Personnes prostituées : ce qu’elles disent des clients

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    Cette anesthésie au fond de soi, cette léthargie souvent décrites sont l’autre versant, réel, de ce que les clients semblent prendre pour le fait d’"aimer ça". Les personnes prostituées seraient, semblent croire un certain nombre d’entre eux, forcément conquises par les manifestations de leur virilité. Ce pathétique désir se heurte à une réalité brutale. Suzanne revient sur le souvenir du premier client, un événement souvent vécu comme un viol pur et simple et qui ouvre la voie à l’indifférence ultérieure : « Après, je suis allée prendre une douche. Une heure ; je suis restée une heure entière à essayer de me décrasser. J’étais en larmes. Ma copine m’avait dit : ’Tu verras, c’est le premier qui coûte’. » Inès, renvoyée de l’école à 16 ans et qui ne supporte pas de voir sa mère, divorcée et devant élever seule cinq enfants, « ramer à l’usine », serre les dents au moment de passer à l’acte : « Avec le premier client, je suis descendue de la voiture en courant. Impossible. Les autres filles m’ont dit de boire, que ça m’aiderait. C’était vrai. Pour pouvoir y aller, il fallait que je prenne quatre ou cinq Martinis. » Inès passe très vite à la drogue pour tenir. Difficile de vivre les passes à froid. Mylène raconte à quelle condition elle a pu franchir le pas : « Sans Valium, je n’aurais pas pu. » Linda, toute jeune prostituée pour un copain proxénète, avoue : « Avec la colle, on plane, on se fait des films. Avec les clients, c’est comme si on dormait. » Barbara, abusée par son oncle à 16 ans, puis fugueuse, « louée dans des soirées », raconte comment elle prenait des « anxiolytiques et des somnifères avec une goutte d’alcool » pour « travailler » sous la coupe de son proxénète. Les clients ? « Je ne les voyais même pas. » D’une voix monocorde, elle décrit la prostitution comme une vie dépourvue de toute sensation : « Se lever le soir, rentrer le matin, dormir. » Même chose pour Inès : « C’est comme si je ne l’avais pas vécu, ou comme si je l’avais vu dans un film. »

    #prostitution #dissociation