• La « révolution des robots » s’impose dans les usines

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/27/la-revolution-des-robots-s-impose-dans-les-usines_5192358_3234.html

    En 2016, le marché mondial des robots industriels a bondi de 16 % par rapport à l’année précédente, un niveau inédit. Et pour les experts, ce n’est qu’un début.

    L’essayer, c’est l’adopter. ­A Coubert (Seine-et-Marne), pas question de rendre le robot installé depuis la fin 2014 chez Sotubema. « J’envisage plutôt d’en acheter un deuxième d’ici deux ans », confie même Domi­nique Etienne, le directeur de cette usine de pièces préfa­briquées en béton. C’est que la mise en place du premier robot jamais entré dans les murs de cette PME de 48 personnes a été couronnée de succès.

    Auparavant, quatre ouvriers se relayaient pour prendre et reposer sur des palettes les pièces de béton, à l’aide d’un système de poulies. Un travail dur, certains blocs pesant 300 kilos. Depuis trois ans, un robot allemand Kuka assure la tâche. Pas un de ces humanoïdes avec un « visage », des « yeux » et une « bouche » que l’on trouve dans les films de science-fiction. Ici, le robot est un simple bras articulé vert terminé par une grosse pince bleue. Il saisit les bordures de béton, les pose à l’entrée du tunnel, où elles sont polies, puis les récupère à la sortie.

    Le résultat est spectaculaire. Là où travaillaient quatre personnes, « une seule suffit maintenant pour piloter l’installation et transférer autant de pièces qu’auparavant », se réjouit M. Etienne.

    Un énorme gain de productivité, d’autant que « le robot ne tombe jamais en panne ». Les trois autres ouvriers n’ont pas été licenciés pour autant, mais affectés à d’autres activités. « Ce poste de travail constituait un goulet d’étranglement, explique le directeur. ­A présent, on peut répondre à des ­appels d’offres plus importants et ­produire davantage. » Bilan : le chiffre d’affaires progresse. « Environ 60 % des PME qui s’équipent dans le cadre du plan Robotique embauchent des salariés, preuve que le robot ne tue pas l’emploi », appuie Olivier Dario, le délégué général du Syndicat des machines et technologies de production.

    Sotubema n’est pas un cas unique. Partout en France et dans le monde, les robots envahissent les usines. Les derniers chiffres sont impressionnants. En 2016, près de 294 000 robots industriels ont été vendus à l’échelle de la planète, un niveau encore jamais vu, selon les statistiques publiées mercredi 27 septembre par la Fédération internationale de la robotique. C’est 16 % de plus qu’un an auparavant.

    Surtout, cette hausse très vive accentue un mouvement engagé depuis le début de la décennie. Si bien qu’au total, les ventes annuelles de robots industriels ont été multipliées par 2,6 par rapport à leur niveau d’avant la crise de 2008-2009.



    Une ascension tirée en grande partie par la montée en puissance industrielle de la Chine. Dans la compétition mondiale, le pays ne peut plus miser uniquement sur ses bas salaires – ils sont encore plus faibles au Vietnam ou en ­Indonésie. Il s’équipe donc massivement en robots. A lui seul, il a ­raflé 30 % de la production mondiale en 2016.

    Concentration

    Au total, les trois quarts des robots fabriqués dans le monde sont destinés à cinq pays, les cinq champions qui se disputent l’hégé­monie en matière industrielle : la Chine, la Corée du Sud, le Japon, les Etats-Unis et l’Allemagne.

    Pareille concentration alimente une certaine anxiété. « Le recours à la robotique tourne pour l’instant à l’avantage des pays aux capacités industrielles bien établies, ce qui pourrait assombrir les perspectives des pays en développement, dont l’activité manufacturière ne progresse plus ou qui sont déjà entrés dans une phase de désindustrialisation précoce », s’alarme la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement dans un rapport, le 14 septembre.

    La France, elle, participe au mouvement. Environ 4 200 robots y ont été vendus en 2016, une hausse de 39 % en un an, selon la Fédération internationale. Visiblement, les industriels se sont rués pour profiter de l’incitation fiscale à l’investissement avant sa fin programmée en avril 2017.

    « Cette mesure a été assez magique, confirme Bruno Grandjean, le président de la fédération patronale de la mé­canique. Conjuguée avec une ­conjoncture favorable et avec les ­efforts de pédagogie sur le retard français en matière de roboti­sation, elle a enclenché une dynamique impressionnante. Les entreprises ont compris l’urgence d’investir. Soit on monte enfin en gamme, soit il faut délocaliser. C’est aujourd’hui ou jamais ! »

    Cette effervescence n’est peut-être qu’un début. En France, « le mouvement devrait se prolonger », veut croire M. Grandjean. « Les chefs d’entreprise ont pris conscience de la nécessité d’être aux plus hauts standards internationaux s’ils veulent garder une production sur place. » Or, malgré l’effort de 2016, ils en restent assez éloignés. En moyenne, on ne compte que 132 robots pour 10 000 employés dans l’industrie manufacturière tricolore. Une densité bien plus faible qu’en Corée du Sud (631 pour 10 000), en Allemagne (309) ou au Japon (303). Dans l’automobile, en revanche, la France et l’Allemagne font désormais jeu égal.

    Poursuite de l’accélération

    La Fédération internationale table elle aussi sur une poursuite de l’accélération. Le marché mondial devrait, selon ses prévisions, encore bondir de 18 % en 2017, puis de 15 % par an jusqu’en 2020. Un op­timisme partagé par le Boston Consulting Group (BCG). En juin, ses consultants ont revu à la hausse leurs prévisions, et s’attendent désormais à ce que le marché total des robots (dans l’industrie, mais également les services, l’agriculture, le grand public, etc.) atteigne 87 milliards de dollars, soit 73 milliards d’euros, en 2025.

    Un siècle après l’invention du mot « robot » par l’écrivain tchèque ­Karel Capek, ces appareils dé­sormais bourrés d’informatique connaissent ainsi un décollage décisif. Avec d’autres technologies comme la réalité virtuelle, l’impression 3D et l’Internet des objets, le recours massif aux robots constitue une composante clé de l’actuelle « quatrième révolution industrielle », selon des experts comme Klaus Schwab, le fondateur du forum de Davos (Suisse). Au total, plus de 3 millions de robots devraient fonctionner dans ­le monde à la fin 2020, un triplement en dix ans. De quoi bouleverser le système de production hérité des années 1970.

    Aux yeux des professionnels du BCG, deux grands facteurs expliquent cet essor. Premier point clé : la technologie se révèle de plus en plus performante. D’année en année, les robots deviennent plus petits, plus sophistiqués, plus adaptables. Plus connectés, aussi. Les mouvements d’un robot de soudure installé dans une usine peuvent par exemple être optimisés en fonction des performances d’appareils similaires utilisés dans le même site ou un autre.

    Deuxième facteur décisif : la baisse des prix des appareils, alors que les salaires ouvriers ont au contraire augmenté. Chez So­tubema, l’implantation de l’îlot ­robotisé n’a coûté qu’environ 350 000 euros, dont 80 000 euros pour la « petite merveille » vert et bleu elle-même. A ce tarif, l’investissement devrait être vite rentabilisé. D’autant que la société de Seine-et-Marne a bénéficié de subventions couvrant 20 % du total, dans le cadre surtout des aides aux équipements qui rendent le travail des opérateurs moins pénible. « Mais même sans ces aides, on aurait investi, reconnaît le directeur de l’usine. Si l’on veut non plus être un artisan, mais un industriel du béton, il faut se moderniser, on n’a pas le choix. »

  • Macron, Gentiloni Near Deal Giving Italy STX Control - Bloomberg
    https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-09-25/macron-gentiloni-said-to-be-near-deal-giving-italy-stx-control

    French President Emmanuel Macron and Italian Prime Minister Paolo Gentiloni are close to an accord that would give Fincantieri SpA majority control of the French shipyard STX, ending a diplomatic dispute between the two countries.

    According to Italian and French officials, the two leaders could sign the deal at a bilateral summit Wednesday in Lyon, France. The accord would give Fincantieri a little over 50 percent of the Saint-Nazaire shipyard on the Atlantic coast, said two Italian officials who could not be named because negotiations are confidential.

    If the outcome is majority control for the Italians, then this spat has been a bit of a waste of time,” Marc Ostwald, global strategist at ADM Investor Services in London, said in a telephone interview. “But the rapprochement is definitely positive. Macron wants to reform the European Union, and he needs the Italians on board. Perhaps he’s also thinking that Italian investors, from inside the EU, are less worrying than, say, the Chinese.
    […]
    Relations between the two nations soured in August after Macron went back on an agreement reached under his predecessor Francois Hollande that gave Fincantieri control of STX. About a month before Macron was elected, the Italian company had agreed to buy 48 percent of the shipbuilder from South Korea’s STX Offshore & Shipbuilding Co. Ltd, with CR Trieste also holding its quota.

    • Le montage #subtil de l’Elysée pour céder le contrôle des chantiers STX à Fincantieri
      http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/27/stx-macron-invente-la-privatisation-a-l-elastique_5192124_3234.html

      Banquier d’affaires chez Rothschild, Emmanuel Macron avait découvert l’art délicat du mariage d’entreprises, la nécessité de s’y reprendre souvent à plusieurs fois et d’inventer des montages originaux. Le président de la République n’a rien oublié de tout cela. Pour preuve : après le subtil équilibre franco-allemand instauré mardi 26 septembre afin de rapprocher Alstom et Siemens, M. Macron devait dévoiler mercredi soir une solution créative pour confier les chantiers navals STX de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) à l’italien Fincantieri, le numéro un de la construction navale en Europe. De quoi mettre fin au psychodrame franco-italien actuel, espèrent les pouvoirs publics.

      Depuis des mois, le futur partage du pouvoir au sein des chantiers était au centre d’un bras de fer entre la France et l’Italie. Paris voulait un partage à 50-50, une parité absolue entre Français et Italiens au sein de STX France. Rome n’acceptait pas de descendre en dessous de 51 %. Le compromis trouvé, qui devait être finalisé lors du sommet franco-italien réuni mercredi à Lyon, doit répondre à ces deux exigences contradictoires.

      Officiellement, Fincantieri devrait devenir propriétaire de 50 % du capital, comme souhaité à Paris. Les autres 50 % seront aux mains du camp français. Ils seront répartis entre l’Etat, le groupe public militaire Naval Group (ex-DCNS) pour 10 % à 15 %, et peut-être des sous-traitants de l’entreprise dans la région de Saint-Nazaire, à titre très minoritaire.

      Mais cet équilibre exact sera modifié par un prêt, indiquent des sources concordantes. L’Etat français devrait prêter 1 % du capital à Fincantieri, qui disposera ainsi, en pratique, de 51 % des droits de vote, et récupérera une part équivalente des dividendes. Le groupe détenu en majorité par l’Etat italien obtiendra donc le contrôle opérationnel de la société française.

      L’accord sur ce prêt décisif de 1 %, établi sur douze ans, prévoit des rendez-vous réguliers entre Français et Italiens au cours de cette période. A chaque fois, les deux partenaires examineront l’état de leur entreprise commune, et le respect des engagements pris de part et d’autre. Si les promesses n’ont pas été tenues, la France pourra récupérer le précieux 1 %, et retirer à Fincantieri son rôle prédominant. Mieux : en cas de vraies difficultés, les Italiens devraient revendre leurs 50 % aux Français, qui redeviendraient alors seuls maîtres à bord, comme aujourd’hui.

      C’est donc une sorte de « privatisation à l’élastique » qui a été échafaudée entre l’Elysée et Bercy, et âprement négociée avec Rome. En cas de problème, la France pourra reprendre le contrôle des chantiers dont sont sortis des paquebots aussi célèbres que le Normandie ou le France. « On a fait preuve de créativité », se félicite un conseiller de l’Elysée. « C’est malin, non ? », se rengorge un autre. « On pose un verrou, mais cela donne l’impression qu’il n’y a pas de confiance entre les deux partenaires, nuance un autre homme au fait du dossier. Cela crée une incertitude majeure. »

      Oh le beau contentieux que voilà si ça se passe mal/quand ça se passera mal !