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  • Contrôle d’Internet : le voyage remarqué des patrons d’Apple et de Google en Chine
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/12/04/controle-d-internet-le-voyage-remarque-des-patrons-d-apple-et-de-google-en-c

    Tim Cook et Sundar Pichai participaient, dimanche, à la conférence mondiale de l’Internet organisée par les autorités chinoises. Une conférence mondiale de l’Internet… organisée en Chine. Rien qu’à l’énoncé de cette phrase, toute personne qui possède la moindre connaissance des pratiques de censure imposées par Pékin froncerait les sourcils. D’autant que l’organisateur de l’événement n’est autre que l’administration du cyberespace chinoise, sorte de superministère de l’Internet. Et pourtant, pour la 4e (...)

    #Apple #Google #VPN #web #surveillance

  • L’art, nouvelle passion des centres commerciaux
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/29/l-art-nouvelle-passion-des-centres-commerciaux_5222196_3234.html

    Miami, Dallas, Hongkong, Tokyo, Shanghaï, Paris, Metz ou Cagnes-sur-Mer, même combat. Les centres commerciaux et les grands magasins ne jurent plus que par les expositions d’art contemporain. Dès 1975, le pape du pop art, Andy Warhol, prophétisait : « Un jour, tous les grands magasins deviendront des musées et tous les musées deviendront des grands magasins. » Il avait vu juste.

    Jeudi 30 novembre, la Galerie des Galeries présentera une nouvelle exposition aux Galeries Lafayette, boulevard Haussmann, à Paris, « Always someone asleep and someone awake », une réflexion sur la fête. « Un espace non marchand de 300 m2 accessible gratuitement à nos 100 000 clients quotidiens, uniquement pour que l’art soit accessible au plus grand nombre », explique Guillaume Houzé, directeur de l’image et de la communication du groupe. Les quarante premières expositions ont été vues par 12 000 à 15 000 visiteurs dans ce lieu coincé au premier étage au fond d’un couloir, à deux pas du rayon des marques de prêt-à-porter ultrachic. De l’image ? De la communication luxueuse ? A ses yeux, sans doute.
    « Les grands magasins doivent raconter des histoires. Aujourd’hui plus que jamais », explique Guillaume Houzé, directeur de l’image et de la communication des Galeries Lafayette.

    Egalement président de la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, qui ouvrira au printemps dans le quartier du Marais à Paris, M. Houzé poursuit une tradition familiale. En 1946, en effet, les Galeries exposaient déjà Nicolas de Staël ou Alberto Giacometti. Et sa grand-mère à poigne, Ginette Moulin, elle-même petite-fille du cofondateur du grand magasin Théophile Bader, a constitué une importante collection d’art contemporain.

    « Les grands magasins doivent raconter des histoires. Aujourd’hui plus que jamais », assure l’héritier qui s’est entouré de conseillers ad hoc. « Les artistes...

    #pay_wall #art #décoration #commerce

  • Les #médias numériques américains à la peine (en fait, on sait pas trop)
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/25/les-medias-numeriques-americains-a-la-peine_5220415_3234.html

    D’autres signes illustrent ce coup de froid : BuzzFeed et Vice Media, deux grands « pure players » mêlant info et divertissement à destination d’un public jeune, n’atteindront pas leurs objectifs de chiffre d’affaires en 2017, a annoncé le Wall Street Journal, le 16 novembre. Le premier devrait rater « de 15 % à 20 % » sa cible de 350 millions de dollars ; le second ne pas engranger les plus de 800 millions de dollars prévus. « Même BuzzFeed, l’un des médias numériques les plus puissants, est confronté à des incertitudes. C’est terrifiant pour tous les autres », analyse le journaliste senior de Newsweek Zach Schonfeld.

    Le buzz négatif actuel – d’aucuns vont jusqu’à parler d’« apocalypse numérique » – est à la mesure de l’euphorie passée. Les deux tendances sont nourries par une opacité à propos des chiffres : Vice Media et BuzzFeed ne « commentent pas » leurs revenus et ils n’indiquent pas s’ils sont rentables.

    Lire aussi « Métamorphoses du paysage médiatique américain, par Rodney Benson (@mdiplo, septembre 2017)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/09/BENSON/57835

    Il y a un demi-siècle, le président américain Richard Nixon fustigeait « les médias » comme s’il s’agissait d’une seule entité indistincte. À une époque dominée par une poignée de chaînes de télévision, de magazines et de journaux, il n’avait pas tout à fait tort. Toutefois, depuis le début des années 2000, le paysage s’est largement diversifié.

    On peut distinguer au moins trois familles, tous genres et supports confondus. D’abord celle de l’info-divertissement de masse, avec des sites Internet bien établis comme BuzzFeed et le Huffington Post ainsi que de grandes chaînes de télévision nationales (CBS, ABC, NBC, leurs filiales locales et la chaîne d’information CNN. Puis vient la famille partisane (2), représentée par Fox News (conservatrice), MSNBC (progressiste), des radios principalement conservatrices, la blogosphère et les satires politiques comme le « Daily Show », présenté par Trevor Noah, et « Last Week Tonight with John Oliver ». La troisième famille privilégie un journalisme de qualité, avec des titres comme le New York Times, le Wall Street Journal, Politico, des magazines nationaux comme Time et The Atlantic, ainsi que les principaux journaux régionaux. Les secteurs public et associatif, minoritaires mais dynamiques, proposent parfois un contrepoids à ce système indexé sur l’économie de marché.

    Mais les limites entre ces catégories sont floues et poreuses. Des chaînes de télévision et des sites comme le Huffington Post et Vox tentent de réconcilier journalisme de qualité et info-divertissement ; la neutralité politique affichée par le New York Times et d’autres médias dominants est vivement contestée, pas seulement par des critiques conservateurs. À l’autre bout du spectre, quand la plus grande télévision locale, Sinclair, regardée par 70 % des foyers américains, recrute un ancien porte-parole de M. Donald Trump au poste d’analyste politique en chef, on lui reproche d’utiliser ses 173 chaînes pour « promouvoir un programme essentiellement de droite ».

    Pour bien comprendre l’avènement de ce nouvel écosystème, il faut revenir sur la période qui a suivi le prétendu « âge d’or » des années 1970, marqué par le Watergate (1972-1974) : les années 1980 et 1990, au cours desquelles le profit devint l’alpha et l’oméga des médias.

  • Très cher Léonard | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2017/11/26/tres-cher-leonard

    Toujours soucieux d’apporter à nos lecteurs les éclairements nécessaires, et ce à propos de cette colossale adjudication, nous avons questionné au téléphone à Paris Thierry Ohrmann, directeur d’Artprice et spécialiste de la cotation du marché de l’art. Thierry Ohrmann a donné son accord à l’enregistrement de cette conversation téléphonique que nous vous livrons.

    Bonjour Thierry Ohrmann. Vous êtes aujourd’hui reconnu comme un des plus informés quant à tout ce qui touche au marché de l’art, ces deux termes vont si bien ensemble. Nous appelons cela un oxymore. Cette annonce de l’adjudication record de Salvator Mundi a éveillé la curiosité de plus d’un de nos lecteurs. Êtes-vous autorisé à nous révéler le nom de ce nouvel oint du Seigneur ? Ne s’agirait-il pas de Bernard Arnault, l’amateur éclairé, le mécène prestigieux, l’ambassadeur de la french touch ? Un des rares, à notre connaissance, en France, à pouvoir signer un chèque à neuf chiffres.

    Mais voyons ! Pour en faire quoi ? L’exposer dans son bureau ? Cessons là ces enfantillages. Où serait l’intérêt Non, les acquéreurs sont deux fonds d’investissement associés – siègent-ils aux Bermudes, aux Îles Vierges ou aux Îles Caïmans, c’est une autre histoire – deux fonds d’investissement qui comptent faire de ce Christ Salvateur un tout simple produit commercial.

    Mais, comptent-ils le revendre pour en tirer bénéfice ? On voit mal, au prix d’acquisition annoncé, quelle marge supplémentaire ils pourraient tirer d’une revente, même à la sauvette.

    Éclats de rire dans l’écouteur. Qui vous parle de revente ? Non, il s’agira de location. Connaissez-vous « l’industrie muséale » ? 700 nouveaux musées émergent aujourd’hui chaque année dans le monde. Ils sont à l’affût permanent d’œuvres de qualité à accrocher à leurs cimaises. Nous ne sommes plus à l’époque révolue des collectionneurs d’art, mais à celle d’un marché de 70 millions et plus de consommateurs. 450 millions de dollars est un prix raisonnable et calibré si l’on tient compte du modèle économique auquel il s’adosse.

    Le cash-flow est immédiat, généré par la billetterie des musées. Avec une telle œuvre, et la publicité qui en est faite, cela fait partie du marché, vous êtes assurés de déplacer les foules. Comme au Louvre, où le circuit Joconde à son propre chiffre d’affaires.

    Thierry Ohrmann, êtes-vous en train de nous dire que le patrimoine artistique de l’humanité est en passe de devenir un eldorado profitabiliste ?

    Exactement. Les banques lèvent aujourd’hui des fonds colossaux pour constituer des fonds d’art, variante des fonds d’investissement, et miser à guichets fermés sur les icônes de l’art contemporain. Placements sûrs et peu risqués, le retour sur investissement peut atteindre 18 %. Pour les financiers d’aujourd’hui, les œuvres d’art sont devenues des actifs à part entières, comme une action ou une obligation. Et c’est le mot, un nouvel eldorado. Le marché de l’art est un des seuls à remarquablement résister aux chocs qui frappent les Bourses (mettez une majuscule, s’il vous plaît, dans votre papier). Les œuvres d’art sont un placement sûr et peu risqué, porté par l’appétit des musées et des consommateurs que nous sommes tous.

  • En Chine, des étudiants forcés de fabriquer l’iPhone X
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/24/a-zhengzhou-rencontre-avec-les-etudiants-forces-de-fabriquer-les-iphone-x_52

    Cet automne, les usines de Zhengzhou tournent à plein pour fournir des exemplaires de l’#iPhone X au monde entier. Foxconn, le principal sous-traitant d’Apple en Chine, s’est installé dans la capitale du Henan en 2012 pour bénéficier de la main-d’œuvre abondante et bon marché de cette province du centre de la Chine, la plus peuplée du pays.

    Mais en plus des ouvriers, les stagiaires, qui restent quelques mois et coûtent moins cher en charges sociales, sont jugés parfaits pour répondre aux besoins saisonniers. Plus de 3 000 étudiants travaillent actuellement sur les lignes d’assemblage de #Foxconn, dans les mêmes conditions que des ouvriers. Les tâches répétitives qu’ils accomplissent n’ont aucun lien avec leurs études. Ils effectuent des heures supplémentaires, en violation de la loi.
    « Si on ne le fait pas, l’école ne nous donnera pas notre diplôme »

    #Apple #SoCool #GAFA

  • La faiblesse des salaires publics pèse (aussi) sur l’inflation
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/21/la-faiblesse-des-salaires-publics-pese-aussi-sur-l-inflation_5218034_3234.ht

    C’est l’un des grands mystères sur lequel les économistes s’arrachent actuellement les cheveux : en dépit de la reprise, l’inflation reste anormalement basse dans les pays de l’Organisation de coopération et développements économiques (OCDE). « C’est en partie lié à la faiblesse des cours du pétrole, mais aussi, et surtout, à celle des salaires », explique Véronique Riches-Flores, économiste indépendante.

    Coupable ? La persistance d’un chômage encore élevé, bien sûr : face au grand nombre de candidats sur le marché du travail, les entreprises n’ont pas besoin d’accorder des augmentations. Mais pas seulement. « Austérité oblige, l’évolution des salaires publics a également été faible depuis 2009 dans beaucoup d’économies », expliquent Gabriel Stern et Rinalds Gerinovics, économiste chez Oxford Economics. IIs viennent de publier une étude passant au crible l’incidence de cette modération, intitulée « L’austérité pèse toujours sur l’ensemble des salaires ».

    Si avant la crise, les salaires publics étaient plus dynamiques que ceux du privé dans nombre de pays européens, les courbes se sont ensuite inversées. Depuis 2009, la hausse des traitements des fonctionnaires a ainsi été en moyenne inférieure de 0,5 point par an à celle du privé dans l’OCDE. Et même de 1,4 point en Italie, de 0,7 point en Espagne et 0,7 point au Royaume-Uni. La différence n’a en revanche été que de 0,2 point en France tandis qu’en Allemagne, pays faisant figure d’exception, les traitements ont progressé de 0,3 point de plus par an que dans le privé sur la période.

    #salaire #austérité

  • Dix chiffres qui pourraient vous surprendre sur le train en France
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/18/dix-chiffres-qui-pourraient-vous-surprendre-sur-le-train-en-france_5216963_3

    L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières a publié jeudi un bilan du transport ferroviaire de voyageurs.(...)

    50 %
    C’est la proportion de trains de voyageurs qui circulent sur… 9 % du réseau, illustration des fortes disparités qui existent dans l’intensité d’utilisation des voies ferrées françaises. Ainsi, si on regarde les chiffres par l’autre bout de l’indicateur, 31 % des lignes du réseau national ferroviaire ne voient passer que 1 % des trains. Un tiers au moins du réseau est donc économiquement très fragile et sous la menace de fermetures.

    + 14 %
    C’est la hausse du trafic par bus et car depuis 2011, le plus dynamique de tous les modes de déplacement. L’autocar précisément (dopé par l’arrivée des cars Macron et en hausse de 17 % entre 2015 et 2016) vient tailler des croupières au ferroviaire, lequel reste sous les 10 % de l’ensemble des modes de transport intérieur. Le train (hors métros et RER) accuse une baisse moyenne de 0,5 % par an depuis 2011. Incontestablement, la route domine de très loin le rail puisque, voiture individuelle comprise (elle aussi en hausse depuis cinq ans), le bitume accueille en France 88 % du transport intérieur de personnes.

    9 sur 10
    C’est la proportion de voyageurs qui utilisent le train pour un déplacement de proximité (trains régionaux, trains de banlieue ou RER). Sur 1,16 milliard de passagers transportés en train en 2016, 1 milliard ont donc fait du rail un outil de déplacement du quotidien (dont 860 millions en Ile-de-France). On notera l’écart spectaculaire entre la réalité de la fréquentation et l’offre de sièges. La longue distance (TGV + intercités + trains internationaux), qui pèse un dixième des passagers transportés, représente en même temps la moitié des 202 milliards de sièges-kilomètres proposés aux voyageurs en France en 2016.

    155 km/h
    C’était la vitesse réelle – appelée aussi vitesse commerciale – des TGV en 2016, de leur point de départ à leur point d’arrivée. En réalité assez loin des 300 km/h systématiquement mise en avant quand on parle de grande vitesse en France. L’écart avec les trains classiques, dits intercités (103 km/h) et même les TER (83 km/h), n’est finalement pas si grand. En cause : la fréquence des arrêts et le fait qu’une partie des trajets des TGV se fait sur des voies classiques qui ne permettent pas de dépasser les 160 km/h. Point important : ce chiffre ne tient pas compte de la mise en service en 2017 de 540 km de vraies lignes à grande vitesse grâce à l’ouverture des liaisons Tours-Bordeaux, Le Mans-Rennes et le contournement de Nîmes-Montpellier.

    #transports #train #bus

  • #metoo : le long calvaire des employées d’une entreprise de nettoyage sous-traitante de la SNCF | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/153986/metoo-cris-de-detresse

    Vous avez peut-être déjà pris le train et râlé devant la saleté des toilettes. Et puis, après l’arrivée en gare, vous n’y avez plus pensé. Pendant que vous traversiez le hall, une femme est montée dans le train pour nettoyer ces toilettes répugnantes. Elle n’a pas beaucoup de temps, la cadence de nettoyage est élevée, les produits qu’elle doit manipuler souvent toxiques. Si votre train était à Paris Gare du Nord, la femme qui s’est occupée de nettoyer les jets d’urine parce que pisser dans un train en marche est parfois une opération délicate, ne supportait pas seulement un boulot pénible et socialement ingrat, en prime, pendant qu’elle était penchée sur la cuvette des toilettes, son chef d’équipe l’a peut-être coincée en collant son sexe contre ses fesses pour mimer un acte sexuel.

    Ce n’était ni la première ni la dernière fois. Il lui a aussi attrapé la main pour y fourrer son doigt sur lequel il avait craché afin de simuler un coït. Il y a eu des agressions sexuelles dans les toilettes, porte fermée. Une autre s’est fait embrasser dans le cou. Les mains aux fesses. Les mains sur les seins

    C’est ce qu’ont vécu des employées d’une entreprise de nettoyage, sous-traitante de la SNCF. Pendant longtemps, elles n’ont rien dit parce qu’« on ne savait même pas ce que c’était le harcèlement sexuel. On croyait que c’était plus grave, que c’était forcer à des relations sexuelles ». En 2012, elles sont quatre à parler. Les autres préfèrent se taire.
    « Les femmes de nettoyage, c’est toutes des putes »

    Comme l’explique un excellent article de Mediapart, dans cette entreprise de nettoyage « la hiérarchie est à la fois sexuelle et ethnique ». Aux hommes, le nettoyage des tablettes et l’aspirateur, aux femmes originaires du Maghreb les tâches plus ingrates et aux femmes originaires d’Afrique noire les boulots les plus ingrats parmi les plus ingrats. Ces femmes-là, bien qu’elles aient raconté à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) ce qu’elles enduraient, n’ont pas porté plainte.

    Au final, elles sont quatre à oser dénoncer les deux chefs d’équipe qui les harcèlent. Elles parlent à leur direction de ces hommes qui clament haut et fort que « les femmes de nettoyage, c’est toutes des putes ». La plus âgée a 59 ans. Elle craint qu’à son âge, on ne croit pas son histoire de harcèlement sexuel (les harceleurs ont 39 et 44 ans). Mais à plusieurs, elles sont plus fortes. Espèrent-elles… Sauf que la direction s’en fout. (Le directeur évoquera « des blagues un peu salaces ».) L’enquête interne ne donne rien. Les hommes mis en cause restent à leurs postes.
    Et comme ils sont délégués syndicaux Sud, elles se retrouvent dans une situation professionnelle où leurs patrons ne les écoutent pas et ceux qui devraient les aider sont précisément leurs harceleurs. Pire, quelques semaines plus tard, l’une d’entre elle est convoquée pour un entretien en vue d’une sanction disciplinaire. Dans les mois suivants, elles subiront des brimades, des signalements, des sanctions et même pour deux d’entre elles des licenciements. Elles portent plainte aux prud’hommes. En 2015, l’affaire passe devant le tribunal. Fait exceptionnel, le défenseur des droits mène une enquête approfondie, qui valide les témoignages des plaignantes et qui est remise aux juges.
    Aux origines du #metoo

    Le 10 novembre dernier, les juges ont rendu leur verdict. Les plaignantes ont gagné. (L’affaire n’est cependant pas terminée puisqu’elles ont également porté plainte au pénal pour harcèlement sexuel.) Mais même si elles ont gagné, ce n’est pas une belle histoire. C’est une histoire sordide, ce sont des années de galère au milieu de la galère du quotidien.

    C’est aussi un exemple des « metoo » qu’on n’entend pas. Vous saviez que le #metoo existait depuis dix ans ? Il a été lancé par Tarana Burke et il s’adressait avant tout aux jeunes femmes « de couleur ». À l’époque, on n’en pas entendu parler. C’est bien évident qu’il fallait que des stars –majoritairement blanches– s’en emparent pour que cela existe. On sait que le système fonctionne comme ça mais il est toujours utile de le rappeler.

    Et puis, il y a toutes ces femmes qui n’écriront jamais sur internet ce qu’elles vivent. Et qui, du coup, n’existent pas dans l’espace médiatique. Quand on est une femme, non-blanche, sans diplôme, mère célibataire, pauvre, qu’on se trouve tout en bas de la hiérarchie sociale, si bas qu’on nous voit à peine, si bas qu’on peut s’amuser à nous écraser un peu plus et qu’il faut encaisser.

    Je ne veux pas relativiser le mouvement actuel de libération de la parole des femmes. J’aimerais seulement qu’on n’oublie pas que ce mouvement ne concerne, pas encore, toutes les femmes. Parce que ces femmes sont invisibles. Littéralement. Ces employées et employés du nettoyage travaillent avec des horaires décalés pour précisément qu’on ne les voit pas. C’est quand il fait nuit qu’elles et ils viennent nettoyer les bureaux, les lieux publics.

    Le féminisme est une lutte pour l’égalité. Il se trahirait s’il oubliait des femmes et les laissait sur le côté. C’est pour ça qu’il faut aussi parler d’elles, donner de la lumière aux luttes comme celles qu’ont menées ces employées.

  • La « smart city » peine à séduire les Français
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/16/les-francais-ne-sont-pas-seduits-par-la-smart-city_5215555_3234.html

    Premier enseignement : la ville a une image globalement négative. « Les nuisances, le bruit, la pollution, la promiscuité, la fatigue, la cherté, l’emportent sur le versant positif, à savoir l’effervescence, la culture… », résume Philippe Moati, professeur agrégé d’économie et coprésident de L’Obsoco.

    Alors que plus des trois quarts des Français vivent en ville, les urbains rêvent majoritairement de changer d’air. L’aspiration à « déménager et aller vivre ailleurs » concerne 56 % des répondants dans Paris, 59 % dans les villes centres de seize autres métropoles, 55 % des habitants de communes appartenant à un grand pôle urbain…, mais seulement un tiers de ceux vivant en périphérie d’une petite commune et un quart des sondés résidant dans une commune isolée.

    #Ville #Smart_cities

    • hypothèse : on commence peut-être à en avoir marre de tous ces trucs qui nous espionnent

      smart = espion (traduction perso depuis 10 ans, jamais prise en défaut)

  • La ruée vers l’herbe aux Etats-Unis

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/17/la-ruee-vers-l-herbe-aux-etats-unis_5216162_3234.html

    Avec la légalisation de la consommation de marijuana à des fins thérapeutiques dans vingt-neuf Etats, la production de cannabis est devenue une industrie florissante. Reportage dans la plus grande usine de marijuana, située au Massachusetts.

    C’est un entrepôt coincé entre l’autoroute et la forêt, dans la banlieue de Boston. Sur la façade bleue, aucune enseigne ni logo ne révèle ce qui se cache derrière les portes : l’une des plus grandes fermes de marijuana de la Nouvelle-Angleterre.

    Le parfum des fleurs, mélange de réglisse et d’herbe coupée, accueille les visiteurs dès l’entrée, et les escortera dans les moindres recoins de cette « usine ». Sur près de 3 000 mètres carrés, une succession de serres éclairées par de puissants projecteurs abrite une petite fortune : environ 1 million de dollars (849 304 euros) entre les plants et les fleurs déjà récoltées.

    Le propriétaire, Sage Naturals, a investi plus de 10 millions de dollars pour reconvertir cet ancien entrepôt. « Cela m’a pris beaucoup de temps de lever les fonds nécessaires », raconte Michaël Dundas, qui, jusqu’en 2012, exerçait comme avocat à San Francisco, conseillant des start-up dans la téléphonie mobile.

    La compagnie a planté ses premières graines à Milford à l’été 2016. Cette petite ville du Massachusetts est l’emblème du « green rush » – la ruée vers l’herbe – qui conquiert peu à peu l’Amérique. Dans cet Etat, la consommation de marijuana à des fins thérapeutiques a été légalisée en 2012. Toujours illégale au regard de la loi fédérale, la consommation de marijuana a été ainsi autorisée dans vingt-neuf Etats du pays, le premier à avoir statué étant la Californie, en 1996.

    « Flower rooms »

    Devenu une véritable industrie, le cannabis a ses entrepreneurs, ses investisseurs, et même son salon, le MJBiz, organisé du 14 au 17 novembre à Las Vegas (Nevada). Ces pionniers du green business convoitent le marché nord-américain estimé à près de 7 milliards de dollars en 2016, et plus de 22 milliards à l’horizon 2021 selon ArcView, un cabinet de conseil.

    Dans l’une des « flower rooms », la récolte bat son plein. Posés sur des grilles à 40 cm du sol, des milliers des pots s’alignent en rangs serrés. Au plafond, des rangées de spots miment l’alternance du jour et de la nuit tandis qu’un système de climatisation sophistiqué régule la température et l’humidité.

    Casquette sur la tête et lunettes sur le nez, deux salariés coupent les branches avant de les suspendre à un cintre. Un plant donne entre 500 grammes et 1 kg de fleurs, et dans cet environnement parfaitement contrôlé, il est possible de réaliser plusieurs récoltes par an. « Nous cultivons entre 4 000 et 5 000 plants et produisons entre 400 et 500 livres de cannabis par mois [soit 180 à 220 kg] », indique Marc Vlachos, le responsable des cultures, recruté par Sage fin 2014 pour préparer les demandes d’autorisation.

    Chaque plant porte une étiquette avec un code-barres permettant une traçabilité tout au long de la chaîne, et le nom de la variété : Chocolope, Tangie, Grandaddy Purple ou encore Kushberry. Sage Naturals cultive une soixantaine de variétés de cannabis. Leur teneur en principes actifs – le THC et le CBD – diffère, et leurs propriétés supposées sont mises en avant pour séduire les patients. Les plants issus de croisements « maison » sont des secrets bien gardés. Une petite équipe de jardiniers veille sur la pépinière où les jeunes pousses grandissent, avant d’être replantées et placées dans les « flower rooms ».

    Soulager l’anxiété

    Une fois récoltés, les plants sont méticuleusement effeuillés et les fleurs mises à sécher. Dans les salles et les couloirs immaculés, des piles de seaux rouges et bleus abritent la précieuse récolte. Les grappes de bourgeons sont d’abord soigneusement détaillées. « Je travaille ici à mi-temps et le reste de la journée dans un salon de coiffure de la région. Quel que soit le lieu, je coupe ! », plaisante Karen Selznik, une employée de Sage Naturals.

    Son voisin, lui, est arrivé il y a un mois du Colorado, un des Etats pionniers dans le business de la marijuana, comme la Californie. « Cela fait dix ans que je travaille dans cette industrie, j’ai déménagé pour suivre son développement ici », explique Tommy Burgett, ses bras tatoués posés sur un bac de fleurs. De nombreux passionnés sont venus comme lui travailler à Milford, ou dans les deux dispensaires que Sage Naturals a ouverts près de Boston.

    Le premier a été inauguré en mars 2017 à Cambridge, à quelques minutes de la prestigieuse université Harvard. Situé en sous-sol, on y accède par un escalier discret, après avoir montré sa carte de patient. Sésame pour acheter de la marijuana, elle est délivrée par des médecins après une consultation médicale. Un peu plus de 41 000 patients ont ainsi été certifiés.

    Jason Sparrow, est l’un d’eux : ancien militaire, il a été grièvement blessé à la jambe gauche « Je viens de subir ma troisième opération. Le cannabis m’aide à supporter la douleur et m’a permis de réduire ma consommation de médicaments à base d’opiacés », explique-t-il. Vétéran de la guerre du Golfe, il a commencé à fumer du cannabis à son retour pour soulager l’anxiété liée à ce qu’il avait vécu pendant cette période. « Je devais m’approvisionner auprès des dealers dans la rue, mais je n’avais aucune idée de ce que j’achetais », ajoute Jason Sparrow qui estime dépenser 300 dollars par mois en marijuana.

    « Même atmosphère qu’à Amsterdam »

    Une centaine de patients viennent chaque jour s’approvisionner dans le dispensaire de Sage Naturals. Un menu leur est proposé avec différentes variétés de fleurs, mais aussi des huiles, des joints prêts à l’emploi, ou encore des brownies, tous fabriqués et emballés à Milford.

    « C’est très professionnel, on retrouve la même atmosphère qu’à Amsterdam », se félicite Lucas, qui préfère ne pas donner son nom de famille afin d’éviter des ennuis avec son employeur. Venu ici pour la première fois sur les conseils d’un ami, il consomme de la marijuana pour soigner une douleur au genou.

    Une autre cliente, Kristyna Gignac, fume pour diminuer son anxiété. « Ici, c’est un peu plus cher que dans la rue, mais les variétés sont meilleures. J’ai dépensé 400 dollars en une semaine car je voulais tout essayer ! », raconte-t-elle. Selon ArcView, les patients du Massachusetts devraient consacrer cette année 100 millions de dollars à leurs achats de marijuana et plus de 1 milliard de dollars dès 2020.

    Dans son cabinet situé dans un quartier chic de Boston, le docteur Robert Dye voit défiler toute sorte de patients, « de 20 à 90 ans ». « Ceux qui souffrent d’un cancer me sont adressés par les hôpitaux. Dans ces établissements, les médecins ne sont pas autorisés à délivrer des certificats car ils reçoivent des fonds fédéraux », souligne ce médecin old school, une gravure de chasse et son diplôme d’Harvard accrochés au-dessus de la tête.

    Bonne affaire pour les finances de l’Etat

    Depuis qu’il est autorisé à prescrire du cannabis, les patients se bousculent dans son cabinet. Une consultation supplémentaire a même été ajoutée le samedi. « Nous avons des publicités sur deux sites Internet spécialisés et nous venons juste de publier une annonce dans un journal local en espagnol », se félicite Jeannette Upil, son assistante. Un peu plus de 200 médecins ont été accrédités dans l’Etat.

    La marijuana est aussi une bonne affaire pour les finances du Massachusetts. Ce « green business » lui a déjà rapporté 7 millions de dollars en taxes et droits d’entrée, et la cagnotte ainsi constituée devrait atteindre 13 millions de dollars fin 2017. La légalisation de la marijuana à usage récréatif, votée en 2016, devrait doper ces revenus.

    Dans le Nevada, où c’est le cas depuis juillet, le gouvernement a empoché près de 3,7 millions de dollars en un seul mois et table sur un revenu annuel de 120 millions. En Californie, où la vente de la marijuana sera autorisée à partir du 1er janvier 2018, le gouvernement compte percevoir jusqu’à 1 milliard par an.

    Le Massachusetts pourrait ainsi empocher un peu plus de 180 millions de dollars, calcule Jeffrey Miron, professeur d’économie à l’université Harvard et auteur d’une étude publiée en 2010 sur l’impact budgétaire de la légalisation des drogues aux Etats-Unis. Selon ses estimations actualisées pour 2015, les Etats et le gouvernement fédéral pourraient collecter 21 milliards de dollars de taxes en légalisant la marijuana et économiser 17 milliards de dépenses liées à la prohibition.

    Le bénéfice pourrait être encore plus grand

    Outre la Californie, les grands gagnants seraient le Texas (avec une cagnotte évaluée à 738 millions de dollars), la Floride (545 millions) et l’Etat de New York (531 millions). « La marijuana peut être taxée jusqu’à 20 %-30 %. Au-delà, une partie des transactions bascule vers le marché noir », souligne l’universitaire.

    Selon lui, le bénéfice pourrait être encore plus grand si le commerce de la marijuana était purement et simplement dérégulé. « Toutes ces règles et autorisations sont inutiles. Personne ne se prononce sur le nombre de Starbucks dans la ville de Boston », plaide Jeffrey Miron, selon qui les dispensaires devraient être logés à la même enseigne que les autres commerces.

    De quoi faire s’étrangler Jeff Sessions, le ministre américain de la justice, qui déclarait en septembre : « Je n’ai jamais pensé qu’il était opportun de légaliser la marijuana. Il ne me paraît pas évident que le pays se porterait mieux, si on pouvait en acheter à tous les coins de rue. »

  • Le conseil des prud’hommes de Paris reconnaît des faits de harcèlement sexuel à la gare du Nord
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/10/le-conseil-des-prud-hommes-de-paris-reconnait-des-faits-de-harcelement-sexue

    Dans son jugement, le conseil des prud’hommes relève aussi que « les mesures prises pour protéger les quatre salariées concernées ont été totalement inexistantes et les mesures de prévention insuffisantes ». « L’employeur a pris le parti délibéré de ne leur accorder aucun crédit et de les sanctionner de façon systématique après la dénonciation des faits », rapporte encore le jugement. Ainsi, certaines mutations ou certains changements d’horaire imposés « ont eu pour effet de les maintenir ou de les remettre en contact avec ceux qu’elles dénonçaient » , peut-on lire dans le jugement.

  • Le grand bluff de la pénurie de beurre
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/06/le-grand-bluff-de-la-penurie-de-beurre_5210764_3234.html

    La tension est encore montée d’un cran dans le rayon beurre des supermarchés en France ces derniers jours. Le taux de rupture a atteint un niveau record de 48 % entre le 23 et le 30 octobre, selon les dernières données diffusées par le cabinet Nielsen. En clair, il manquait la moitié de l’offre dans les rayons. Contre 30 % la semaine précédente, alors que la situation était déjà qualifiée d’inédite.

    Le mot pénurie, largement médiatisé, pousse les consommateurs à faire des emplettes de précaution. Avec un effet boule de neige.
    […]

    « Il n’y a pas de pénurie de beurre, mais une communication mensongère des grandes surfaces », ont martelé de leur côté des agriculteurs mobilisés régionalement par les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) vendredi 3 novembre. Selon JA, « la grande distribution, confrontée à une hausse du prix du beurre, refuse de s’approvisionner », ce qui conduit à une « prise en otage des consommateurs ». Pour Benoît Rouyer, économiste au Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL), « il y a eu une opération de théâtralisation orchestrée par la grande distribution ».

    Bon, cette fois-ci les _Français #thésaurisateurs_de_beurre ne sont plus qu’un facteur aggravant.

  • Le recours à l’automatisation menace les emplois des informaticiens indiens

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/04/le-recours-a-l-automatisation-menace-les-emplois-des-informaticiens-indiens_

    A Bangalore, les informaticiens déchantent. Le secteur informatique en Inde a perdu de son lustre et voit la croissance de ses exportations diminuer.

    Il y a encore quelques mois, Sanjay (un nom d’emprunt), 43 ans, était un ingénieur fier de son parcours chez Capgemini, l’entreprise française de services informatiques, dont près de la moitié des employés travaillent en Inde. Originaire d’une petite ville du sud de l’Inde, il s’était acheté une maison à Bangalore, la capitale indienne de l’informatique, avait inscrit ses enfants dans une école privée et voyageait régulièrement à l’étranger pour des missions de quelques mois. Jusqu’au jour où les responsables des ressources humaines l’ont convoqué pour un entretien. « Ils m’ont demandé de démissionner contre le versement de trois mois de salaires, explique Sanjay, et, si je refusais, ils menaçaient de me licencier en écrivant sur mes lettres de “décharge” que j’étais incompétent. »

    Ces lettres d’appréciations, comparables aux livrets d’ouvriers en vogue au XIXe siècle, sont données à chaque employé indien pour qu’il les fasse lire à de potentiels recruteurs. Quelques mois auparavant, Sanjay avait reçu une mauvaise note lors de l’entretien d’évaluation. « Mon manageur m’a dit que j’avais fait du bon travail, mais que la politique de l’entreprise l’obligeait à me donner une mauvaise appréciation. Il avait en fait un quota d’employés à licencier dans son équipe. »

    Sanjay a ensuite été « mis sur le banc » pendant cinq mois, l’expression qui désigne la période pendant laquelle les ingénieurs sont entre deux missions. Ils n’ont alors accès à aucun ordinateur, n’ont plus de poste de travail et doivent passer leurs journées à la cantine, parfois dans la salle d’accueil.

    Mis à l’écart, poussés à la démission

    Les plus chanceux suivent de courtes formations. D’autres employés indiens de Capgemini contactés par Le Monde témoignent des mêmes pratiques : leurs compétences professionnelles sont dépréciées, ils sont ensuite mis à l’écart et, enfin, poussés à la démission. Une employée a pu enregistrer ses échanges tendus avec deux responsables des ressources humaines de Capgemini.

    Un enregistrement audio auquel a eu accès Le Monde. « Savez-vous pourquoi vous avez été convoquée ? », lui demandent ses deux interlocuteurs. « Oui, vous allez me dire qu’il n’y a plus d’opportunités pour moi dans l’entreprise et que je dois démissionner », répond l’employée, avec huit ans d’expérience dans l’entreprise.

    L’une des responsables des ressources humaines acquiesce. L’employée tente alors de sauver son cas, expliquant qu’elle est prête à prendre n’importe quel poste ailleurs en Inde, puis les supplie de lui laisser deux mois supplémentaires avant de démissionner. « Avez-vous clairement indiqué que vous étiez prête à prendre une mission n’importe où en Inde ? En êtes-vous certaine ? Je vous le répète pour la troisième fois : êtes-vous certaine ? Et si ce n’est pas le cas ? », lui demande l’un des responsables, avant que sa collègue n’embraye : « Alors, si c’est le cas, cela nous facilite la tâche. Nous sommes dans une situation où Capgemini ne se porte pas bien du côté du banc. Nous avons beaucoup trop d’employés sur le banc. »

    « L’industrie indienne devrait être en panique »

    Contactée par Le Monde, l’entreprise française reconnaît que « l’évaluation des compétences des collaborateurs (…) conduit, chaque année, un nombre variable d’employés à quitter l’organisation ». Sur l’année 2017, Capgemini a prévu le recrutement en Inde de 20 000 employés, soit le cinquième de ses effectifs dans le pays… et le départ de 11 000 autres.

    Capgemini est loin d’être la seule entreprise accusée, en Inde, de pousser ses employés à la démission, pour éviter les procédures longues et coûteuses de licenciements. Entre avril et septembre, les effectifs de Cognizant, Infosys, Wipro and Tech Mahindra ont été réduits. Le secteur informatique indien a perdu de son lustre. L’industrie, qui pèse environ 150 milliards de dollars (129 milliards d’euros), soit 0,7 % du produit intérieur brut de la péninsule, voit la croissance de ses exportations diminuer. Celle-ci est passée de 13,8 %, lors de l’année fiscale 2013-2014 (close fin mars), à 10,3 % en 2015-2016, et devrait se situer entre 7 % et 8 % pour 2017-2018.

    La stratégie de réduction des coûts atteint ses limites. « L’industrie indienne devrait être en panique, et à juste titre, puisqu’elle n’a pas tenu le rythme de l’innovation », a expliqué l’ancien patron du cabinet de conseil McKinsey, Rajat Gupta, à New York en mai.

    Elle est désormais menacée par l’automatisation de certaines tâches les moins qualifiées, comme la gestion d’infrastructures ou le développement d’applications, et par la nouvelle politique de restriction des visas accordés aux ingénieurs indiens, décidée par Donald Trump, alors que le marché américain constitue un débouché important. « Les ingénieurs indiens ont préféré devenir des manageurs, diriger des équipes, plutôt que d’acquérir des compétences dans les nouvelles technologies », souligne un analyste qui tient à rester anonyme. Les gagnants de la mondialisation sont en train de devenir les perdants de l’automatisation des tâches informatiques. L’industrie, qui a si longtemps dépendu de la sous-traitance à bas coût, doit changer de modèle. « Entre 60 % et 65 % des ingénieurs informatiques ne peuvent pas être formés à nouveau, a toutefois prévenu Srinivas Kandula, le directeur de Capgemini en Inde, lors d’une conférence en février. Le chômage va toucher en majorité les ingénieurs des échelons intermédiaires ou supérieurs. » En Inde, les entreprises informatiques se séparent de leurs seniors peu qualifiés pour recruter des jeunes diplômés spécialisés dans des domaines comme l’Internet des objets ou l’intelligence artificielle.

    « Nous ne connaissions rien au droit du travail »

    Pour la première fois, des articles de journaux donnent des conseils en matière de licenciement. « Respectez ceux qui quittent l’entreprise. Montrez-leur la même considération que lorsque vous les avez intégrés » ou « échelonnez le départ des salariés dont les enfants passent des examens ou qui doivent s’occuper de parents malades », préconisait le magazine Business Standard à ses lecteurs, en septembre.

    Les ingénieurs indiens commencent à mieux comprendre ce qui est arrivé à leurs collègues européens ou américains il y a deux décennies, lorsque leurs entreprises ont commencé à sous-traiter leurs tâches informatiques en Inde.

    Le premier syndicat d’ingénieurs de la péninsule, le Forum for IT Employees (FITE), est sur le point d’être enregistré, ce qui était impensable il y a encore quelques années. « Nous avons pris conscience que nous ne connaissions rien au droit du travail. Nous avons vu les premiers employés partir sans trop nous poser de question jusqu’au premier plan social de 2014 chez Tata Consultancy Services, explique, dans un café de Bangalore, Raghu (un nom d’emprunt), l’un des responsables du FITE. Ce plan social a été un choc, car nous pensions que notre métier était garanti à vie, un peu comme dans la fonction publique. »

    « Les employés sont isolés »

    Ceux qui demandent de l’aide au FITE sont en majorité des cadres de plus de 40 ans, qui peinent à retrouver du travail. « Dans une entreprise informatique, les employés sont isolés. Ils ne connaissent pas leur voisin de bureau, travaillent chez les clients ou dans des équipes qui disparaissent au bout de quelques mois », témoigne Raghu. FITE travaille essentiellement sur les réseaux sociaux pour se faire connaître. Il est suivi par près de 20 000 internautes sur Facebook, et compte un millier de membres. Une goutte d’eau sur les 4 millions de salariés que compte le secteur.

    Les fondateurs du FITE ont découvert un vide juridique en matière de droit du travail. Les ingénieurs informatiques doivent utiliser une vieille loi encadrant le travail dans les usines et prouver qu’ils sont des exécutants, comme des ouvriers, pour défendre leurs droits. « Les industries informatiques se sont développées en bénéficiant d’avantages fiscaux, de terrains gratuits, les autorités n’ont pensé qu’à leur développement sans penser aux droits des informaticiens », affirme Raghu avec amertume.

    Pour les centaines de milliers d’ingénieurs indiens arrivés sur le marché du travail dans les années 2000, leur licenciement est vécu comme un déclassement social. « Toutes nos vies se sont construites autour de nos salaires, explique Vinod A.J., membre du FITE, et quand vous tombez au chômage, votre vie s’effondre, car tout se paie en Inde, de l’éducation à la santé. »

    Après sa démission forcée, Sanjay s’est payé une formation pour retrouver un emploi, en vain. « Si Bangalore est devenue si riche, c’est grâce à nous, et pourtant, le gouvernement nous oublie », se lamente Sanjay. L’ancien employé de Capgemini lit des ouvrages de développement personnel pour garder confiance en lui. Dans quelques mois, s’il est toujours au chômage, il repartira dans son village se lancer dans l’agriculture biologique ou – peut-être – ouvrir une concession automobile.

  • Le trafic du RER A reprend, après trois jours d’interruption
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/02/interrompu-depuis-lundi-le-trafic-reprend-sur-le-rer-a_5208958_3234.html

    La ligne de transport ferroviaire la plus fréquentée d’Europe avait été coupée, entre la Défense et Auber, en raison d’une [malencontreuse] infiltration d’eau boueuse dans un tunnel

    Le Monde ne veut se fâcher avec personne, semble-t-il.

    Les équipes de la RATP, de la SNCF (qui est maître d’ouvrage des travaux en cause) et surtout du Groupement Eole (Bouygues travaux publics, Eiffage et Razel-Bec), chargé du chantier, ont travaillé d’arrache-pied plus de soixante heures d’affilée pour stopper l’écoulement, dégager 25 tonnes de boue sableuse, pomper l’eau (un volume supérieur à celui d’une piscine olympique), réparer les dégâts et s’assurer de la sécurité de l’ensemble avant d’autoriser à nouveau la circulation des rames.

    On apprend tout à fait incidemment que les vaillants héros qui pompent sont les mêmes que ceux qui sont à l’origine de « l’écoulement »…

  • Voitures connectées : à qui appartiennent les données ?
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/25/voitures-connectees-a-qui-appartiennent-les-donnees_5205679_3234.html

    Les industriels et les autres acteurs, assureurs en tête, se disputent la manne du big data produit par les automobiles, devenues de vrais smartphones roulants.

    A qui appartiennent les données générées par une voiture ? La question est cruciale, à l’heure où une automobile d’aujourd’hui – véritable smartphone roulant – produit en moyenne 1 milliard d’octets par jour, mille fois plus qu’il y a simplement deux ans. Et 30 000 fois moins qu’un véhicule du futur surconnecté et autonome. Cette manne du big data – le pétrole du XXIe siècle – est l’objet d’une lutte sourde entre les industriels et d’autres acteurs, en particulier les assureurs.

    Le 19 octobre, une conférence de presse discrète s’est déroulée à Paris. Les représentants de la filière – constructeurs, équipementiers, garagistes – annonçaient leur adhésion au « pack de conformité », une sorte de Yalta des données automobiles négocié avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

    La démarche s’inscrit dans la perspective de l’application, le 25 mai 2018, du nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles, qui élargit le droit des personnes en matière de données. Pour mettre en place ce pack de conformité automobile, la CNIL a mené une concertation avec les acteurs de la filière mais aussi, chose inédite, avec des fournisseurs de service et de technologie connexes. Et en particulier les sociétés d’assurance.

    Une question, déterminer si les informations générées par une voiture constituent des données machine ou des données personnelles, a suscité de vifs débats entre les constructeurs, soucieux de ne pas disséminer « leur » data, et les assureurs, chauds partisans de l’ouverture.

    La CNIL a dû sensibiliser les industriels au fait que la définition des données personnelles est très large. Elle s’étend en effet bien au-delà des éléments de l’identité d’une personne. Les données de déplacement mais aussi de consommation ou d’usure des pièces sont considérées comme personnelles dès lors qu’il est possible de les relier à quelqu’un.

    Les constructeurs, qui avaient commencé ces discussions avec la CNIL afin de se protéger des géants du Web (Google, Apple, etc.) ont découvert un droit de la donnée qui ne les avantage pas. D’autant plus que la nouvelle réglementation européenne prévoit dans son article 20 qu’un individu a le droit de transmettre les données le concernant à un autre prestataire de service.

    Ce « droit à la portabilité » fait le bonheur des assureurs qui voient là l’occasion de prospecter de nouveaux clients et d’offrir des prestations sur mesure aux conducteurs. De leur côté, les industriels font bonne figure. « Il est hors de question d’aller à l’encontre des demandes et des droits de nos clients », affirment en substance les professionnels de l’automobile.

  • Les laboratoires pharmaceutiques face aux dérapages des chercheurs
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/28/recherche-medicale-petits-arrangements-avec-la-verite_5207176_3234.html

    Très #étrange article, quand on connait, pour utiliser un euphémisme, la roublardise des laboratoires pharmaceutiques,

    Révélé au début du mois d’octobre par le site américain Retraction Watch, le cas de l’acalabrutinib est emblématique. Développé par la biotech californienne Acerta, cet anticancéreux semble promis à un bel avenir : en août 2017, la Food and Drug Administration (#FDA), l’agence de santé américaine, lui a délivré le très convoité statut de « breakthrough therapy » (thérapie révolutionnaire), qui permet d’accélérer le lancement d’un nouveau médicament. Le laboratoire britannique AstraZeneca n’a pu que s’en féliciter : en février 2016, il avait acquis 55 % du capital d’Acerta pour 2,5 milliards de dollars (2,15 milliards d’euros), avec un versement complémentaire de 1,5 milliard de dollars lors de la commercialisation du médicament.

    Mais l’histoire a bien failli tourner au cauchemar car, en août 2016, la firme s’était aperçue que certaines données relatives aux expérimentations chez la souris avaient été falsifiées. A la suite d’une enquête interne, un chercheur malhonnête avait été démasqué. Les publications – dans des revues de renom – furent retirées ou corrigées. Et AstraZeneca assure que ce « fait isolé » ne remet pas en cause le...

    Et comment donc travaille la #FDA ?

    #pharma #paywall

  • Au cœur du chantier le plus risqué d’EDF

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/24/au-c-ur-du-chantier-le-plus-risque-d-edf_5205034_3234.html

    La construction de la centrale nucléaire de type EPR à Hinkley, à l’ouest de l’Angleterre, mobilise deux mille ouvriers 20 heures par jour, 7 jours sur 7. Un projet crucial pour l’électricien français sur les plans économique et stratégique.

    Cette fois, après des années d’hésitation et d’annulation au dernier moment, le chantier a vraiment démarré. Sept jours sur sept, vingt heures par jour – de 6 h 30 du matin à 2 h 30 le lendemain – les ouvriers s’activent. Depuis un an, ils ont commencé les travaux d’une centrale nucléaire de type EPR à Hinkley, dans le Somerset, à l’ouest de l’Angleterre : deux réacteurs pour un total de 3 200 mégawatts, soit 7 % de la consommation d’électricité britannique. EDF, son constructeur et futur opérateur, y joue une large partie de son avenir.

    Pour un chantier qui doit durer au moins huit ans, ce rythme effréné est hautement inhabituel, mais il n’y a plus une minute à perdre, pour que le calendrier soit respecté. « C’est le principal enjeu : tenir les délais que le conseil d’administration d’EDF juge acceptable », reconnaît dans un français impeccable Steven Heard, l’un des responsables du chantier.

    Objectif : mise en service de la première tranche en 2025, et la seconde l’année suivante. Mais déjà, EDF a annoncé en juin qu’un retard de quinze mois était possible. « Ce ne sera jamais terminé en 2025, plutôt en 2027 », témoigne un très bon connaisseur de ce projet nucléaire. Quant au budget, il doit être de 19,6 milliards de livres (22 milliards d’euros), un dépassement de 1,5 milliard de livres par rapport à l’annonce de septembre 2016, lors du lancement du chantier.

    Course contre la montre

    Pour éviter les coûts pharaoniques, le travail de nuit se limite à « l’îlot nucléaire », là où se trouvera le réacteur. Un disque de béton de 45 mètres de diamètre y a déjà été coulé. Plusieurs millions de mètres cubes de terre ont été creusés, et à perte de vue se trouvent pelleteuses, grues et énormes camions de cent tonnes. Le premier béton du réacteur sera coulé en mai 2019.

    Les va-et-vient des deux mille ouvriers présents sur place marquent le début d’une course contre la montre. Mais quels que soient les défis à relever, Nigel Cann est déjà soulagé de voir le chantier en cours. Voilà sept ans que ce haut cadre d’EDF au Royaume-Uni travaille au projet. A deux reprises, la main-d’œuvre sur place avait commencé à être embauchée. « En 2014, on était prêt à y aller une première fois. Ensuite, en 2015, il y avait huit cents ouvriers sur place », rappelle-t-il.

    Mais, à chaque fois, il a dû licencier, et ronger son frein : le bouclage du financement du monstre nucléaire avait été repoussé. Un processus qui a ressemblé à « de véritables montagnes russes », témoigne M. Cann, son gilet jaune fluorescent de rigueur sur le dos, jetant un regard vers l’immense chantier de 142 hectares.

    Même Steven Lovegrove, l’ancien premier secrétaire du ministère de l’énergie britannique, qui a négocié le contrat avec EDF et continue à soutenir le projet, reconnaît : « ça a été très très long et très très compliqué, sans compter toutes les questions politiques françaises que cela a générées… »

    Vives critiques

    La construction d’Hinkley a réussi à provoquer des critiques très vives des deux côtés de la Manche. Côté français, EDF associé à son partenaire chinois le China General Nuclear Power Group, qui finance un tiers d’Hinkley, prend tous les risques de construction. En cas de retard, ou de dépassement des coûts, l’Etat britannique ne mettra pas un centime. Or le chantier est à très hauts risques. Aucun EPR au monde n’est en service, et les chantiers en cours multiplient les retards : dix ans à Olkiluoto, en Finlande, six ans à Flamanville, en France.

    Quant au coût, il devait tourner autour de 12 milliards de livres quand EDF en a parlé pour la première fois en 2008. Désormais, la facture a presque doublé. Dans ces conditions, la décision d’investir a valu une violente crise interne à l’électricien français. Le directeur financier a claqué la porte, de façon spectaculaire. La note de crédit du groupe a été abaissée par les agences de notation et le groupe a dû lancer un vaste plan d’économies, de ventes d’actifs et une augmentation de capital.

    Mais le projet fait tout autant protester côté britannique. EDF a décroché un contrat hors norme auprès de Downing Street : pendant trente-cinq ans, l’Etat britannique garantit le prix de l’électricité produite à Hinkley à un niveau qui fait grincer des dents, 92,50 livres par mégawatts-heure, plus du double du prix de l’électricité actuel. « On pense que la construction de nouvelles centrales nucléaires au Royaume-Uni est une bonne idée, mais pas à ce prix-là », tacle Dan Lewis, du groupe patronal Institute of Directors. Selon les calculs officiels de Londres, les Britanniques vont verser 30 milliards de livres à EDF sur l’ensemble des trente-cinq ans du contrat.

    Vincent de Rivaz, le patron d’EDF au Royaume-Uni depuis seize ans, qui quitte le groupe à la fin du mois après avoir porté le projet depuis le début, reconnaît que le succès du chantier est crucial pour la compagnie d’électricité française. « C’est un projet essentiel pour EDF, pour le Royaume-Uni, pour la filière nucléaire française, pour notre partenariat avec CGN. L’enjeu est majeur. On le sait depuis le début. Si ce n’était pas le cas, on n’aurait pas surmonté toutes les difficultés [à son lancement]. »

    Du béton de mauvaise qualité

    Le projet n’a été possible que parce que les intérêts stratégiques de chacun s’alignaient. Le Royaume-Uni a besoin de remplacer ses centrales nucléaires vieillissantes. Le développement des énergies renouvelables est en cours, en particulier l’éolien en mer, mais leur production est intermittente : il faut une technologie de remplacement quand le vent ne souffle pas. Pour la France, l’avenir de la filière nucléaire a besoin de succès à l’exportation. Pour la Chine, l’aide financière décisive qu’elle apporte lui permet de mettre un pied dans le marché nucléaire européen : CGN envisage de construire au moins deux centrales de sa propre technologie sur l’un des autres terrains d’EDF.

    Dans ces conditions, le chantier d’Hinkley est surveillé comme le lait sur le feu. Début octobre, le conseil d’administration d’EDF au grand complet a fait le déplacement, pour inspecter les lieux. Chaque trimestre, le gouvernement britannique exige un rapport détaillé de l’évolution des travaux. Et sur place, l’obsession est de ne pas perdre un instant.

    Le mois dernier, 150 mètres cubes de béton se sont révélés de mauvaise qualité. Il a fallu recommencer le travail. C’est un détail, par rapport aux 60 000 mètres cubes déjà utilisés, mais c’est deux jours de perdu, qui ajoutent aux inquiétudes.

    A l’arrière du chantier, Jean-Baptiste Pomarède, qui a travaillé sur le chantier d’Olkiluoto, l’EPR finlandais, montre avec enthousiasme des maquettes grandeur nature – plusieurs mètres de haut, une dizaine de mètres de long : il s’agit d’épais tunnels en béton, où passera le câblage de la centrale. Il est inhabituel de réaliser de tels essais, qui représentent des frais importants, reconnaît-il, mais il était essentiel de maîtriser jusqu’au moindre détail leur fabrication sur place, pour n’avoir aucun retard au moment de leur pose.

    Une jetée temporaire

    En fabriquant la première maquette, les ingénieurs se sont d’ailleurs rendu compte que des barres d’acier n’arrivaient pas toujours exactement au millimètre près au bon emplacement. « Pour éviter le problème, on a développé un système de visionnage en 3D que les ouvriers peuvent utiliser au niveau de la construction, alors que, à Olkiluoto, on n’avait que des plans en 2D », explique-t-il.

    La dimension extrême du chantier suffit à expliquer une partie des difficultés. Comme beaucoup de centrales nucléaires, Hinkley est au bord de la mer, l’eau étant utilisée pour le circuit de refroidissement. L’endroit est donc isolé dans le Somerset, et Cannington, le petit village voisin, n’a pas la capacité de recevoir les milliers d’ouvriers nécessaires (ils seront jusqu’à 5 000). Il faut donc construire des logements : 500 préfabriqués seront bientôt sur le chantier, et un « campus » de 1 100 lits se situera à proximité. Interdiction de venir en voiture au travail, les petites routes locales ne le permettraient pas : EDF a mis en place un système de transports en commun, avec une flotte de 93 bus.

    Pas question non plus pour la municipalité d’accepter de voir passer des milliers de camions : la limite est fixée à 375 par jour. Pour faire venir les millions de tonnes de matériaux nécessaires, EDF n’a donc pas d’autre solution que de tout faire arriver par bateau. Cela nécessite la construction d’une jetée temporaire qui s’étirera sur un demi-kilomètre dans la mer. Une telle contrainte augmente fortement les coûts, mais c’était une condition sine qua non à l’obtention du permis de construire.

    EDF assure avoir tiré toutes les leçons des EPR en Finlande, en France et en Chine, dont les premiers doivent être mis en service l’année prochaine. Si le calendrier et le coût du chantier sont maîtrisés, l’espoir est même qu’Hinkley devienne une tête de pont, avec deux autres réacteurs qui pourraient être construits à Sizewell, dans l’est de l’Angleterre. Mais personne ne se fait d’illusion, il faudra baisser les coûts : « Le moment venu, Sizewell devra coûter moins cher ou ne se fera pas, reconnaît Vincent de Rivaz. Le chantier ne pourra pas peser sur le bilan d’EDF comme celui d’Hinkley. » L’évolution des travaux sur place dans les années à venir permettra de trancher. Le travail de nuit n’est pas près de s’arrêter.

  • Dieselgate : Fiat Chrysler soupçonné d’avoir fait obstacle à l’enquête française
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/23/dieselgate-fiat-chrysler-soupconne-d-avoir-fait-obstacle-a-l-enquete-francai

    Un nouveau chapitre s’ouvre dans l’interminable affaire du dieselgate qui égrène ses épisodes depuis l’éclatement du scandale Volkswagen en septembre 2015. Selon les informations du Monde, le constructeur italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA) est visé par une enquête judiciaire non seulement pour tromperie, mais aussi pour avoir fait obstacle aux enquêtes des autorités françaises, ce qui peut aggraver son cas.

    Il s’agit d’une première pour un grand constructeur automobile en France, les autres industriels visés par des investigations ayant coopéré de manière satisfaisante avec les représentants de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) chargés des enquêtes. Ce fait se produit dans le cadre du vaste scandale qui a fait découvrir à l’opinion publique mondiale que Volkswagen et de nombreux autres constructeurs avaient réglé leurs moteurs diesel de façon potentiellement frauduleuse, pour qu’ils paraissent moins polluants lors de la phase d’homologation que sur route en conduite réelle.
    […]

    Le courrier précise également que les véhicules des quatre marques incriminées sont « équipés de moteurs diesel de génération euro 6, notamment de type Multijet II (1,6 litre et 2 litres), posés notamment sur les véhicules Fiat 500X. » Ils sont également dotés « de moteurs euro 5 de type 1,3 litre, posés notamment sur les véhicules Fiat Doplo ainsi que de moteurs euro 5 de type 2 litres, posés notamment sur les véhicules Jeep Cherokee. » On le voit, les dernières générations de moteurs sont touchés, y compris les euro 6, les plus récents et censés être les moins polluants, mais aussi quelques-uns des modèles les plus vendus de FCA : la Fiat 500X et la Jeep Cherokee. Contacté, le constructeur n’a pas souhaité commenter ces informations.

    Si FCA est l’unique constructeur à se voir mis en cause pour des faits d’obstacle à enquête officielle, il n’était pas le seul à être visé par une information judiciaire pour « tromperie aggravée. » Les constructeurs français Renault et PSA sont eux aussi soupçonnés de « stratégie frauduleuse » dans leurs calibrations moteur. Volkswagen, seule entreprise à avoir avoué la réalité de la tricherie, a été placé sous le statut de témoin assisté en mai. A ce jour, deux marques ont été exonérées par les autorités françaises de soupçons de tromperie sur les émissions de leurs véhicules diesel : Opel (qui est propriété de PSA depuis septembre) et Mercedes, comme le révélait Le Monde en juillet.

  • La France frappée par une pénurie de beurre
    http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2017/10/19/la-france-frappee-par-une-penurie-de-beurre_5203434_1656968.html

    Les professionnels le prédisaient depuis le printemps dernier, et ça y est, la pénurie de beurre est arrivée. « Il y a une pénurie de beurre depuis un bon mois », affirme la responsable de caisse de l’Intermarché de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), signalant que les produits de marque de distributeurs sont indisponibles et que seuls sont disponibles les produits les plus chers.

    La hausse de la demande dans les pays développés comme dans les pays en développement est responsable de cette pénurie. A cela s’ajoute le retour en grâce de la matière grasse animale, après trente ans de dédain de la part des nutritionnistes, mais aussi un goût prononcé pour les viennoiseries françaises au beurre, notamment en Chine.

    Encore un coup des Chinois !
    Mais vu par la distribution qui a su s’approprier la marge quelle qu’elle soit, tout va bien, enfin, peut-être des #problèmes_ponctuels.
    (chez moi - Paris XIV - ça fait une bonne semaine qu’il n’y a plus de demi-livres en rayon)

    En conséquence, les prix ont explosé : payé 2 500 euros la tonne en avril 2016, les cours du beurre ont atteint 7 000 euros la tonne l’été dernier. La hausse a touché de plein fouet l’industrie agroalimentaire, qui a vu ses coûts exploser mais n’a pas pu pour autant les transférer dans la grande distribution, qui fixe les prix annuellement.
    Il n’y a que des « pénuries ponctuelles, souvent liées à des problèmes de logistique, et à la population des gens un peu affolés qui en achètent plus que d’habitude », assure Hugues Beyler, directeur agriculture de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).

    Et kicéki trinquent ? Surprise ! les producteurs !

    Les producteurs laitiers français, eux, ne bénéficient que très peu de cette envolée des tarifs du beurre, qui ne contribue pas à une hausse significative des prix du lait. Pire, en augmentant le volume de lait produit pour fabriquer plus de beurre avec la matière grasse, il risque de leur rester sur les bras une grande quantité de poudre de lait, déjà en surproduction dans l’Union européenne.

    • J’ai lu ailleurs que le fait de choisir des vaches tellement productives en lait qu’elles ne peuvent plus marcher à cause du poids de leurs mamelles a aussi appauvri la teneur en nutriments du lait produit et plus particulièrement en matière grasse.
      Plus de volume = plus de flotte, en gros. Donc, faut boire nettement plus de lait pour recevoir autant de nutriments qu’avant (et on ne parle que de lait entier, hein !).
      Et pour extraire du beurre, forcément…

    • La pénurie de beurre « ne va pas durer », assure le ministre de l’agriculture
      http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/24/la-penurie-de-beurre-ne-va-pas-durer-assure-le-ministre-de-l-agriculture_520

      La pénurie de beurre qui a récemment démarré en France « ne va pas durer », a assuré mardi 24 octobre Stéphane Travert, le ministre de l’agriculture. « Nous avons affaire à deux facteurs : une baisse de la lactation des vaches et une baisse de la collecte sur la période de l’été, conjuguée à une demande très forte des pays étrangers qui a fait monter les prix », a expliqué le ministre, invité sur Sud Radio.

      « Nous allons revenir sur une collecte plus importante, donc je pense que les choses vont revenir progressivement dans l’ordre, a-t-il dit. Nous avons une production laitière très importante qui va remonter puisque nous entrons dans la période automnale et hivernale. »

      « Ce que nous pouvons faire, ici, c’est saisir le médiateur des relations commerciales pour que les distributeurs et les transformateurs s’entendent », a-t-il déclaré. « Il y a urgence », a reconnu le ministre de l’agriculture, qui s’est néanmoins refusé à donner une date pour un retour à la normale.

      La hausse de la demande dans les pays développés comme dans les pays en développement est la principale cause de cette pénurie. A cela s’ajoute le retour en grâce de la matière grasse animale, après trente ans de dédain de la part des nutritionnistes, mais aussi un goût prononcé pour les viennoiseries françaises au beurre, notamment en Chine.

      Face à cette explosion de la demande, la production laitière a baissé en Nouvelle-Zélande, plus gros exportateur mondial de lait, ainsi qu’en Europe, où la fin des quotas laitiers il y a deux ans avait provoqué une surproduction et donc une chute des cours poussant les éleveurs à réduire leurs tonnages.

      En conséquence, les prix ont explosé : payé 2 500 euros la tonne en avril 2016, les cours du beurre ont atteint 7 000 euros la tonne l’été dernier. La hausse a touché de plein fouet l’industrie agroalimentaire, qui a vu ses coûts exploser mais n’a pas pu pour autant les transférer dans la grande distribution, qui fixe les prix annuellement.

    • Vu de la tête de gondole : le gérant de la moyenne surface à côté de chez moi dit que la pénurie va durer jusqu’en février 2018. Il a quelques arrivages, mais les distille tout au long de la journée en mettant 10 ou 12 plaquettes à chaque fois.

      La grande surface, un peu plus loin, ne s’embête pas et place la totalité du carton… qui disparait donc en 10 minutes et laisse un grand vide pour le reste de la journée.

    • Ah ben, voilà !

      Pourquoi la France ne connaît pas vraiment une « pénurie » de beurre
      http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/25/pourquoi-la-france-ne-connait-pas-une-penurie-de-beurre_5205775_3234.html

      Le pays est le seul à voir ses étals se vider. En cause : un bras de fer entre distributeurs et industriels, qui préfèrent vendre la production à l’étranger, à meilleur prix.

      A en croire les étals de supermarchés, la pénurie de beurre va croissant. On ne compte plus les photos circulant sur les réseaux sociaux montrant des étagères réfrigérées vides de leurs précieuses plaquettes. Même les médias étrangers se mettent à relayer cette « disette » qui mettrait en danger la gastronomie française, et menacerait les piliers du petit déjeuner. Mais pourquoi ce phénomène ne touche-t-il que la France ?
      […]
      Car à la hausse des tarifs s’ajoute un conflit entre fournisseurs et distributeurs. Chaque année, en février, la grande distribution s’entend avec ses fournisseurs de beurre sur un prix d’achat. Cette fixation du tarif consenti aux producteurs par les centrales d’achat est établie de façon annuelle. Or, depuis l’accord de février 2017, le cours du beurre s’est envolé, mais les prix sont restés sensiblement les mêmes, avec une augmentation moyenne constatée de seulement 5 % en un an dans les supermarchés.

      Dès lors, le marché national est devenu moins rémunérateur pour les industriels français. « On observe un choix des fournisseurs de se détourner vers d’autres produits plus rémunérateurs comme le fromage, ou d’autres marchés qui ont répercuté cette hausse du prix du beurre », note Adrien Pierre [
      analyste marchés laitiers au cabinet de conseil Agritel].

      A titre de comparaison, les supermarchés allemands, dont le fonctionnement avec les fournisseurs est davantage calqué sur les soubresauts du marché, ont augmenté leurs tarifs de 72 %, selon le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière. C’est ainsi que, si les étals se vident en France, les exportations de beurre français ont augmenté durant l’été.

      Résultat, l’approvisionnement des supermarchés en pâtit. Et un sentiment de panique gagne les Français, champions du monde de la consommation de beurre, avec une moyenne de 8,3 kilos par an. « Il suffit qu’un consommateur achète deux plaquettes de beurre au lieu d’une par souci de faire des réserves, et le marché est déstabilisé », analyse Jean-Marie Séronie [agroéconomiste].

      on résume :
      – comme le producteur ne peut pas augmenter son prix de vente en France, il vend ailleurs,
      – mais, évidemment, ça reste la faute du consommateur s’il y a des pénuries


      Le Sucre, 1978, inspiré des pénuries de 1974