Aristophane l’intrépide, par Agathe Mélinand (Le Monde diplomatique, août 2017)

/57800

  • Aristophane peint jaune, peint-o-mane

    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/08/MELINAND/57800

    Mais… « Je vous apporte des pièces nouvelles qui ne se ressemblent pas (8). » Soudain, il va s’en prendre à Socrate dans Les Nuées. Des générations de lecteurs autorisés le blâmeront, on lui reprochera la mort du philosophe, vingt-quatre ans après. Tant pis. Aristophane conspue la pensée qui, selon lui, alanguit et ruine la Grèce. Voici donc Socrate aux pieds nus, bombardé professeur de sophistique. Juché sur sa grue en bois, la mèchanè, il marche « dans les airs et regarde le soleil ». Il célèbre les nuées, déesses nouvelles, inconnues du Panthéon. Pour lui, Zeus n’existe pas. « Et qui est-ce qui pleut ? », s’étonne un paysan. Si c’était Dieu, la pluie tomberait du ciel bleu, répond Socrate. Sur l’orchestra, où danse le chœur, le raisonnement juste vante la campagne, les anciens, la bonne éducation, tandis que le raisonnement injuste promeut les bains chauds, l’adultère et le culte du « derrière élargi ». Socrate devient corrupteur d’âmes en pays d’Absurdie. Ses disciples au teint jaune, quand ils ne méditent pas, violent leurs sœurs ou pètent en rafale, leurs culs nus dressés vers le soleil. Avec cette première « vraie » comédie philosophique, le poète n’obtiendra que le troisième et dernier prix et gagnera une réputation solide de vieux réactionnaire.

    #philosophie #comédie #aristophane #socrate