-« TU GRANDIRAS ET TU DEVIENDRAS UNE DJAMILA »,

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  • –« TU GRANDIRAS ET TU DEVIENDRAS UNE DJAMILA », - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2017/08/tu-grandiras-et-tu-deviendras-une-djamila.html

    -« Tu grandiras et tu deviendras une Djamila », plus qu’une phrase, un ordre, un serment, une fortune, un agréable acouphène que j’ai depuis ma tendre enfance, être ou ne pas être une Djamila, Djamila ma Pax, mon Eiréné, une Athène, une Sekhmet et la reine de la Casbah .

    Djamila est une légende vivante, une femme assumée, une femme droite, indépendante, réflechie, juste, posée, intelligente, douce, élégante et toujours sensible aux injustices des peuples.

    Djamila est la mère de toute une nation, la mère de L’Algérie en tutti quanti car mon pays avait traversé un périple douloureux et difficile, Aujourd’hui en paix et indépendant mais hélas encore submergé par la répression, la bêtise et l’injustice.

    –C’est qui Djamila ? Hurlé-je à mon père

    –« une grande dame ! Sans elle tu ne serais là en ce moment même en train de jouer à ta PlayStation, vas travailler ton expression écrite, tu vas la rendre demain et tu dois impressionner tes camarades de classe,

    Le thème étant d’écrire sur une éminence Algérienne, mon père m’avait donc imposer « Djamila BOUHIRED « comme personnalité Algérienne « cette dame a fait honneur à son peuple et à sa patrie, Djamila la grande, Djamila la résistante … » continua t-il en clignant des yeux.

     

    –« Le module « Djamila » devrait être enseigné partout, dans les écoles dans les universités..

    Djamila fut une éminente résistante, une philanthrope, une caritative au grand coeur et une indulgente pacifiste, cette femme mérite plus qu’une reconnaisse, un prix Nobel de paix » La voix nouée, les yeux humides n’arrivant même plus à articuler, mon père s’arrêta de parler, chez nous c’est toujours ainsi, on devient vite émotif à chaque fois qu’on évoque une personnalité de la résistance Algérienne, Après tout ils nous ont rendu notre dignité, ils se sont sacrifiés pour une cause noble qui est notre liberté, notre fierté, on leur doit tout, nos prières, notre reconnaissance mais surtout notre respect.

     

    Je laissai tomber la manette de ma PlayStation, je n’ai que 10 ans, dans quelques mois je passe mon examen de sixième, je dois travailler dur comme fer si je veux maintenir mon statut de première de ma classe, un jour je serais médecin et pourquoi pas écrivain, j’écrirai pour m’exprimer, j’ecrirais pour dénoncer les injustices et je parlerai bien sûr de Djamila.

     

    Les yeux ronds, les sourcils froncés je regarde mon père ému et je riposte :

    –Djamila est elle notre Nelson Mandela ?

    –Non, c’est Nelson Mandela qui a un bout de notre Djamila.

     

    Mon père me raconta longment les tribulations de Djamila, sa clique de l’époque, ses exploits et ses tribulations, sa capture par l’armée de l’ennemi en 1957, sa surmédiatisation à l’echelle mondiale comme seul moyen pour empêcher son exécution « merci Dieu d’avoir protégé notre Djamila ! » sursauté -je en écoutant chaque détail de la vie de Djamila que mon père me livrait.

     

    Ce dialogue entre moi et mon père ne m’a jamais quitté , je voulus être une Djamila même si je ne savais comment mais je voulus par dessus tout rencontrer la vraie Djamila, lui parler de mon désarroi.

    Ma tante aussi s’appelle Djamila, un prénom qu’elle hérita en hommage à notre douce Djamila.

     

    En 2011, les étudiants en médecine avaient envahi les rues des grandes villes pour exprimer leur mécontentement, résidents, internes et externes avaient participé massivement à une grève sans précédents, l’enjeu était de taille : AMÉLIORER LE SYSTÈME DE SANTÉ ALGÉRIEN, la santé Algérienne est malade, l’hôpital est plus malade que ses malades.

     

    Pourquoi tout manque à l’hôpital ? Qui est à blâmer ? Qui est responsable du manque de sécurité, du manque d’hygiène, du manque accru en moyens financiers et humains, le médecin ou la politique ?

     

    Qui est responsable de la formation des étudiants en médecine, ces TD d’anatomie sur du plastique faute de dissection sur cadavre, ces nouvelles technologies absentes de l’enseignement des étudiants en médecine à qui la faute est finalement attributable ?

     

    La greffe d’organes via cadavres ne se fait toujours pas faute de prêches, le manque en examens complémentaires, la panne du materiel, la rupture en médicaments, en eau, en électricité, en materiel de base, la surcharge dans les maternités et dans les CHU devrais-je blâmer le médecin ?

     

    Le médecin est devenu le bouc émissaire d’un système de santé poly défaillant, faute de blâmer la politique et sa pseudo gratuité ,on pointe du doigt le médecin pour se soulager en trouvant enfin un coupable.

     

    L’Algérie est elle un pays de droit ? Sommes nous tous égaux en droits et en devoirs comme l’attestent nos lois ?

    Ou ce service civile, cette politique mensongaire et hypocrite que la politique a imposée aux médecins tout en graciant les autres filières ?

    Faute de bonne foi, on s’enfonce encore plus en dispensant tous les trentenaires du service militaire sauf Le médecin… Bien entendu.

     

    Chère politique : Ouvrez des postes permanents pour les medecins Algériens au sud, donnez -leur le même salaire qu’un cubain, offrez-leur de vrais conditions de travail et vous allez me remercier quand les choses vont radicalement changer.

     

    En 2011 et contre tous, ma Djamila a tenu à être presente parmi nous en nous apportant tout son soutien « vous êtes mes enfants, mes médecins et les médecins de ce peuple, le peuple n’a que vous et vous méritez tout notre respect » ne cessa t-elle de nous répéter.

     

    Mon père avait raison quand il me disait jadis que Djamila BOUHIRED méritait le prix Nobel de paix.

    Dans un pays où on gloirifie l’insécurité, la propagande, le charlantanisme, la misogynie, l’incivisme, l’injustice, le populisme, et la vandetta .. Je veux être une Djamila.

    Je refuse comme Djamila d’être une citoyenne de deuxième degré dans la terre de mes ancêtres.

     

    Amina FEDJER

    Résidente en pédiatrie au CHU d’Oran

    http://lequotidienalgerie.org