• Fred Turner : « Pour lutter contre le nazisme, ils ont voulu produire un homme total, rationnel » - Culture / Next
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    Par Marie Lechner — 27 février 2015 à 18:16
    L’historien Fred Turner raconte comment des intellectuels américains ont fait appel à des artistes du Bauhaus et à leur environnement multimédia pour contrer la propagande d’Hitler en 1939. Les écrans peuvent-ils servir l’idéal démocratique ?

    Connu pour sa stimulante enquête Aux sources de l’utopie numérique (C & F Editions, 2012) analysant l’impact de la contre-culture californienne sur l’imaginaire du réseau - en somme les liens entre les hippies et la révolution numérique des années 90 -, Fred Turner est passé à Paris évoquer son dernier livre, The Democratic Surround. Professeur associé à l’université Stanford, en Californie, et résidant à Mountain View, le QG de Google, tel « un anthropologue vivant avec sa tribu », Turner est remonté cette fois dans les années 40 : il s’est intéressé aux efforts des intellectuels, artistes et designers pour produire, face au fascisme, de nouveaux environnements multimédias et polyphoniques censés former des citoyens démocratiques. Traçant des parallèles étonnants entre expositions militantes, happenings d’artistes d’avant-garde et psychédélisme des sixties, Turner invite à réfléchir aux frontières entre information, divertissement, art et propagande. Il démontre ainsi comment ces expérimentations continuent d’influencer nos environnements médiatiques contemporains.

    #Fred_Turner #Cercle_démocratique #Libération #Marie_Lechner

  • Le MoMA et le Cercle démocratique
    https://cfeditions.com/cercleDemocratique

    Bonjour,

    Vient de s’ouvrir à Paris une grande exposition à la Fondation Louis Vuitton avec des oeuvres majeures extraites des collections du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Une magnifique collection d’œuvres du XXe siècle provenant d’un des musée majeur de la planète.

    Dans son ouvrage « Le Cercle démocratique », publié par C&F éditions en français, Fred Turner consacre une large part de son analyse au rôle démocratique joué par les musées et particulièrement par le MoMA.

    Herbert Bayer, membre éminent du Bauhaus a inventé pour le MoMA des espaces immersifs, des encerclements de textes, d’images, d’objets qui devaient permettre aux visiteurs de se questionner eux-mêmes à partir du « champ étendu de la vision ». Durant la Seconde Guerre mondiale, le MoMA a servir de repaire au Comitee for democratic morale, un groupe d’intellectuels qui voulaient mobiliser les américains contre le nazisme sans recourir aux méthodes de la « propagande » dont on avait mesuré les dégâts en Allemagne.

    L’exposition de 1941 « Road to victory » est ainsi conçue comme un multimédia, avec textes, images et films encerclant les visiteurs. Le livre montre à la fois l’impact et les théories derrière ces conceptions, mais également les usages détournés qui vont suivre. Car ce modèle immersif va, durant la guerre froide, servir la propagande américaine dans le monde. Les expositions universelles et la grande expo-photo « The family of man » sont ainsi de outils pour défendre the american way of life ... qui est surtout une défense et illustration de la société de consommation.

    Ce qui est passionnant dans ce plongeon dans l’histoire du multimédia avant le numérique, c’est de voir comment les techniques, les projets et les usages inventés alors se retrouvent dans le multimédia global d’aujourd’hui. Comment l’idée de permettre à chacun de décider en connaissance de cause se renverse en bulles de filtres et réseaux d’influence. Le multimédia numérique a commencé principalement avec des outils pédagogiques, de l’hypertexte organisant des connaissances... avant de devenir le support d’un « individualisme autoritaire » et la boîte à malice se situant « au delà de la vérité » qui existe aujourd’hui... et qui n’enlève pourtant rien à nos désirs d’utiliser le multimédia pour construire un monde plus démocratique.

    Jamais univoque et directif, le livre de Fred Turner permet de reconsidérer les événements du passés comme les tendances récentes. Ce livre a obtenu une bourse de soutien du College of American Art et de la Terra Foundation for American Art .

    Il fait un complément idéal pour tous les visiteurs de l’exposition des œuvres du MoMA de Paris qui dure jusqu’au mois de mars. Et pour tous, il pose des questions d’une brûlante actualité tout en replongeant dans l’histoire et le rôle de l’art, des intellectuels et des artistes

    Bonne lecture

    Hervé Le Crosnier

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    Le Cercle démocratique : Le design multimédia de la Seconde Guerre mondiale aux années psychédéliques
    par Fred Turner, traduction par Anne Lemoine.
    390 p., 29 €

    https://cfeditions.com/cercleDemocratique

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    [Extraits de la première parties concernant le MoMA (il y a de nombreux endroits où l’on retrouve le MoMA dans ce livre)
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    Au cours de ses dix premières années d’existence, le Museum of Modern Art permet aux Américains de découvrir l’impressionnisme, le futurisme et le cubisme, mais aussi l’architecture moderne, la photographie et la typographie. En 1939, après l’invasion de la Pologne par Hitler, son directeur Alfred Barr et sa femme décident de porter immédiatement secours aux artistes avant-gardistes. Grâce au prestige du musée et du nom de la famille Rockefeller qui les soutient, ils réussissent à faire venir plusieurs artistes réputés aux États-Unis, parmi lesquels Marc Chagall, Max Ernst et Jacques Lipschitz. Avant même l’attaque de Pearl Harbor, Barr et les Rockefeller commencent à transformer le musée en une machine de production idéologique qui appuiera les efforts de propagande des États-Unis au cours de la guerre froide.
    Le champ étendu de la vision développé par Herbert Bayer jouera un rôle important dans ce processus.
    [...]
    Pour les critiques d’art américains, le point le plus surprenant de l’exposition n’est pas tant son contenu que la disposition de celui-ci. Puisque le nouveau bâtiment qui doit héberger le Museum of Modern Art est en cours de construction dans la 53e rue Ouest à Manhattan, Bayer installe l’exposition dans l’espace temporaire du musée, alors situé dans le hall du Rockefeller Center. Gropius et Bayer divisent l’exposition en six sections, chacune possédant sa propre galerie : « Le travail sur le cours élémentaire », « Les ateliers », « Typographie », « Architecture », « Peinture » et « Travaux d’écoles influencées par le Bauhaus ». Sous l’impulsion de Bayer, ces zones deviennent ensuite des variations des environnements visuels élargis qu’il a créés à Paris en 1930 et à Berlin en 1935.
    [...]
    Au gré de leurs déplacements de salle en salle, les visiteurs découvrent des empreintes sur le sol et des représentations graphiques de mains sur les murs qui les orientent vers de nouvelles parties de l’exposition. Un œuf géant est accroché à un mur ; il représente l’enseignement de la forme dans le programme de première année. Des photographies orientées vers le bas sont placées au-dessus des têtes des visiteurs ; des cercles chromatiques pendent du plafond. Dans une salle, un œil gigantesque dessiné sur un mur, juste en dessous d’une fente, observe le visiteur.
    [...]
    Selon l’idéologie du premier Bauhaus, la scénographie de Bayer transforme l’exposition en Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale). Conformément à ses théories de vision étendue, elle encercle les visiteurs, les pousse doucement dans l’une ou l’autre direction, les encourage à suivre le mouvement figuré sur les murs et le sol. Comme dans la psychologie gestaltiste qui sous-tend les théories de Bayer, les visiteurs doivent faire la synthèse des éléments qui leur sont présentés pour se les approprier en construisant des images internes cohérentes. L’exposition même peut suggérer, présenter, abriter ou encadrer mais, au final, il revient aux visiteurs d’agencer leurs propres images du Bauhaus pour qu’elles forment un tout.
    [...]
    Quelques années plus tard, le Museum of Modern Art devient une plate-forme de renforcement du moral américain. Associées à un mode environnemental de direction des mouvements des visiteurs, la flexibilité et l’indépendance offertes par Bayer à ses visiteurs deviendront alors aux yeux des critiques un mode de propagande typiquement pro-américain. La vision étendue de Bayer résout le problème posé par la propagande fasciste et les médias de masse. En effet, il accorde au visiteur un degré important d’agentivité par rapport aux éléments visuels qui l’entourent mais, dans le même temps, il contrôle la forme du champ dans lequel le visiteur est susceptible de rencontrer ces éléments. Grâce à cela, la vision étendue peut amener le visiteur américain à rétablir son propre moral dans des termes fixés par le champ qui l’entoure. Cela signifie qu’il peut exercer cette forme d’agentivité psychologique individuelle dont dépend la société démocratique, et qu’il peut ainsi éviter de devenir l’homme apathique de la masse qui caractérise l’Allemagne nazie. Néanmoins, cette agentivité lui est offerte dans des termes définis par les besoins de l’État américain, et articulés selon la diction visuelle du Bauhaus.
    [...]
    Malgré l’échec de For Us the Living, on ne saurait surestimer les liens étroits qui unissent le Museum of Modern Art au gouvernement américain, pas plus que l’intensité de ses efforts de propagande à la veille de la Seconde Guerre mondiale et au cours de celle-ci. Le musée ne se contente pas de préparer des expositions : il sert également de plate-forme intellectuelle et interinstitutionnelle. En son sein, les artistes rencontrent des diplomates, les anthropologues développent des supports de formation culturelle et les soldats viennent panser les blessures psychologiques que la guerre leur a infligées.
    [...]
    De tous les projets menés à bien, une exposition surtout fait la fierté des responsables du musée : le grand succès propagandiste de 1942, Road to Victory. L’exposition « n’est pas seulement un chef- d’œuvre d’art photographique, mais elle est une des expositions les plus émouvantes et les plus fascinantes jamais organisées au musée ».
    [...]
    En septembre 1941, alors que Margaret Mead et le Committee for National Morale s’efforcent de monter leur exposition sur la démocratie au Museum of Modern Art, l’administrateur David McAlpin se met en contact avec le photographe Edward Steichen. Le musée a commencé à accueillir de petites expositions consacrées à la guerre en Europe et aux idéaux américains au sein du pays, et McAlpin espère que Steichen pourrait en monter une autre dans la même veine.
    [...]
    L’exposition qui en résulte fusionne le photoréalisme familier du magazine Life avec les tactiques gestaltistes de la vision étendue développées par Bayer – et les idéaux utopiques du Bauhaus avec les impératifs propagandistes des États-Unis en guerre.
    Bayer conçoit l’exposition comme une route qui serpente à travers tout le premier étage du Museum of Modern Art en passant devant des images et des textes de tailles variables.

    On pourrais citer ainsi des pages entières du livre... mais je vous laisse les découvrir dans le flux même du texte de Fred Turner, avec des détails d’historiens et une visions globale sur l’importance des musées et des expositions dans la conception « multimédia » et son enjeu propagandiste. Et du rôle tout particulier que joue le MoMA et les artistes-théoriciens du Bauhaus dans ce projet.

    #C&Féditions #Fred_Turner #Cercle_démocratique #Bauhaus #MoMA #Propagande

  • John Cage Performs His Avant-Garde Piano Piece 4’33" ... in 1’22" (Harvard Square, 1973) | Open Culture
    http://www.openculture.com/2016/04/john-cage-performs-his-avant-garde-piano-piece-433.html

    We’ve seen various performances of John Cage’s famous silent piece 4’33". But never during our decade digging up cultural curiosities have we encountered 4’33" performed by Cage himself. That is, until now. Above you can watch a video outtake from Nam June Paik’s Tribute to John Cage, filmed in 1973, in Harvard Square. Boston’s WBGH describes the scene:

    In the video he is seated at a piano, with spectators surrounding him. He toys with his viewer’s expectations by not playing the piano, which is what the general populace would expect from a performance involving a piano. On the piano shelf there are a pocket watch and a slip of paper. He keeps touching and looking at the pocket watch which draws the audience’s attention to the idea of time, and that they are waiting for something to happen, and he also raises and lowers the piano fallboard. There is also text that appears in this particular video that says “This is Zen for TV. Open your window and count the stars. If rainy count the raindrops on the puddle. Do you hear a cricket? …or a mouse.”

    Another unconventional item to add to the list: Cage performs 4’33" in 1’22"!

    Il y a un chapitre entier consacré à John Cage dans « Le cercle démocratique » de Fred Turner.

    #John_Cage #Musique #Silence #Nam_June_Paik

  • Le Cercle démocratique : quand l’histoire nous parle d’aujourd’hui

    [Mail de C&F éditions ]

    Bonjour,

    Avant de vous parler des nouveautés de C&F éditions qui vous attendent cet automne, je voudrais revenir sur les évènements qui ont marqué l’été qui vient de s’écouler.

    Le monde a été surpris par la mobilisation fasciste de l’extrême droite américaine, notamment la démonstration de force de Charlottesville. Et plus encore par la réaction de Donald Trump qui s’est refusé à condamner les néo-nazis armés qui défilaient.

    Mais pourtant, un regard historique nous aurais aidé à penser que ce n’est pas la première fois que les nazis se rassemblent aux États Unis. Fred Turner, l’auteur du livre « Le cercle démocratique » nous le rappelle : en 1939, 22 000 citoyens américains se sont retrouvés au Madison Square Garden pour y proférer les messages de haine du nazisme.

    Retrouvez Fred Turner en vidéo sous-titrée :
    https://youtu.be/0hJay3eprmI

    Mais à la différence de la période actuelle, le gouvernement de Franklin D. Roosevelt a su résister au fascisme. Il a été accompagné pour cela par des intellectuels et des artistes regroupés dans le "Comittee for national morale". C’est par l’histoire et les réflexions de ce comité que débute « Le cercle démocratique ».

    Toujours en vidéo sous-titrée :
    https://youtu.be/672wX13AZcQ

    De leurs idées vont naître les premières conception du "multimédia" : encercler le spectateur dans un ensemble de documents et d’images afin de lui laisser le libre-arbitre... le choix de s’engager contre les nazis, et plus tard de considérer la planète comme le lieu de la « family of man », titre d’une des expositions les plus célèbres des années cinquante.

    Malheureusement, ce rêve de l’autonomie organisée par le multimédia, s’il a perduré aux débuts de l’internet (voir l’autre ouvrage de Fred Turner : « Aux sources de l’utopie numérique ») est aujourd’hui caduc. Le modèle devenu dominant est selon Fred Turner celui de "l’individualisme autoritaire". Nous en voyons les effets dans les mobilisations de l’extrême droite aux États Unis.

    Le regard historique nous aide à comprendre aujourd’hui. Les développements de Fred Turner sur la naissance du multimédia et sur les formes de mobilisation des artistes et des intellectuels sont à cet égard d’une grande utilité. Y compris dans l’analyse des détournements que leurs idées peuvent subir quand les propagandes d’état s’en emparent.

    Retrouvez « Le Cercle démocratique : Le design multimédia de la Seconde Guerre mondiale aux années psychédéliques » de Fred Turner
    http://cfeditions.com/cercleDemocratique

    (Sur cette page de présentation, des liens vers les nombreux articles et interviews sur ce livre et la situation du multimédia à l’ère "au delà de la vérité" que nous connaissons).

    Bonne lecture

    Hervé Le Crosnier

    #C&Féditions #Cercle_démocratique #Fred_Turner