Pourquoi l’espéranto n’a pas vraiment conquis le monde

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  • N’apprenez pas l’espéranto !

    Gustav Landauer

    http://lavoiedujaguar.net/N-apprenez-pas-l-esperanto

    Les hommes se comprennent et peuvent s’entendre parce qu’ils sont différents ; s’ils étaient identiques, ils finiraient par se détester eux-mêmes et les uns les autres. Ce rêve d’uniformité est absolument impossible et foncièrement répugnant.

    La diversité des langues n’est pas une chose que nous devons regretter ; et encore moins une chose que nous pourrions abolir. Ce qu’il faut contribuer à abolir, ce sont les conditions qui empêchent l’homme d’acquérir la connaissance des langues étrangères. Les anarchistes ne sont-ils pas radicalement opposés à tout palliatif et à tout essai d’amélioration au sein de l’État et de la société capitaliste ? L’espéranto n’est rien d’autre qu’un palliatif de cette sorte, qui plus est laid, inutile et dangereux. (...)

    #anarchisme #Allemagne #diversité_linguistique #uniformisation

    • Je ne sais pas trop quoi penser de cette publication dela part de @la_voie_du (jaguar). Est-ce pour relayer une opinion de leur part ou juste une mise en ligne pour provoquer un débat sur un texte « provocateur » ?
      Étant moi-même (un peu) espérantophone, je ne me sens pas tout à fait espérantiste dans le sens où les sympathisants de ce courant de pensée me semble se contenter d’une pensée simpliste : rassembler l’Humanité en abolissant la barrière des langues.
      C’est vrai que l’humanité se nourrit de diversités et l’esperanto, en tant que langue construite pourrait niveler ces diversités. Mais n’est-ce pas ce qui est en train de se passer avec l’anglo-américain mondialisé du langage des affaires ?
      Il n’empêche que j’invite toutes celles et tous ceux que cette problématique intéresse à se documenter sur l’esperanto qui n’est pas qu’un « sabir » pour que toutes et tous puisse communiquer sur des notions triviales (le bavardage) par delà les frontières. Il existe une littérature en esperanto :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Litt%C3%A9rature_esp%C3%A9rantophone
      Et il me semble que cette langue est capable de véhiculer des subtilités de pensées aussi bien que les langues nationales.

    • Je suis également loin d’être d’accord avec ce texte qui me paraît véhiculer pas mal d’idées assez fausses sur l’esperanto, à commencer par le fait que l’esperanto viserait à uniformiser…
      Cette langue étant une passerelle avant tout et n’a jamais cherché à éliminer la diversité des langues (je dirais bien contrairement à ce qui se passe de-facto avec l’anglais simplifié)…

      Par ailleurs c’est aussi extrêmement facile de créer en esperanto des concepts / idées difficilement traduisibles mais néanmoins très compréhensibles.

      Bref les arguments avancés ne me paraissent pas très convaincants.

      Il dit aussi : « L’espéranto, en revanche, ne saurait être autre chose que du bavardage. ». Bah si déjà on arrivait à cette situation (ie : avoir suffisamment de locuteurs / blogs / vlogs / séries / articles scientifiques / romans / chansons... en espéranto et bavarder), je serais bien content !

      #esperanto

    • Ce texte a été écrit il y a 110 ans dans un monde bien moins globalisé. Aujourd’hui, nous sommes priés d’apprendre la langue de la nation qui domine l’économie mondiale. L’anglais est devenu la langue des échanges internationaux et cela ne nous a pas fait échapper à certaines perversions citées dans ce texte. Et je pense souvent qu’une langue plus neutre comme l’esperanto apporterait un peu plus d’équité entre les peuples. Mais il n’est peut-être pas trop tard ?

    • Salud Hermano et merci à Ben de souligner que ce texte a été écrit il y a cent dix ans. Ce n’est pas par provocation qu’il se trouve maintenant sur “la voie du jaguar” mais pour être mis en perspective avec la pratique des langues “indigènes”. Plusieurs dizaines de langues sont parlées au Mexique et, en elles-mêmes, elles sont une résistance au rouleau compresseur de la culture et de la langue dominantes, en l’occurrence le castillan.

      C’est par la pratique de leur langue que les “peuples originaires” sont reconnus comme tels et ces langues en elles-mêmes définissent aussi leur rapport au monde et leur mode de relations communautaires, intersubjectivité et non relation sujet/objet.

      Quand l’anarchiste Gustav Landauer écrit “Les hommes se comprennent et peuvent s’entendre parce qu’ils sont différents” , il est proche de la pensée zapatiste “El mundo que queremos es uno donde quepan muchos mundos. La patria que construimos es una donde quepan todos los pueblos y sus lenguas”.

    • J’avais bien remarqué que l’auteur du texte écrivait cela au début du XXème siècle.
      Et en quoi, l’esperanto menacerait-il ces différences ? Évidemment qu’il n’a jamais eu pour but de replacer les langues dites « nationales » ou les langues « indigènes ». Je déplore que des langues disparaissent sous les coups de boutoir de la mondialisation capitaliste tout comme j déplore que des « nations » disparaissent.
      L’esperanto en tant que « langue construite » n’a jamais eu pour but de niveler les cultures comme le fait l’anglais.
      Certains espérantistes disent que l’esperanto est une langue a-nationale, c’est à dire qu’elle n’est le véhicule d’aucune culture fût-elle en état de dominer les autres. L’esperanto appartient à tout le monde et chacun est libre d’en faire ce qu’il veut sans l’imposer à quiconque. Son fondateur (L.L. Zamenhof) rêvait qu’elle devînt une langue « internationale » afin de faciliter la communication entre les homme et partant, d’atténuer les conflits. Douce rêverie que je suis loin de partager même si la plupart des espérantistes s’y accroche.
      En pratiqueant cette langue, on s’aperçoit (comme le rappelait Gustav Landauer) que chaque locuteur y apporte des éléments langagiers liés à sa culture. Cela constitue-t-il réellement un problème ? Sûr que si on traduit mot à mot une expression de langue française comme « construire des châteaux en Espagne » en s’adressant à un-e Japonai-es, cette personne risque de vous demander ce que vous voulez dire. L’esperanto a proposé cette expression : « Konstrui kastelojn aere » (construire des châteaux en l’air) ce qui st déjà plus « signifiant » pour une personne d’une autre culture que la nôtre. Utiliser l’esperanto demande aussi d’avoir ce sens du respect de la différence des cultures.

    • Et pour alimenter la discussion :

      http://www.levif.be/actualite/belgique/claude-hagege-imposer-sa-langue-c-est-imposer-sa-pensee/article-normal-165911.html

      Pour le grand linguiste Claude Hagège, le constat est sans appel : jamais, dans l’histoire de l’humanité, une langue n’a été « comparable en extension dans le monde à ce qu’est aujourd’hui l’anglais » (1). Oh ! il sait bien ce que l’on va dire. Que la défense du français est un combat ranci, franchouillard, passéiste. Une lubie de vieux ronchon réfractaire à la modernité. Il n’en a cure. Car, à ses yeux, cette domination constitue une menace pour le patrimoine de l’humanité. Et fait peser sur elle un risque plus grave encore : voir cette « langue unique » déboucher sur une « pensée unique » obsédée par l’argent et le consumérisme. Que l’on se rassure, cependant : si Hagège est inquiet, il n’est pas défaitiste. La preuve, avec cet entretien où chacun en prend pour son grade.

    • Saludos Hermano,

      Il est curieux de faire référence à Claude Hagège au sujet d’un texte anarchiste. Même si — encore heureux — il aligne quelques vérités sur les liens de dépendance entre la langue et l’économie, il reste un des concepteurs de la simplification de l’orthographe de la langue française, qui avait pour but de rapprocher la langue des “nécessités” du marché et pour moyen d’asseoir l’autorité de l’État sur les règles de l’écriture. Cette première tentative — et première étape d’un processus de transformation linguistique par ceux d’en haut (les experts comme Hagège) —, sans résultat, se passait en 1990 sous le gouvernement de Rocard. Par ailleurs ce qu’il dit de la domination de l’anglo-américain est juste mais très incomplet. La contagion de cette langue — souvent déformée par l’argot — passe aussi par les paroles rebelles. “ACAB” est tagué partout sur les murs d’Athènes, où l’on a pu lire en 2008 le très drôle "Merry Crisis and a Happy New Fear". Pourtant la Grèce existe à travers la résistance de sa langue à travers les millénaires et se joue de l’anglais touristique. Bob Dylan, Sam Peckinpah et Muddy Waters — par exemple — ont certainement aussi beaucoup à voir avec la diffusion de leur langue transformée par les mots de la rue et non par ceux de Wall Street. Méfions-nous des simplificateurs, d’autant plus quand ils s’expriment en tant qu’experts et conseillers de l’appareil d’État.

    • Encore heureux qu’on s’autorise à détourner la langue des « vainqueurs qui écrivent l’histoire ».
      Hagège non anarcho-compatible, je m’attendais un peu à cet argument. toutefois reconnaissons que le bonhomme n’est pas tout à fait un abruti ne serait-ce que pour avoir appris toutes les langues mentionnées dans l’article.

      Relisons bien ce qui suit :

      Vous estimez aussi que l’anglais est porteur d’une certaine idéologie néolibérale...

      Oui. Et celle-ci menace de détruire nos cultures dans la mesure où elle est axée essentiellement sur le profit.

      Je ne vous suis pas...

      Prenez le débat sur l’exception culturelle. Les Américains ont voulu imposer l’idée selon laquelle un livre ou un film devaient être considérés comme n’importe quel objet commercial. Car eux ont compris qu’à côté de l’armée, de la diplomatie et du commerce il existe aussi une guerre culturelle. Un combat qu’ils entendent gagner à la fois pour des raisons nobles - les Etats-Unis ont toujours estimé que leurs valeurs sont universelles - et moins nobles : le formatage des esprits est le meilleur moyen d’écouler les produits américains. Songez que le cinéma représente leur poste d’exportation le plus important, bien avant les armes, l’aéronautique ou l’informatique ! D’où leur volonté d’imposer l’anglais comme langue mondiale. Même si l’on note depuis deux décennies un certain recul de leur influence.

      Je suis quasiment certain que Landauer aurait pu tenir ces propos, s’il eût été notre contemporain.

      Et pour revenir à l’esperanto, de quel idéologie est-il porteur ? Staline et Hitler ont pourchassé les espérantistes. Le second disait même de l’esperanto que c’était une « langue de juifs et de communistes ».

    • La langue des “vainqueurs qui écrivent l’histoire” ?

      L’anglais est la langue de Ringolevio, d’Emmett Grogan et des Diggers de San Francisco. L’anglais est la langue dans laquelle Joe Hill, né en Suède, écrivait ses ballades. L’anglais est la langue dans laquelle Emma Goldman, née en Russie, a écrit Living my Life, encore pas traduit intégralement en français. L’anglais est la langue des Wobblies et des Hobos.

      Hagège et Landauer ?! Imagine ce qu’aurait pensé Landauer de ceci :

      « Je leur réponds : "Pourquoi pas la Russie ou l’Allemagne ? Ce sont des marchés porteurs et beaucoup moins concurrentiels, où vos enfants trouveront plus facilement de l’emploi." »

      Les “marchés porteurs” de Poutine et de Schäuble ? Hagège critique du néolibéralisme ou expert en double langage ?

      The end, il est clair, malgré le titre, que l’essentiel de ce qu’écrit Landauer dans ce texte est moins dans la critique de l’espéranto que dans la défense de la multiplicité et de la diversité des langues.

      Hasta luego hermano.

    • Sí, parece una conclusión razonable. Gracias a ustedes por la pequeña antología de escritores, pensadores y poetas anarquistas que se expresan en Inglés. Tal vez podríamos añadir Henry David Thoreau.

      Y de todos modos, las luchas continúan. Saludos compañeros!

    • Pourquoi l’espéranto n’a pas vraiment conquis le monde

      Il y a cent trente ans un ophtalmologiste polyglotte polonais publiait Langue internationale, l’ouvrage fondateur de l’espéranto. Ludovik Zamenhof a puisé à la fois dans les langues germaniques, latines et slaves pour construire un langage qu’il souhaitait accessible au plus grand nombre. Son objectif, louable, était alors d’aider à créer les conditions de la paix dans le monde. Après plus d’un siècle, quelque 2 millions de personnes pratiquent l’espéranto dans le monde. Si la langue de Zamenhof a connu plusieurs coups d’arrêt pendant son histoire, elle trouve aujourd’hui un nouveau souffle avec Internet. Du 22 au 29 juillet, les espérantistes du monde entier se réunissent à Séoul pour leur congrès annuel.

      http://www.lemonde.fr/societe/video/2017/07/25/pourquoi-l-esperanto-n-a-pas-vraiment-conquis-le-monde_5164654_3224.html