Je me débats ce matin
Avec des souvenirs doux
Des souvenirs d’aube cévenole
Mon appareil-photo m’indique
Que j’ai fait une dizaine d’images hier
Quelle timide reprise !
Le ciel cévenol rappelle
Qui il est, ce matin
Le patron
Du vent brosse
La canopée
Mi-Juillet
Les sept enfants
Aux petits soins, prévenants
Je suis inquiet de les inquiéter
Pas de musique non plus
Pendant tout un mois
Confiant
Chaque été
J’oublie quelque chose
Mes accessoires de yoga !
Voilà bien le poète que je suis
Comptant ses vers, toutes pensées
Tendues vers le recueil, pas le recueillement
Vingt mille
Sept cent
Cinquante-neuf (mots)
Est-ce que je ne ferai pas mieux
De chercher l’inspiration
En regardant par la fenêtre ?
Je déplace des objets
Je les arrange, c’est déjà, un peu
De la photographie
Fiers étrons du matin
Je ne vous épargne rien
Les Cévennes prennent le pouvoir
Pesée matinale du bestiau
Je ne vous épargne rien
Les Cévennes prennent le pouvoir
Se débarrasser des oripeaux de la ville
Remiser clefs, badges, kits,
Oublier mots de passe
Être sur le pont
Depuis trois bonnes heures
Quand les jeunes gens émergent
Convoquer des souvenirs tendres
D’avant sa rencontre
Avec d’autres femmes, s’y tenir
Contrariée par le vent sans doute
La buse ne vient pas
À notre rendez-vous, café seul
Dans les Cévennes, pas un mail
Pas un coup de téléphone
La mesure exacte de sa solitude
Tu te demandes
Est-ce vraiment le moment
De travailler à Une fuite en Egypte
De repasser par tous ces passages
Dont elle avait dit qu’elle les avait aimés
Qu’ils l’avaient charmée
Et tous ces passages érotiques
Dont tu comprends après coup
Qu’elle s’en était inspirée pour ton plaisir
Tu es cerné
Tu as fui dans les Cévennes
C’est, en fait, une impasse, un piège
Pourtant c’est depuis le cœur
Depuis le centre de toi-même
Que tu dois repartir
Cette Suzanne dont il est question
Dans Une Fuite en Egypte
La rencontreras-tu un jour ?
Elle pourrait même ne pas s’appeler
Suzanne, mais un prénom un peu tarte
Comme Sophie ou Jessica
Tu viens de penser à quelque chose :
Tu penses tout le temps à elle
Elle pense-t-elle à toi, même un peu ?
Ne prenant plus tant de photographies
Tu comprends, enfin, que ce gourd sera
Toujours là, été après été, tel qu’il a toujours été
Est-ce que cela ne devrait pas me rassurer ?
Mes souvenirs, finalement, seront toujours intacts
Ce que je voudrais ce sont de nouveaux souvenirs
Les nouveaux souvenirs
N’écraseront pas
Les vieux souvenirs
Je change mon fusil d’épaule
Un osso-buco devient
Un sauté de veau au curry
Distrait par l’écriture
De mes petits poèmes
Je rate le coucher de soleil
Que je note un rêve
Ou que j’écrive un récit
Je tente d’aller mieux
A la fin d’une journée cévenole
Pas de triptyque
Pas de bilan