La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification

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    • La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification. De la #péréquation au yield management (1938-2012)

      Cet article analyse les conditions de production et de légitimation des systèmes de prix des billets de train en France, depuis la création de la SNCF en 1938. Initialement fondé sur le principe d’un tarif kilométrique uniforme, le système historique de péréquation est lentement abandonné au cours des décennies d’après-guerre, au profit d’une tarification indexée sur les coûts marginaux. Au tournant des années 1980-1990, ce paradigme est lui-même remplacé par un dispositif de tarification en temps réel – le yield management – visant à capter le maximum du surplus des consommateurs. Les transformations des modèles tarifaires à la SNCF, qui s’accompagnent d’une redéfinition de la notion éminemment polymorphe de service public ferroviaire, résultent du travail de quelques acteurs de premier plan. Ces « faiseurs de prix », qui mobilisent les instruments de la discipline économique et usent de leur capacité d’influence, agissent dans des contextes (politiques, sociaux, techniques et concurrentiels) particuliers, qui rendent possibles, nécessaires et légitimes les innovations qu’ils proposent.

      https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm

      #Jean_Finez

    • Noël : est-ce vraiment moins cher de réserver son train SNCF 3 mois à l’avance ?

      C’est un fait : les tarifs des trajets en train pour la période de Noël ont explosé entre octobre et fin décembre 2023. Nous avons suivi, semaine après semaine, leur évolution. Voici les résultats, parfois surprenants, de notre enquête.

      « Plus on réserve un train à l’avance, plus les prix sont bas. » La phrase de la SNCF semble logique. Mais est-elle vérifiée ? À l’approche des fêtes de Noël, nous avons décidé de nous lancer dans une petite enquête. Numerama a relevé les tarifs d’une vingtaine de trajets en train à travers la France, sur les douze dernières semaines, pour en mesurer l’évolution.

      Nous avions une question principale : est-ce vrai qu’il vaut mieux réserver son billet de train trois mois à l’avance, pour le payer moins cher ? Suivie d’une autre : comment les tarifs évoluent-ils à travers le temps, et à quel rythme les trains deviennent-ils complets ?

      Nous avons choisi arbitrairement dix allers-retours à travers la France. La date est toujours la même, pour simuler un voyage pour les fêtes de fin d’année : un aller le 22 décembre, un retour le 27 décembre. Nous avons choisi un train par jour et suivi l’évolution du tarif des billets chaque semaine, à compter du mercredi 4 octobre, soit la date de l’ouverture des ventes (qui avaient d’ailleurs mis en panne SNCF Connect).
      Prendre ses billets tôt pour Noël permet d’éviter le pire

      Après douze semaines de relevés et une agrégation des données, le premier constat est clair : les tarifs ont énormément augmenté sur cette période. Il est évident que, même s’il y a des exceptions, il reste très intéressant de prendre son billet le plus tôt possible. C’est d’ailleurs ce que la SNCF nous a confirmé, par mail : « Plus on réserve à l’avance, plus les prix sont bas. Le mieux est donc de réserver dès l’ouverture des ventes, ou alors dans les semaines qui suivent. »

      Sur ce graphique, nous avons matérialisé la hausse de tous les trajets confondus. À part une ou deux exceptions (en TER), tous les billets ont augmenté, parfois beaucoup. Certains trajets se sont retrouvés complets très vite — nous les avons matérialisés avec un petit rond barré sur le graphique ci-dessous.

      Les prix peuvent parfois varier du simple au double. Le trajet Nantes-Bordeaux, par exemple, est passé de 58 euros à 136 euros (dernières places en première classe), soit une augmentation de 164 %. Un Strasbourg-Paris a terminé à 153 euros, au lieu de 93 euros il y a trois mois.

      Des hausses de prix jusqu’à 150 %

      Au global, les TGV sont les trains qui subissent les plus grosses hausses à travers le temps, sauf quelques exceptions (Marseille-Nice n’a pas changé d’un iota au fil des 12 semaines, par exemple).

      Sur cette carte réalisée par l’équipe design de Numerama, Adèle Foehrenbacher et Claire Braikeh, on observe quels sont les trajets qui ont subi la plus forte hausse (en rouge foncé), par rapport à ceux qui n’ont pas beaucoup bougé sur 3 mois (en rose).

      Pour les retours de Noël sur la journée du 27 décembre, les trajets les plus onéreux sont les mêmes (Paris-Toulouse, Paris-Strasbourg, Nantes-Bordeaux).

      Certains billets sont moins chers quelques jours avant le départ

      Lorsque nous avons commencé cette enquête, nous nous sommes demandé s’il serait possible qu’un billet devienne moins cher à l’approche de la date du voyage, ce qui est plutôt contre-intuitif. Une occurrence est venue, sur la dernière semaine, être l’exception qui confirme la règle : le trajet Paris-La Rochelle (en jaune ci-dessous) est devenu, au dernier moment, moins cher à l’approche du voyage, par rapport au tarif d’il y a trois mois.

      Autre cas curieux : nous avons constaté au fil des semaines une variation à la baisse sur le trajet Nancy-Grenoble, avec une correspondance. « Ce phénomène est extrêmement rare », nous assure la SNCF. « Nancy-Grenoble n’est pas un train direct. Il se peut que l’un des deux trains se remplissent moins vite et que des petits prix aient été rajoutés à un moment donné », explique-t-on. Le voyage a fini par augmenter de nouveau, pour devenir complet deux semaines avant le départ.

      Le trajet n’est pourtant pas le seul exemple. Prenons le trajet en TER et Train NOMAD Caen-Le Havre. Le 4 octobre, le voyage revenait à 38,4 euros. Surprise ! Dès la semaine suivante, il est tombé à 18 euros, pour rester fixe pendant plusieurs mois. Jusqu’au 13 décembre, où le prix a re-grimpé jusqu’à 48 euros — l’horaire du train de départ ayant été modifié de quelques minutes. Ici, ce n’est pas la SNCF, mais les conseils régionaux qui valident les prix. Par mail, l’établissement régional des lignes normandes nous assure que « la baisse des prix 15 jours après l’ouverture des ventes est impossible ». C’est pourtant le constat que nous avons fait, dès une semaine après l’ouverture.

      Pourquoi de telles hausses ?

      Cela fait plusieurs années que la SNCF a commencé à modifier la manière dont elle décide des tarifs, selon le journaliste spécialisé Gilles Dansart. La compagnie aurait décidé de « faire payer beaucoup plus cher à mesure que l’on s’approche de la date de départ du train », alors qu’auparavant, elle se calquait sur la longueur des kilomètres parcourus pour étalonner ses prix, a-t-il analysé sur France Culture le 21 décembre.

      Contactée, la SNCF nous explique : « Les prix sont les mêmes que pour n’importe quelles dates. Il n’y a pas de prix spécifiques pour Noël. Ce qui fait évoluer les prix, c’est le taux de remplissage et la demande. À Noël les trains se remplissent plus vite et les paliers maximum peuvent être atteints plus rapidement. »

      Ces paliers sont un véritable enjeu, lorsque l’on voit que certains trajets se retrouvent complets très rapidement — le Paris-Toulouse du 22 décembre s’est en effet retrouvé complet, selon nos constats, en à peine une semaine, début octobre.

      En 10 ans, la SNCF a perdu 105 TGV, soit 30 000 sièges, a calculé récemment France 2 dans un reportage. « On n’arrivait plus à remplir les TGV, il y avait des taux d’occupation à moins de 60 % », a expliqué à leur micro Christophe Fanichet, directeur général de SNCF Voyageurs.

      Cette politique de financement de la SNCF ne va pas aller en s’arrangeant pour les voyageurs et voyageuses : l’entreprise a déjà entériné une augmentation du prix des TGV pour 2024, rappelle le Parisien.

      https://www.numerama.com/vroom/1593454-noel-est-ce-vraiment-moins-cher-de-reserver-son-train-3-mois-a-lav

    • Mais on sait que l’investissement sur l’infra était sous dimensionnée autour de 2005, donc voir monter les coûts de péages de l’infra n’a rien d’anormal.
      Nos voisins sont-ils sous le prix réel ? Alors il vont subir un effet boomerang plus tard (effet dette).

  • C’est moi ou le prix du billet de train, déjà cher, qu’on a besoin de prendre pour remplacer le billet qui a été annulé, hé ben il a augmenté pendant que je faisais mes recherches ? Pareil pour l’avion : pas très cher en début de recherche, et en quelques aller-retours entre différents sites Web, c’est devenu hors de prix. Et finalement il n’était plus disponible donc on a dû changer de jour (tout aussi hors de prix, je te rassure).

    C’est cool les algorithmes qui profitent du fait que les gens n’ont plus trop de latitude à cause des grèves pour continuer à augmenter les prix affichés en live…

    • non, ce n’est pas toi, c’est probablement l’afflux de demandes au moment où tu réservais. Si c’est possible, quand tu constates que ça varie vite, tu poses une option pour (à peu près) bloquer le temps de la recherche.

      Sinon, il me semble que, dès la mise en œuvre du yield management à la SNCF (ah, Socrate ! …), il avait été constaté (et expliqué) que le tarif montait quand tu revenais sur une recherche qui n’avait pas abouti. Et ce, indépendamment de l’éventuel remplissage du train entretemps. Mais c’était peut-être une légende urbaine…
      (ah, je vois que pendant la préparation de mon commentaire, @sandburg valide…)

      et, en cherchant un peu, je tombe sur cet article sur l’historique de la tarification à la SNCF

      La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification | Cairn.info
      De la péréquation au yield management (1938-2012)
      Jean Finez
      Dans Revue française de sociologie 2014/1 (Vol. 55), pages 5 à 39
      https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm

      L’histoire de la tarification ferroviaire est assurément une histoire de la complexification des modèles de prix. Le yield management transforme profondément les conditions de rencontre entre l’offre et la demande, puisqu’elle voit s’affronter les puissants algorithmes du Centre d’optimisation commerciale et les clients potentiels, en situation d’information asymétrique. Les voyageurs semblent s’être accommodés de cette situation et avoir intériorisé le fait qu’il est possible de circuler sur le réseau à moindre prix à condition de passer du temps devant son ordinateur, d’être certain de ne pas changer d’avis (les billets les moins chers sont non échangeables et non remboursables), d’être flexible dans ses horaires, d’anticiper l’évolution probable du prix des billets d’un jour à l’autre, etc. Dès lors, le dispositif du yield management – dont le fonctionnement et le principe sont fondés sur l’hypothèse standard de l’homo œconomicus – a-t-il eu des « effets de théorie » (Garcia, 1986) sur le comportement des voyageurs ? Dans quelle mesure la logique calculatoire nécessaire à l’achat de son titre de transport transforme-t-elle les usagers des transports en consommateurs rationnels ?

    • Oui, c’est ce que j’ai pensé :
      – sans doute avant tout l’« offre et la demande » en temps réel, le nombre de places diminue rapidement alors l’algorithme en profite pour augmenter les prix ;
      – possiblement de l’IP tracking par-dessus le tout.

      Déjà en temps normal je trouve que c’est insupportable ces produits dont le prix change en temps réel. Mais là en période de grèves, et alors que les gens sont en train de remplacer leurs billets achetés pas chers il y a des semaines/mois annulés au dernier moment, en étant obligés d’acheter des billets 3 fois plus chers, c’est carrément répugnant.

  • La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification
    De la péréquation au yield management (1938-2012)
    parJean Finez

    https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm

    Comment atteindre l’équilibre financier, voire « rentabiliser » son activité ? Telle est l’une des préoccupations majeures de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). En amont, l’entreprise engage des dépenses en vue de faire circuler des trains sur le réseau ferré. En aval, elle perçoit les recettes correspondant à la vente des billets. Le mode de fixation du tarif de transport est donc un paramètre essentiel de la gestion financière de la SNCF [1]L’enjeu de la tarification n’est pas nouveau : dès les débuts des chemins de fer, au milieu du XIXe siècle, la question du prix du billet de train constitue l’une des thématiques majeures de l’économie ferroviaire (Grall, 2003). Les réponses apportées varient néanmoins d’une époque à l’autre. Nous proposons une socio-histoire de la tarification du transport ferroviaire de voyageurs en France depuis 1938, date à laquelle la SNCF est créée par rachat des compagnies de chemins de fer privées qui, jusqu’alors, exploitaient le réseau national [2][