Tianqi Shenghe

?ContentID=5&t=56

  • Au #Tibet, la plaie ouverte des mines de lithium
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/08/14/au-tibet-la-plaie-ouverte-des-mines-de-lithium_5172215_3244.html

    La piste cahoteuse longe la rivière Liqi puis bifurque vers une retenue d’eau. L’altimètre indique 4 200 mètres. Le dernier village et son monastère sont à quinze kilomètres. Un gardien débonnaire nous laisser passer sans ciller à travers la zone minière de Jiajika, sur les hauts plateaux tibétains de Garzê, dans la province chinoise du Sichuan. Jiajika est le plus vaste gisement de spodumène d’Asie, un minerai présent dans les roches magmatiques dont l’on extrait du lithium, avec lequel sont fabriquées les batteries électriques rechargeables.

    L’exploitation de mine, plus coûteuse que celle de lacs asséchés en altitude, intéresse de plus en plus les producteurs chinois. Deux d’entre eux sont présents à Jiajika : Rongda, qui appartient au même groupe que le géant chinois de la voiture électrique BYD ; et, à quelques kilomètres, Tianqi, exploitant de la mine de Greenbushes en Australie, en passe de devenir l’un des plus gros producteurs mondiaux de lithium. La mine de Tianqi est encore en chantier. Tout est comme figé : des passerelles couvertes qui montent ou descendent entre les vastes bâtiments neufs signalent le circuit des blocs de pierre après leur extraction. Vers l’est, les pics enneigés du Zhakra, une montagne sacrée, se découpent sur l’horizon.

    L’ennui, c’est que Rongda, la seule mine opérationnelle à ce stade, a par deux fois déjà provoqué des épisodes de pollution – en 2013, puis en mai 2016, deux jours après avoir redémarré. « La rivière est devenue noire, ça puait, puis on a retrouvé des yaks morts. Ils buvaient, ils marchaient puis ils s’écroulaient après. Il y avait beaucoup de poissons morts aussi », nous dit un jeune Tibétain croisé en voiture sur le site de Jiajika avec un compagnon.

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    • Jiajika Mine, Kangding pegmatite field, Kangding Co., Garzê Autonomous Prefecture (Ganzi Autonomous Prefecture), Sichuan Province, China
      https://www.mindat.org/loc-146947.html

      Jiajika Mine, Kangding pegmatite field, Kangding Co., Garzê Autonomous Prefecture (Ganzi Autonomous Prefecture), Sichuan Province, China
      Latitude & Longitude (decimal) : 30.3333333333, 101.316666667

      Tianqi Shenghe
      http://www.tianqilithium.com/en/resinfo.aspx?ContentID=5&t=56

      Tianqi Shenghe, a wholly owned subsidiary of Tianqi Lithium , owns the mining license of Cuola Spodumene in Yajiang County, which is located in theWest Block of the largest Jiajika Spodumene Mine in Asia, with over 200,000metric tonnes in lithium reserves. Tianqi Shenghe is mainly engaged in the exploitation, production and sales of lithium ore products. Following operational start up of this asset, Tianqi Lithium will increase the diversity of its lithium resources, ensuring customer supply security and sustainable and efficient resource development.

    • La piste cahoteuse longe la rivière Liqi puis bifurque vers une retenue d’eau. L’altimètre indique 4 200 mètres. Le dernier village et son monastère sont à quinze kilomètres. Un gardien débonnaire nous laisser passer sans ciller à travers la zone minière de Jiajika, sur les hauts plateaux tibétains de Garzê, dans la province chinoise du Sichuan. Jiajika est le plus vaste gisement de spodumène d’Asie, un minerai présent dans les roches magmatiques dont l’on extrait du lithium, avec lequel sont fabriquées les batteries électriques rechargeables.

      L’exploitation de mine, plus coûteuse que celle de lacs asséchés en altitude, intéresse de plus en plus les producteurs chinois. Deux d’entre eux sont présents à Jiajika : Rongda, qui appartient au même groupe que le géant chinois de la voiture électrique BYD ; et, à quelques kilomètres, Tianqi, exploitant de la mine de Greenbushes en Australie, en passe de devenir l’un des plus gros producteurs mondiaux de lithium. La mine de Tianqi est encore en chantier. Tout est comme figé : des passerelles couvertes qui montent ou descendent entre les vastes bâtiments neufs signalent le circuit des blocs de pierre après leur extraction. Vers l’est, les pics enneigés du Zhakra, une montagne sacrée, se découpent sur l’horizon.

      L’ennui, c’est que Rongda, la seule mine opérationnelle à ce stade, a par deux fois déjà provoqué des épisodes de pollution – en 2013, puis en mai 2016, deux jours après avoir redémarré. « La rivière est devenue noire, ça puait, puis on a retrouvé des yaks morts. Ils buvaient, ils marchaient puis ils s’écroulaient après. Il y avait beaucoup de poissons morts aussi », nous dit un jeune Tibétain croisé en voiture sur le site de Jiajika avec un compagnon.

      « Tout le monde est inquiet »

      Le jeune homme, qu’on appellera Dorje, est vêtu de la veste fourrée tibétaine. Il sort du coffre un appareil photo et montre la mine prise au téléobjectif. Plus d’un an après l’incident, les nomades des environs se relaient pour observer ces dinosaures de tôle et de ciment endormis, guettant le moindre regain d’activité. « On ne sait pas s’ils vont reprendre l’exploitation, ni quand », dit Dorje. La société leur a vaguement promis de l’argent. « On a beau être pauvres, on s’opposera aux projets miniers même s’ils partagent leurs profits avec nous, insiste-t-il. On veut juste que l’on nous rende nos terres et notre nature. » Malgré sa détermination, il dit avoir peur : « Les gens du gouvernement nous disent de nous occuper de nos affaires. » Deux hommes de son village ont été condamnés à deux et trois ans de prison pour avoir protesté lors du premier cas de pollution de 2013.

      Ces fuites toxiques ne sont pas le moindre des paradoxes pour un élément clé des énergies de demain comme le lithium. Dans les régions tibétaines, elles affectent un écosystème fragile et vulnérable. Elles perturbent aussi une nature que les Tibétains tiennent pour sacrée. La rivière Liqi coule à travers pâturages et habitations d’éleveurs. Elle traverse la petite ville de Lhagang (Tagong en chinois) – un haut lieu de l’écotourisme –, puis se jette dans le Yalong, le plus gros affluent du fleuve Yangzi.

      La pollution minière touche un nerf sensible chez les Tibétains, tant elle est liée à cette dynamique de développement à tout-va que la Chine déploie dans ces régions rétives à l’emprise de l’Etat-parti chinois. La préfecture de Garzê, qui borde la Région autonome tibétaine, fut l’épicentre du soulèvement tibétain de 2008. Une immolation par le feu y a encore eu lieu le 15 avril, la 148e depuis 2009. Or les éleveurs ne sont pas les seuls à avoir réagi après la dernière pollution de 2016 : « Tout le monde est inquiet. Les clans qui sont souvent en conflit se sont réconciliés. Il y a eu des manifestations de nomades mais aussi des habitants de Lhagang », rapporte une riveraine qui a suivi les événements.

      Quand l’incident s’est produit, la population a déversé sur la route des bacs de poissons morts. Les autorités ont parlementé. Et envoyé la police paramilitaire. Le gouvernement local a toutefois promis par écrit la suspension des activités de la mine Rongda « en raison de la contamination ». Cependant personne n’en a à ce stade expliqué les raisons ni précisé quelles substances étaient à l’origine de la pollution. Dorje croit savoir qu’un bassin de résidus miniers a débordé. Un porte-parole de Youngy, le groupe du milliardaire Lu Xiangyang, le cofondateur de BYD qui possède Rongda, maintient que la pollution est « un acte malveillant » indépendant de Rongda et « qu’une enquête est en cours ». Les autorités de Garzê n’ont pas donné suite à nos questions.

      1,88 million de tonnes de réserves de lithium

      A Lhagang, un entrepreneur tibétain accuse les sociétés minières d’avoir « arrosé » le gouvernement mais aussi une figure religieuse locale chargée d’inciter la population au calme. Lui aussi oscille entre colère et résignation. Un nomade de ses amis nous apporte un paquet soigneusement enveloppé de photographies de la pollution de 2013. Cette année-là, 12 000 signatures furent collectées en signe de protestation. L’homme affirme qu’en 2016, les enfants d’une école primaire ont été intoxiqués par l’eau, mais que les parents ont été réduits au silence. « Notre premier souhait, c’est qu’ils cessent d’exploiter la mine. Mais s’ils le font, il n’y aura plus qu’à partir », explique-t-il.

      Les communautés tibétaines savent le peu d’espace de négociation que leur laisse le système chinois. « Quand il y a des mines au Tibet, une compensation va en général aux utilisateurs de la terre mais pas au-delà. Les royalties vont au gouvernement central. Les communautés locales en bénéficient très peu », nous explique le chercheur Gabriel Lafitte, basé en Australie et auteur d’un livre sur l’accaparement des ressources naturelles du Tibet par la Chine, La Spoliation du Tibet (Spoiling Tibet, Zed Books, non traduit, 2013). « Les Tibétains ne sont de toute façon pas autorisés à s’organiser », souligne-t-il.

      La mine de Tianqi est encore en chantier. Tout est comme figé.
      Le 1,88 million de tonnes de réserves de lithium de Jiajika reste promis à un bel avenir. L’agence de planification de la préfecture de Garzê l’a confirmé début 2017 : Lhagang est décrite comme future « capitale chinoise du lithium ». Pour l’instant, les échantillons de matériau sont envoyés à Chengdu, la capitale du Sichuan, à quelque 450 kilomètres, précise un géologue chinois de Rongda. Les deux mines ouvriront selon lui en 2020 : « L’autoroute et le chemin de fer seront terminés et les coûts du transport auront baissé. »

      « Politique de développement à outrance »

      Viaducs et tunnels sont en effet partout en chantier sur les deux grandes voies d’accès à la préfecture tibétaine de Garzê depuis Chengdu. La région vivra le grand bond en avant des énergies renouvelables qui, outre le lithium, prévoit la construction de nombreux barrages sur la rivière Yalong, ainsi qu’une dérivation vers le fleuve Jaune. Des milliards d’euros d’investissements sont programmés pour les cinq ans à venir.

      Si la population locale (1,2 million de personnes, à 70 % des Tibétains) profite en partie du développement économique, le gouvernement chinois semble peu soucieux d’atténuer ou même de comprendre les perturbations de ces changements sur l’humain et l’environnement. « Cette politique de développement à outrance a pour but d’amener les Tibétains à se considérer comme des citoyens chinois. Or, elle ne prend pas en compte leur mode de vie, leur rapport avec la nature. Elle fait de l’urbanisation une fin en soi alors que ce doit être un processus progressif, choisi », estime Gabriel Lafitte.

      Le jour de notre passage, bien en aval des mines de lithium, un éleveur tibétain dont la maison est accrochée à la pente s’acharne à planter un pieu sur chaque rive de la Liqi. Il tend au-dessus de l’eau un filin d’où pendent des loungta (drapeaux de prière). Ce geste en apparence futile a son importance, avant qu’il ne soit trop tard : obtenir les faveurs des divinités aquatiques envers tous ceux, hommes, animaux et plantes, qui dépendent d’elles.