• Séries japonaises en VF : la bataille des sous-titres
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    La traduction des japanimations est un sujet majeur dans la communauté des fans, mais aussi un enjeu économique pour les éditeurs francophones, qui ont développé des plates-formes de VOD spécialisées.

    Le contrepouvoir des « fansubs »

    Certains fans d’anime estiment toutefois qu’un meilleur travail de traduction est réalisé du côté des « fansubs » – contraction de l’anglais « fan » et « subtitles » pour sous-titres, les fansubs désignent les équipes de fans de séries qui proposent des sous-titres illégaux. Ils récupèrent un enregistrement de l’épisode juste après sa diffusion dans le pays d’origine et le traduisent en quelques heures, la plupart du temps depuis une première traduction en anglais. Ils le mettent ensuite à disposition gratuitement. Eux s’emploient à une traduction plus littérale et parsemée d’explications – qui comporte aussi son lot d’erreurs et de critiques. Des débats houleux se multiplient sur les réseaux sociaux et des forums en ligne, là où se trouvent généralement les fans les plus exigeants et actifs.

    « A l’époque où nous avons commencé, les offres légales n’existaient pas, ou presque pas, et les fans devaient se rabattre sur le travail des fansubs pour pouvoir regarder leurs séries préférées au moment de leur diffusion au Japon », assurent Killa^ et yotsu, au nom de l’équipe de la Fansub-Resistance. Autrefois appelée Mirage-Team, cette communauté propose du fansub depuis plus de dix ans sur la série « Naruto ». « Aux plus belles heures du site nous pouvions avoir un peu plus de 500 000 visiteurs uniques par mois, pour environ 2,5 millions de pages vues », expliquent ses membres.

    Face au potentiel et avec un énorme retard, les éditeurs ont commencé en France, aux alentours de 2009, à proposer des plates-formes de VOD. Et ce, avant la popularité de Netflix dans l’Hexagone. Aujourd’hui, elles sont trois à se partager le gros du marché de la japanimation francophone : Wakanim, Anime digital Network (ADN) et Crunchyroll.

    Des plates-formes qui, pour rentabiliser et récupérer leur investissement dans les licences, ont copié la recette des fansubs : rapidité et gratuité. Elles proposent ainsi sur leur site des épisodes de séries sous-titrés en français une heure après la diffusion japonaise, ce que l’on appelle dans le métier « simulcasts ».

    L’épuisement des fansubs

    Du côté des fansubs français, en revanche, l’ambiance est plus morose. Si les sites qui piratent directement des épisodes déjà traduits continuent de fleurir – car lucratifs –, des équipes de traducteurs bénévoles et amateurs sont à la peine.

    Il faut dire que les plates-formes, en parallèle de leur développement, ont pris contact avec ceux qui leur faisaient de la concurrence illégale. « On commence à voir les premiers changements avec les fansubs que l’on accompagne. On leur explique que contrairement au piratage, notre activité rémunère les auteurs, encourage de nouvelles séries », explique Julien Lemoine, d’ADN, qui assure ne recourir que très rarement aux poursuites légales.

    Certaines équipes de fansub comme Anime-Heart ne se sentent toutefois pas menacées : « Les droits de diffusion de la grande majorité des séries que nous proposons n’ont été acquis par personne en France », selon Daemonhell, qui traduit des séries depuis 2011. Certains fansubs anticipent d’ailleurs leurs futurs choix de séries à traduire au gré des annonces d’achats de licences.

    En revanche, ceux qui sous-titraient un gros hit, qui à coup sûr possède désormais un simulcast français, se sont vus rapidement rappelés à l’ordre. C’est le cas de la Mirage-Team avec la saga « Naruto » diffusée par ADN. Certains membres ont tenu un temps la Fansub-Resistance pour continuer à sous-titrer. Mais après plus de dix ans de traduction quasi-religieuse des animes, une grande partie de ses membres, désormais trentenaires, jettent l’éponge. « Etre en perpétuelle bataille avec l’éditeur n’est pas quelque chose d’intéressant, et cela n’apporte rien à personne. C’est une des raisons qui nous poussent à arrêter notre activité, nous avons résisté comme nous avons pu, mais il est peut-être temps de passer le flambeau », estiment Killa^ et yotsu, avec toutefois l’espoir que tant qu’il restera des séries non licenciées en France, le fansub tricolore survivra.

    #Fansub #Anime #Culture_numérique