• Etre fan avant Internet : dans la galaxie des premiers fans de « Star Trek »
    http://abonnes.lemonde.fr/pixels/article/2017/09/24/etre-fan-avant-internet-dans-la-galaxie-des-premiers-fans-de-star-tr

    Je ne voulais pas recopier l’article en entier... mais il est tellement bien que j’en ai gardé une large partie.

    Voici un exemple de la « culture participative » tel que Henry Jenkins, Mimi Ito et danah boyd en parlent dans leur livre : autour d’une production culturelle commerciale créer des oeuvres nouvelles et surtout des communautés.

    « Les fans, avant Internet ? Des lettres, des lettres et le téléphone ! », s’exclame en riant Devra Langsam. Fan de Star Trek depuis le début de la diffusion, en 1966, la jeune Américaine brune aux lunettes rondes de l’époque a aujourd’hui le souffle court et les cheveux gris. Elle s’est au fil du temps éloignée des autres fans, n’a pas accroché avec le Web, et la nouvelle série Star Trek Discovery, qui démarre dimanche 24 septembre sur la chaîne américaine CBS, ne l’attire pas vraiment.

    « J’ai commencé à regarder Star Trek quand j’avais 23 ans, explique-t-elle sans nostalgie. Les personnages en avaient 30, ils étaient matures. Aujourd’hui, j’ai 73 ans : je les regarde et je me dis “ce sont des bébés !”. J’ai beaucoup plus de mal à m’intéresser à ce qui leur arrive. » Ce qui ne l’empêche pas de raconter avec passion les débuts de ce qui sonne dans sa bouche comme un âge d’or pour les fans. Car ce sont eux, les fans de Star Trek, qui ont permis de définir le fandom moderne — les communautés de fans qui aujourd’hui pullulent sur Internet.

    C’est en 1967, alors que Star Trek n’a qu’un an, que commence cette histoire. Nous sommes en septembre, à la Worldcon, une convention américaine de science-fiction qui existe depuis 1939. Devra Langsam, Ruth Berman et Eleanor Arnason ont imprimé Spockanalia, le tout premier fanzine — magazine réalisé par des fans — uniquement sur la série.

    « Savez-vous ce qu’est un miméographe ?, demande Devra Langsam, presque rhétoriquement. C’est une machine à imprimer portable — énorme bien sûr si on la compare à celles d’aujourd’hui. Elle était équipée d’un écran et d’une pompe qui imprimait l’encre sur le papier. A l’époque, on en trouvait dans toutes les écoles, les églises ou les bureaux. Avec Ruth, nous avons demandé à l’école de nous imprimer Spockanalia. »

    Ce premier fanzine contient une lettre de Leonard Nimoy — l’acteur qui interprète Spock —, des fanfictions (histoires écrites par des fans), mais aussi des articles d’analyse ou de réflexion sur les personnages.

    Mais même sans s’engager dans la lourde tâche de l’édition de fanzine, être fan à cette époque comporte aussi son lot de complications… Ne serait-ce que pour regarder la série elle-même. Si aujourd’hui, un épisode peut, dès sa diffusion, être vu et revu à l’infini, analysé et décortiqué à l’extrême par les fans, ce n’est pas le cas dans les années 1960. Il n’est pas encore possible d’enregistrer, par exemple, l’enregistreur n’est inventé qu’en 1972. Manquer un épisode signifie qu’il faut attendre parfois plusieurs années pour une rediffusion.

    Pour faire connaissance entre fans, la tâche est encore plus ardue. En 1969, les fans distribuent des tracts ou des newsletters dans la rue. « La réaction des gens était très simple, raconte Devra Langsam. Le plus souvent, on avait un “désolé, je ne suis pas intéressé” et parfois un “oh mon dieu ! C’est Spock !” Là, on savait qu’on avait atteint la bonne personne. »

    Jacqueline Lichtenberg est une autre des premières fans de la série. Auteure de science-fiction et docteure en chimie, elle a participé à l’écriture de Star Trek Lives !, le premier essai sur les fans de Star Trek, paru en 1975. Aujourd’hui âgée de 75 ans, elle est toujours accro à la série et adore se servir de Facebook pour communiquer avec d’autres fans. Au début des années 1970, toutefois, c’était par la poste qu’elle établissait le lien entre les fans de la côte est et ceux la côte ouest :

    L’engouement pour la série a été tel que la première convention, organisée en 1971 par Devra Langsam, qui pensait initialement recevoir quelques centaines de participants, s’est retrouvée prise d’assaut par plus de trois mille quatre cents visiteurs, une exposition
    organisée par la NASA et des membres du casting.

    Pour Pascal Laus, administrateur du site belge USS-Saga, l’histoire de Star Trek n’est toutefois pas restée longtemps dissociée d’Internet : « La série a toujours appelé un profil type de spectateur qui était souvent très technicien. On avait des astrophysiciens, des mathématiciens, des physiciens… Très vite, les gens ont commencé à utiliser les Bulletin Board System [BBS], reliés à la ligne téléphonique, apparus à la fin des années 1970 pour échanger sur la série. » Les BBS sont les ancêtres des forums de discussion, l’un des tout premiers espaces de discussion numérique.

    « Lorsque Internet est arrivé, il n’y a pas eu de transition, confirme Jacqueline Lichtenberg du côté américain. C’était facile. Cela faisait déjà bien longtemps que nous savions toutes taper sur un clavier. » Et en France ? Corinne Le Guern répond sans hésitation : « Les fans d’avant Internet ? Ils avaient le Minitel ! »❞

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