Autoconfiné dans ma chambre d’ado, il y a eu deux groupes qui se sont détachés du reste et qui sont restés avec moi dans la suite de mes petites découvertes musicales : The Fall et Television. Pour le dernier, (quasi) exclusivement Marquee moon et Adventure. Autant Mark E. Smith a toujours su se rendre fascinant et détestable, autant dans Television je ne voyais de charisme particulier à personne, ce qui rendait peut-être la musique encore plus pure. Le groupe semblait à part - même si #New-York #CBGB #1977, il ne rentrait pas facilement dans un genre ou une époque ni ne laissait entendre d’influences déterminantes. (Simon Reynolds dira que c’était le dernier groupe des années 60 et le premier à jouer du rock des années 80.) Vu qu’après, le groupe n’a plus rien fait de notable, Marquee moon m’apparaissait comme une sorte d’astre lointain et intemporel, un album magique inégalable.
Il y avait les mots dithyrambiques de Nick Kent dans le livret. A cet âge-là, ses chroniques dans Libération étaient à peu près tout ce qui me permettait de me repérer dans l’ "histoire du rock", vu que c’est ce qui m’intéressait et que je n’y connaissais rien.
Je voyais Marquee moon et Adventure comme complémentaires. Le premier comme affirmatif, puissant, positif, nerveux et tranchant ; le second comme mélancolique, rêveur, solipsiste… Je me disais que les deux disaient quelque chose de l’époque. J’aime beaucoup Adventure : le solo de « The fire » et cette fin en apothéose, cette histoire de gars qui "s’en fout" et n’a pas la force de se lever (if someone must work today, baby let it be you), ce sentiment de perte (once I had a ship, yes I had a map)… Les références au sommeil, l’horizon qui se rétrécit, le vide (praise emptiness)… L’album est déceptif et ne propose rien d’autre que de se laisser porter par des mélodies entêtantes et des solos aux angles polis. Marquee moon se concluait sur le rêve turbulent de Little Johnny Jewel (qui je crois est une référence à James Newel Osterberg, aka Iggy Pop), mais dans Adventure c’est un rêve qui ne débouche sur rien d’autre que le rêve (The dreams’s dream). Ce qui est ouvert par Marquee Moon est refermé par Adventure… et c’est plus triste qu’autre chose quand l’album se finit sur "I need a new adventure".
Il y a deux morceaux live qui me semblent tous les deux magnifiques et qui font entendre peut-être plus que d’autres le talent incroyable de Tom Verlaine. Little Johnny Jewel dans le double album The blow-up, qui atteint une beauté et une intensité dingues.
▻https://www.youtube.com/watch?v=ASCf0yLku7o
Et un morceau folk teinté d’ambient de 1998, "Spiritual", trouvé chez ▻https://doomandgloomfromthetomb.tumblr.com/post/57435999875/spiritual-tom-verlaine-bowery-ballroom-nyc
▻https://www.dropbox.com/s/mb5zm0sywcoxet9/05%20Spiritual.mp3