaise dans la foule. « J’espère qu’au centre, ils tiendront compte de mes maux de tête et me trouveront une place », confie le jeune homme, qui est revenu à La Chapelle sitôt sorti de l’hôpital. Face à l’urgence sanitaire, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a adressé le vendredi 16 juin une lettre au gouvernement. Elle y plaide pour l’ouverture de nouveaux centres de premier accueil dans les métropoles régionales françaises, faute de quoi« plusieurs milliers de personnes seraient contraintes de vivre dans ces conditions indignes au sein de la capitale au cœur de l’été ».

    En guise de réponse, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a seulement mentionné qu’aucun établissement ne sera ouvert à Calais, tout en assurant qu’il présentera d’ici quinze jours un nouveau « plan » au président de la République, « pour traiter le problème de l’asile de manière plus facile qu’aujourd’hui ».