A sa lecture, on est tentée de faire un parallèle entre les séquences télévisuelles d’agression menées par des hommes célèbres, au nom de l’humour, et une tradition de la jeunesse dorée jusqu’au XVIe siècle : le viol de « bons compagnons », commis par des nantis à qui l’on autorisait toutes les licences puisqu’il fallait bien que jeunesse se passe. La victime, servante ou veuve, était préalablement choisie, puis traînée dehors et violée. « Après quoi, quelques pièces de monnaie pouvaient lui être jetées pour signifier qu’elle était consentante. » Un viol sous forme de « rite festif d’affirmation de la masculinité », pour « fraterniser dans le partage de la chair ».
Dégrader avec décontraction
En 2017, les frasques de bons compagnons n’ont plus la faveur des juges. Mais la haine des femmes s’est déplacée. Dans une tribune publiée l’année dernière par le New York Times, Sam Polk, un ex-trader repenti, s’indignait d’une tradition vigoureuse à Wall Street : le « bro talk », la conversation de potes. Soit une manière de moquer les femmes en les ramenant au statut d’objet sexuel. Sam Polk y évoque ainsi son dîner avec un ponte de la finance ravi de lâcher, dans le dos d’une serveuse : « Je la renverserais bien sur la table pour lui donner de la viande », ou ces armées de traders dressés à fanfaronner : « à propos de collègues féminines : J’aimerais la prendre par-derrière ». Ou ces étudiants à Yale traversant le campus en beuglant : « Non veut dire oui. Oui veut dire sodomie. »
Conclusion du millionnaire désormais reconverti dans l’humanitaire : « Le langage de potes produit un champ d’exclusion empêchant les femmes de progresser. Lorsque vous créez une culture où les femmes sont dégradées avec décontraction, comment pouvez-vous éprouver le désir de les promouvoir ou de travailler pour elles ? » Résultat : seulement 2% des gestionnaires de hedge funds sont des femmes…