• Prince, l’aristocrate de sang pourpre | Bondy Blog
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    #prince par #chalumeau toujours brûlant (tsouin)

    A l’époque, je vivais aux Etats Unis depuis un an et demi, dix-huit mois qui avaient commencé à me déniaiser quand même un peu en matière de « questions raciales ». En effet, nul besoin d’être grand clerc (ou membre des Black Panthers) pour constater comment jour après jour, divers facteurs s’ingéniaient à faire reculer la communauté noire de plusieurs cases. C’était le moonwalk de « Billie Jean », mais social et économique. Là où, dans l’euphorie relative des gains décrochés de si haute lutte par le mouvement des droits civiques, les années 70 avaient pu donner l’impression d’assister à quelques avancées, les reaganomics (la politique économique über-dérégulée de Ronald Reagan) et l’apparition du crack précipitaient, block après block, des quartiers entiers dans la misère et la délinquance sans que ça empêche les autorités blanches de dormir. Limite à se demander, même, si certains cercles n’y voyaient pas le juste rétablissement du bon ordre des choses. Bref, même pour un jeune blanc bec franchouille un peu concon aux sabots « blaquophiles » semelés de « bonnes intentions », il était perceptible que le débat se recrispait vilain.

    Le rapport avec Prince et « Purple Rain » ? Le voilà : dans ce contexte vicié, Prince, subitement, par la seule grâce de son talent, de son génie (à ce niveau, peu importe le terme), envoyait pour sa part la balle loin hors du stade, ailleurs, dans un espace temps mental où la question de la « couleur » avait été réglée dès lors que toutes les pluies y étaient pourpres. Son « univers », comme on ne disait pas encore, dépassait, résolvait, dissolvait, ridiculisait tout ça. Il débarquait, comme un envoyé du futur, nous montrer le chemin. A la fois, il conjuguait tout ce qu’il était de tradition d’attendre d’un entertainer afro-américain (swing, swag, funk, groove et tutti fruti). Autrement dit, il était indubitablement, indiscutablement, irréfutablement Noir, Black, d’origine africaine, dites ça comme vous voulez. Et pour autant, en même temps qu’il célébrait, honorait et sublimait cet héritage, il était tellement loin, tellement haut ailleurs, avec je ne sais combien de stations de RER d’avance sur l’air du temps. Comme Miles Davis avant lui, hissé à un niveau supérieur de l’identité humaine ou à un stade plus avancé de l’évolution de l’espèce : à la fois suprêmement, splendidement « nègre », n’est-ce pas, et en même temps au délà de telles catégories, affranchi d’un monde où elles ont encore cours. Comme l’incarnation anticipée d’une autre société : sinon post raciale, du moins post racisme.