Persistances olfactives - Le Monolecte

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  • Persistances olfactives - Le Monolecte
    http://blog.monolecte.fr/post/2012/05/29/Persistances-olfactives

    Ce matin, ma cuisine sentait exactement comme la cuisine de mon enfance en Maurienne : l’évier en pierre de taille, avec ses robinets rétro en cuivre, les biscottes Heudebert en pack familial et le lait fraîchement extrait des vaches d’Hélène, la fermière du bout du chemin en gravier blanc, celle dont le flux de conversation l’avait faite surnommée « Radio Jarrier. »

    • Chez ma grand-mère, les odeurs variaient au fil de la maison qui était tout en longueur : lavande, minéral, vieux tissus, chlore, humidité... Dans mon enfance j’ai joué beaucoup avec mon petit voisin d’en face ; chez lui ça sentait un mélange de lait, de beurre doux un peu rance et chez son voisin l’odeur m’évoquait celle d’une poubelle en moins prégnant mais je n’aimais pas du tout, pouah.

      Côté odeur forte, c’est celle du purin d’ortie que je prépare qui ne me dérange pas du tout, ça rappelle l’étable en bonne santé. J’ai eu un voisin qui appréciait moins bien...

      Et sinon, le parfum du chèvrefeuille à la tombée du soir (il commence à ouvrir)... Et la terre juste après la pluie...
      Le pain chaud, la tarte aux pommes dans le four, la saucisse à l’étal de la petite dame du marché...
      Et les échalotes qui reviennent dans le beurre, wouahhh

    • aaaahhh oui, l’herbe coupée ! Et la forêt par une matinée d’automne où la chaleur humide chargée des senteurs d’humus et de champignons émerge du sol et t’imprègne les narines. Et les embruns iodés d’algues et d’huîtres de la côte bretonne... Ah la la ce que c’est bon tout ça nom de d’là !

    • The Smell of Age : Perception and Discrimination of Body Odors of Different Ages
      http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0038110

      Très scientifique l’article confirme l’importance de l’odorat pour notre perception du monde.

      Our natural body odor goes through several stages of age-dependent changes in chemical composition as we grow older. Similar changes have been reported for several animal species and are thought to facilitate age discrimination of an individual based on body odors, alone. We sought to determine whether humans are able to discriminate between body odor of humans of different ages. Body odors were sampled from three distinct age groups: Young (20–30 years old), Middle-age (45–55), and Old-age (75–95) individuals. Perceptual ratings and age discrimination performance were assessed in 41 young participants. There were significant differences in ratings of both intensity and pleasantness, where body odors from the Old-age group were rated as less intense and less unpleasant than body odors originating from Young and Middle-age donors. Participants were able to discriminate between age categories, with body odor from Old-age donors mediating the effect also after removing variance explained by intensity differences. Similarly, participants were able to correctly assign age labels to body odors originating from Old-age donors but not to body odors originating from other age groups. This experiment suggests that, akin to other animals, humans are able to discriminate age based on body odor alone and that this effect is mediated mainly by body odors emitted by individuals of old age.

    • Oui, notre odeur change avec le temps, les hormones, la santé et tout ça, mais c’est aussi le cas de l’odorat dont la sensibilité à certaines gammes d’odeurs varie en fonction de l’état de santé, de l’âge, etc.
      Les bébés et les enfants ont aussi signature de l’âge. J’ai remarqué que ma propre odeur change, même si je la stabilise à travers mes pratiques et mon alimentation.
      J’ai gardé le même parfum depuis 15 ans, parce qu’il fait partie de ma signature et me permet surtout de ne pas le sentir. J’en mets très peu, en-dessous de mon seuil de détection (plus haut pour mon parfum, pour cause d’accoutumance), afin de ne pas devenir envahissante.

      Les gens qui ont un parfum attitré ont tendance à forcer la dose avec le temps pour pouvoir continuer à le sentir : grave erreur ! On ne porte pas un parfum pour le sentir soit-même, en dehors de la note de tête au moment de l’application, sinon, on devient un désastre olfactif ambulant.

      Par contre, si on se remet à le sentir, en dehors d’un surdosage, il est possible que ce soit parce que l’alchimie peau/parfum ne fonctionne plus, pour cause de changement de notre odeur.

      De toute manière, toute modification d’odeur indique une modification de l’état de l’émetteur.

    • L’erreur dans la perception de l’odeur de soi-même vient propablement d’un manque de communication avec des gens qui sont récepteurs de nos odeurs. Ainsi on risque qu’ils finissent par nous « avoir dans le nez », d’être dérangés par nos émanations olfactives.

      J’ai rencontré de vieilles personnes puant les médicaments, la nourriture mal digérée et l’urine pour cause de maladie, chagrin, pauvreté et solitide. Ils se trouvent dans un cercle vicieux : parce qu’on ne supporte pas leur présence pour longtemps, on ne les aide pas assez. Ils n’ont alors que peu de chances de changer d’odeur.
      Vraisemblablement plus proche de ta réflexion est l’exemple des femmes riches et seules, pas encore très vieilles, qui mettent un parfum dont l’intensité s’approche du dernier accident de chlore gazeux dans la piscine locale. Èvidemment il n’y a personne pour leur dire gentiment qu’elles en font trop. C’est moins émouvant mais tout aussi triste de sentir l’odeur d’une vie manquée de riche.

      J’ai connu une période quand l’utilisation de parfums était considéré comme signe d’embourgeoisement et complètement interdit aux personnes appartenant aux divers mouvements de gauche. Il faut dire qu’on était très jeunes et nos odeurs nous paraissaient les plus agréables et érotiques. J’en garde une préférence pour les odeurs humaines claires, évidentes mais pas trop fortes. Ensuite il m’a fallu passer par tout un processus d’apprentissage pour accepter et apprécier qu’une femme mette un parfum artificiel, mais finalement c’est un concert d’odeurs digne de l’interprétation d’une symphonie par les Berliner Philharmoniker qu’on peut sentir dans des moments heureux.

    • Mon rapport au parfum est alchimique : seul, il n’existe pas, il ne vit pas, il a besoin de moi et de mon cocktail chimique particulier pour devenir ce sillage-là et aucun autre. Bien sûr, avec un bon nez bien entraîné, tu reconnais le parfum utilisé : je me souviens des accidents industriels de la période du Brut de Fabergé dont les ados vaguement pubères abusaient tant et plus.
      Je me souviens aussi de mon prof de biologie de terminale, pas trop mal de sa personne, mais dont l’odeur corporelle soulignée d’une pointe discrète mais néanmoins présente de Drakkar Noir était à tomber par terre. Je faisais exprès de raturer mes feuilles de travail, rien que pour l’amener à se pencher par dessus mon épaule pour corriger, et là, je le respirais sans vergogne. Le pire, c’est que je crois bien qu’il le savait.
      J’ai oublié son nom, son visage, mais son odeur est toujours stockée avec précision dans mon cerveau.