• Les Français sont-ils de plus en plus racistes et xénophobes ?
    http://www.observationsociete.fr/population/les-francais-sont-ils-de-plus-en-plus-racistes-et-xenophobes.html

    Le ministère de l’Intérieur – plus exactement le Service central de renseignement territorial – recense chaque année les crimes, délits ou contraventions de 5e classe à caractère raciste. Ceux-ci, relativement stables dans les années 1990, ont triplé au début des années 2000, de 500 à 1 500 par an, puis ont oscillé autour de ce niveau. S’il y a eu progression, elle date d’une quinzaine d’année. Comme pour les données sur l’insécurité en général, ces chiffres mesurent autant les évolutions du comportement des auteurs que celui des forces de sécurité et de la législation. « La définition légale des infractions s’est considérablement élargie ces dernières années : certains comportements auparavant tolérés sont aujourd’hui pénalisés, tandis que le législateur a augmenté le nombre d’hypothèses dans lesquelles le mobile raciste est pris en compte au titre de circonstance aggravante. De la même manière, l’allongement des délais de prescription de trois mois à un an en matière de délit de presse à caractère raciste a également pu influer sur le nombre d’infractions enregistrées. », note le CNCDH. Difficile donc de tirer de la hausse des faits une progression du racisme, ou en tous cas récemment : le chiffre de 2016 (1 100 actes recensés) est même inférieur à celui de 2002.

    Ensuite, les condamnations. Les données du ministère de la Justice font état d’une baisse depuis le milieu des années 2000. Elles avaient augmenté au début de cette décennie du fait d’un durcissement de la législation. Il ne s’agit là que des cas les plus graves et, là aussi, les chiffres varient en fonction de l’activité de l’institution. Pourtant, il semble difficile de présumer d’une clémence plus grande des juges dans les années récentes : on a de bonnes raisons de penser que le nombre de cas les plus graves n’augmente pas. Ce qui ne préjuge en rien de formes de racisme beaucoup plus banales et beaucoup plus répandues, qui échappent à tout enregistrement.

  • Élevage industriel, abattoirs et souffrance animale : non, culpabiliser le consommateur ne sert à rien | A Contrario
    http://www.acontrario.fr/2017/03/01/elevage-industriel-abattoirs-souffrance-animale-consommateur

    Le fantasme de la viande heureuse : que dit-il de nous ?

    Les mangeurs de viande sont réceptifs à la culpabilisation. Ils n’ont pas forcément les moyens ni le temps de modifier pour de bon leurs habitudes alimentaires, sauf à consommer moins de viande (c’est une tendance nette depuis une bonne quinzaine d’années et c’est une excellente chose pour la santé), mais le procédé fonctionne.

    L’ #anthropomorphisme fonctionne également très bien. Qu’on nous montre des porcelets congelés dans des bras en deuil ou un élevage « à taille humaine », avec un gars débonnaire qui parle d’amour pour ses animaux, leur donne des prénoms, les câline et évoque leur bonheur, on a le coeur qui fond de tristesse ou de tendresse et on peut être amené à se dire : « Voilà la viande que je voudrais manger ! Une viande dont je saurais qu’elle a été heureuse ! ». C’est un joli rêve. En vérité, ce qu’on souhaite tout au fond de nous, ce n’est pas le bonheur de notre viande ni l’assurance que l’éleveur vit décemment de son travail. Ce qu’on veut, c’est cesser de se sentir coupables et continuer à acheter et à manger de la viande sans être embarrassés par notre conscience.

    De la même façon qu’on nous vend de la peur et de la culpabilité, on nous vend l’utopie d’un élevage qui serait à la fois industriel et heureux, et qui pourrait résoudre l’insoluble équation du mangeur de #viande honteux : réduction du stress pour les animaux, conditions de transport et d’abattage « décentes », toutes mesures apparemment destinées à rendre la filière viande plus éthique. Sauf qu’on nous ment à toutes les étapes, non ?

    Le stress de l’ #animal par exemple : celles et ceux qui ont un jour lu les romans ruraux de Claude Michelet le savent, le stress comme une poussée de fièvre avant l’abattage d’une vache nuit à la qualité de la viande et la rend moins tendre. Cette vérité est aujourd’hui scientifiquement établie et le film en fait état. Si l’industrie agro-alimentaire souhaite réduire le stress des vaches avant l’abattage, ce n’est pas donc pas pour améliorer le bien-être des animaux mais pour préserver la rentabilité à chaque étape des opérations.

    Quant aux cadences de croissance et aux conditions de vie épouvantables des animaux, de leur naissance à leur abattage, la cause première n’est ni la cruauté ni l’indifférence des éleveurs mais toujours cette obligation de rentabilité, directement liée au fonctionnement de l’industrie agro-alimentaire, fonctionnement qui répond à des impératifs financiers et à une logique commerciale implacable. Le marketing du goût conditionne nos envies, et quand un éleveur dit face à la caméra « C’est le consommateur qui veut ça », il est loin du compte et il en est en partie conscient. Cela fait-il de lui un coupable par essence ?

    La fantasme de la viande heureuse nous aide à nous défausser et à oublier que nous sommes le maillon faible d’un système à pognon, tout au bout de la chaîne de l’industrie agro-alimentaire. Une heure de culpabilisation télévisée nous permet de payer notre tribut et de continuer à manger de la viande en nous promettant de faire des efforts, sans que les journalistes ne prennent la peine de nous donner d’autres pistes de réflexion : interroger les maillons forts de l’élevage industriel ? Vous plaisantez ! Il n’en est pas question. Restons dans la facilité et désignons le consommateur comme bourreau final de cet engrenage ignoble. Obligeons-le à regarder en face les grands yeux bordés de longs cils du steak qu’il se grillera demain, et amenons-le à voir le porc de sa tranche de jambon comme un bébé mort dans les bras d’un manifestant accusateur.

    L’ #industrie_agro-alimentaire est un grand méchant tout, qu’on résume à des consommateurs prétendument aveuglés : fantasmer une viande heureuse garantit l’économie de toute réflexion de fond et permet aux maillons forts de ce système de prospérer sans être inquiétés. Et au final, la réalité reste la même : manger de la viande implique de tuer des animaux. Aussi vertueux que soit le souhait d’améliorer leurs conditions de vie, de transport et d’abattage, cela ne modifie en rien le fait qu’on les élève pour être tués. Le tour de passe-passe mental visant à tordre cette vérité en l’habillant de conditions « décentes », voire « humaines » n’est que poudre aux yeux.