La Bataille du voile par Frantz Fanon

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  • Bikini républicain.

    La Bataille du voile par Frantz Fanon | Madinin-art Critiques Culturelles de Martinique
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    Avec le voile, les choses se précipitent et s’ordonnent. La femme algérienne est bien aux yeux de l’observateur « Celle qui se dissimule derrière le voile. » Nous allons voir que ce voile, élément parmi d’autres de l’ensemble vestimentaire traditionnel algérien, va devenir l’enjeu d’une bataille grandiose, à l’occasion de laquelle les forces d’occupation mobiliseront leurs ressources les plus puissantes et les plus diverses, et où le colonisé déploiera une force étonnante d’inertie.
    La société coloniale, prise dans son ensemble, avec ses valeurs, ses lignes de force et sa philosophie, réagit de façon assez homogène en face du voile. Avant 1954, plus précisément, depuis les années 1930-1935, le combat décisif est engagé. Les responsables de l’administration française en Algérie, préposés à la destruction de l’originalité d’un peuple, chargés par les pouvoirs de procéder coûte que coûte à la désagrégation des formes d’existence susceptibles d’évoquer de près ou de loin une réalité nationale, vont porter le maximum de leurs efforts sur le port du voile, conçu en l’occurrence, comme symbole du statut de la femme algérienne.
    Une telle position n’est pas la conséquence d’une intuition fortuite. C’est à partir des analyses des sociologues et ethnologues que les spécialistes des affaires dites indigènes et les responsables des Bureaux arabes coordonnent leur travail. A un premier niveau, il y a une reprise pure et simple de la fameuse formule : « Ayons les femmes, le reste suivra. » Cette explicitation se contente simplement de revêtir une allure scientifique avec les « découvertes » des sociologues.
    Sous le type patrilinéaire de la société algérienne, les spécialistes décrivent une structure par les occidentaux comme une société de l’extériorité, du formalisme et du personnage. La femme algérienne, intermédiaire entre les forces obscures et le groupe, paraît alors revêtir une importance primordiale. Derrière le patriarcat visible, manifeste, on affirme l’existence, plus capitale, d’un matriarcat de base. Le rôle de la mère algérienne, ceux de la grand-mère, de la tante, de la « vieille » sont inventoriés et précisés.