• Au guichet de la préfecture : « La suspicion fait partie de notre travail » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/09/26/au-guichet-de-la-prefecture-la-suspicion-fait-partie-de-notre-travail_159
    http://md1.libe.com/photo/1057560-prefecture.jpg?modified_at=1506098932&picto=fb&ratio_x=191&ratio_y

    Un agent administratif d’une préfecture revient pour « Libé » sur son expérience derrière un guichet en charge de l’accueil des étrangers.

    Après avoir rapporté les déboires d’étrangers en séjour régulier en France avec la préfecture, Libé a voulu aller voir de l’autre côté des guichets. On est donc passé par des syndicats, notamment la CGT-USPATMI (1) pour entrer en contact avec les agents qui font office d’interlocuteurs directs pour les usagers, et d’intermédiaires entre eux et l’administration. Un seul nous a rappelé, en numéro masqué : une femme âgée de 40 ans qui a travaillé deux ans comme agent d’accueil en province avant d’exercer des fonctions de responsable (spécialisée dans le traitement du contentieux à la suite de refus de carte de séjour), pendant trois ans. Libé a fait le choix de retranscrire cette interview de façon directe, pour montrer la perception qui peut subsister dans les coulisses de l’administration française.

    Quelle est l’ambiance au sein de votre équipe ?
    Nous sommes très soudés et souvent sur la même longueur d’onde sur le traitement des dossiers : il n’y a pas d’écart dans notre façon de faire et de nous positionner. Je vis intensément ce que vivent mes collègues à l’accueil, parce que je suis aussi passée par là. Il faut recevoir les étrangers, vérifier leurs justificatifs (ressources, logement etc.), enregistrer leurs dossiers sur les applications informatiques… Quand on doute, on va voir le chef de bureau et on lui demande : t’en penses quoi ?

    Y a-t-il des tensions récurrentes entre les usagers étrangers et vous ?
    Il ne suffit pas d’être gentil et de bien parler français pour obtenir son titre de séjour, il faut avoir des ressources propres et remplir plein d’autres critères… C’est toujours la même chose : quand un agent d’accueil dit oui à une demande de titre de séjour, on le trouve sympathique, il est gentil. Quand c’est non, on gesticule, on crie au scandale, il devient méchant. Sinon on ramène père, mère, tontons, tatas… Oui, dans ces moments, il y a une vraie tension, surtout que nous sommes amenés à traiter les dossiers de personnes à la chaîne. Ça plus les soucis familiaux et les migraines… Nous avons le droit d’être des êtres humains.

    Au fil de nos échanges avec les personnes qui viennent aux guichets de la préfecture, un sentiment revient : celui d’être suspecté en permanence…
    Mais oui et c’est normal, la suspicion fait partie de notre travail, on a nos sens en alerte. Si on n’avait pas de raison d’être suspicieux, on ne le serait pas. Certains étrangers entrent dans les clous. D’autres voient le titre de séjour comme un eldorado qui donne accès à la sécurité sociale et croient qu’ils peuvent tout faire… On épingle souvent des gens qui fournissent de faux documents, de fausses fiches de paye, qui donnent de fausses domiciliations, qui mentent sur leur situation familiale. Quand on a le sentiment d’être mené en bateau, ça nous fait bouillir et là ça peut effectivement dégénérer rapidement. Bien sûr, on a une famille, on est content d’avoir la sécurité sociale… Et on comprend qu’un usager soit capable de tout pour rester en France, mais notre travail de fonctionnaire est de suivre à la lettre la réglementation des étrangers. De toute façon, on ne peut pas régler tous les problèmes de la planète.

    Nombre de personnes étrangères ont l’impression d’être traitées différemment en fonction de leur nationalité… Que répondez-vous à cela ?
    On remarque avec l’expérience les mêmes travers en fonction des nationalités… mais attention ce n’est pas du racisme, c’est la force de l’habitude. Il y a des comportements qui se répètent. Par exemple, tous les étés, leur maman tombe soi-disant malade… [un récépissé de titre de séjour permet de retourner dans le pays d’origine et donc de sortir de France et de revenir en France, ndlr] Sur le regroupement familial, le réflexe c’est de (se) dire : « Oh mais regardez, c’est un gentil conjoint de Français ». Mais la réalité c’est qu’il y a des personnes françaises fragiles : des femmes, simples d’esprit, à qui le conjoint demande le divorce dès qu’il a ses papiers ou qu’il devient parent d’enfant français. Comme par hasard.

    Mais les divorces, ça arrive même entre les Français… Ne pensez-vous pas qu’un divorce peut survenir entre un(e) Français(e) et un(e) étranger(e) sans que ce soit un mariage blanc ?
    Là vous avez le réflexe de la personne de type française instruite, qui été élevée au biberon de la République à "Liberté, égalité, fraternité". On ne les catégorise pas parce qu’on est méchant mais parce que c’est notre travail d’avoir une vision fine des gens. Ce n’est pas raciste, j’adore les étrangers, c’est magnifique d’apprendre un deuxième alphabet, se jeter dans une autre culture, ça doit demander un effort incroyable.

    Pouvez-vous nous citer des cas concrets ?
    Il y a les mariages blancs mais aussi les mariages gris. Exemple : un étranger épouse une Française, il lui dit « Oh ma chérie, je t’aime » [elle précise : « J’ajoute des effets de scène pour que ce soit rigolo », ndlr]. Mais en même temps il entretient une correspondance avec la fille au pays qui lui est promise depuis toujours. Une fois les papiers dans la poche, il lui crache dessus, l’insulte de tous les noms en arabe. Il ramène via le regroupement familial celle qu’il a gardée sous le coude et après ? Eh ben ça fait des enfants. C’est le cas de beaucoup de ressortissants turcs qui se marient avec des Françaises avant de divorcer pour se remarier avec des Turques et refaire des bébés. Mais il ne faut pas le dire, ça pourrait donner des idées…

    Pourquoi des procédures tel que le changement de statut d’étudiant à salarié sont si complexes ?
    Normalement, un étudiant doit repartir dans son pays à la fin de ses études… Ce n’est pas bien de délaisser son pays, il faut y retourner pour faire évoluer les choses. On est preneur si l’étranger obtient un poste en CDI dans un secteur en pénurie pour rendre service à la France.

    Y a-t-il des quotas qui vous sont imposés ? Quelles sont vos conditions de travail ?
    Nous n’avons pas de pression du tribunal administratif, pas de quotas officiellement institués. On applique des circulaires et des notes internes… Cela dit, on souffre d’une baisse des effectifs, de remaniements de mission, des économies sur les dépenses de l’Etat. Mais aussi de cadences infernales particulièrement en région parisienne. On travaille à la chaîne, c’est épuisant moralement et physiquement… Il faut voir l’état de fatigue des agents ! Le temps de traiter dix dossiers, quinze autres vous tombent dessus. C’est devenu quasi impossible de faire tenir toutes nos missions dans nos 35 heures. On a l’impression que notre travail est perdu d’avance. Résultat : on bosse avec toujours autant de respect et un peu moins de patience. Il y a un vrai mal-être, surtout que pour les chefs, ce n’est jamais assez.

    Comment vous situez-vous politiquement ?
    Comme la majorité des fonctionnaires, plutôt à gauche. Il faut une ouverture d’esprit pour travailler dans le service public.

    (1) Union des syndicats des personnels administratifs et techniques du ministère de l’Intérieur

    Dounia Hadni

    Là c’est du très lourd !!!! Dans le genre "je suis pas raciste mais…"
    La conclusion étant quand même la maxi cerise sur le gâteau.

    #immigration #étrangers #carte_de_séjour #préfecture #discriminations

  • Relation sexuelle avec une mineure de 11 ans : un homme poursuivi pour « atteinte sexuelle » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/09/26/relation-sexuelle-avec-une-mineure-de-11-ans-un-homme-poursuivi-pour-atte

    Une adolescente de 11 ans avait porté plainte pour « viol » en avril 2017 contre un homme de 28 ans. Le parquet a considéré que la fillette était consentante et qualifié les faits « d’atteinte sexuelle ».

    Comment qualifier pénalement les faits dont a été victime Sarah, 11 ans ? Le parquet de Pontoise a estimé qu’il s’agissait d’un délit et plus précisément d’une « atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans ». La partie civile conteste : c’est un viol, passible de la cour d’assises. Le procès qui devait se tenir aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Pontoise a été renvoyé le temps d’examiner des nullités soumises par un avocat de la défense qui s’est récemment constitué. Il ouvre néanmoins un débat : celui du consentement d’une enfant de 11 ans. « Ce qui est scandaleux, c’est que les faits datent du mois d’avril et ils ont été jugés en juin, avant un premier renvoi de l’audience. C’est donc un traitement expéditif ! », dénonce Me Carine Diebolt, avocate de Sarah. Je suis également choquée par la qualification retenue. »

    Revenons aux faits, révélés ce mardi par Mediapart. Un jour d’avril 2017, sur le chemin du retour du collège, Sarah est abordée par un inconnu de 28 ans. Elle accepte de le suivre jusque dans un immeube où il essaie de l’embrasser. « Elle a compris à cet instant que le piège s’était refermé sur elle, qu’on avait endormi sa conscience. Mais elle était tétanisée, elle n’osait pas bouger, de peur qu’il la brutalise. Elle a pensé que c’était trop tard, qu’elle n’avait pas le droit de manifester, que cela ne servirait à rien, et elle a donc choisi d’être comme une automate, sans émotion, sans réaction », témoigne sa mère dans Mediapart. L’homme exige une fellation, la fillette obtempère. Puis, elle le suit jusqu’à son appartement où il la pénètre sexuellement. A peine sortie, paniquée, Sarah prévient sa mère et lui raconte tout.

    « Ce ne sont pas des mécanismes de défense mais de survie »

    Le parquet de Pontoise a choisi de ne pas retenir la qualification de viol qui figurait initialement sur la plainte. Pour rappel, selon le code de procédure pénale (art 222-22 et 222-23), pour qu’un viol soit caractérisé juridiquement il faut démontrer que la victime a subi une « contrainte, une violence, une menace ou une surprise ». Le fait que Sarah ne soit âgée que de 11 ans ne change rien à cela, il n’existe aucune atténuation en cas de minorité. La France se démarque ainsi d’autres pays occidentaux comme l’Espagne, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Belgique, l’Angleterre, le Danemark ou la Suisse qui considèrent qu’il existe une « présomption irréfragable d’absence de consentement du mineur d’acte sexuel » tout en retenant des seuils d’âges différents. La loi française ne fixe pas non plus d’âge du discernement, « il appartient aux juridictions d’apprécier si le mineur était en état de consentir à la relation sexuelle en cause », a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision de février 2015.

    Dans le cas présent, le parquet a donc établi que la passivité de la fillette, son absence de réaction ou de contestation ne permettait pas de qualifier le viol. Me Carine Diebolt conteste : « Le parquet est passé à côté d’une juste analyse de la situation. Sarah n’a pas crié, elle ne s’est pas débattu, elle dira elle-même dans une audition qu’elle était "bloquée". En psychotraumatologogie, cela s’appelle de la sidération. L’expertise dit bien qu’elle est "sidérée" et "dissociée". Ce ne sont pas des mécanismes de défense mais de survie. » Le parquet qui voit plutôt un consentement s’est appuyé sur l’article 227-5 du code pénal pour qualifier l’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans : « le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni suprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de 75 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement ». La procédure n’étant pas criminalisée, il n’y a pas eu de saisine obligatoire du juge d’instruction. Le dossier devrait finalement être jugé en février prochain devant le tribunal correctionnel. « Pour moi, il est clair que l’agresseur a agi par surprise et a exercé une contrainte morale sur Sarah, ce qui permet de constituer le viol. Et c’est ce que je vais plaider », conclut Me Carine Diebolt.

    Affaire scandaleuse mais tristement banale s’il n’y avait le très jeune âge de la victime. Cela démontre une méconnaissance totale des mécanisme psychologiques en situation d’aggression mais est ce étonnant ?
    Le viol est un paradoxe total révélateur de l’incapacité ou plutôt du refus de la société à criminaliser cette violence extrême. En terme de droits la société ne peut que criminaliser l’acte lui même sous peine de passer pour une société dégénérée. Le viol est donc passible de très fortes peines et le mis en examen doit être jugé aux assises.
    Dans les faits, le corps des femmes et des enfants étant considéré comme la propriété du père, frère, oncle, mari, amant, patron etc on fait en sorte que les viols ne soient quasiment jamais condamnés. Environ 1% des viols commis voient leurs auteurs condamnés aux assises. Qu’est ce donc sinon une impunité quasi totale ?
    Le système est organisé dans ce sens à partir des faits commis et tout le long de la chaîne : l’entourage, le regard social, la confrontation avec la police, avec la justice, le milieu professionnel éventuel, les confrontations avec le bourreau, la correctionnalisation, les medias, le code pénal, le jugement… en cohérence avec l’invariant sexiste de la société française.
    Chaque expérience à laquelle il m’a été donné d’assister dans mon entourage m’a amenée à la conclusion que si la victime n’est pas très, très bien entourée socialement et juridiquement elle y laissera des plumes. C’est à dire qu’être entourée ne permet pas d’avoir gain de cause, cela permet juste de ne pas ressortir de ce marathon judiciaire complètement détruite psychologiquement.
    On en arrive à une situation où il est plus dangereux pour la victime de porter plainte que de se taire. Et vu ce qu’il se passe, il est hélas parfois préférable dans son intérêt individuel de ne pas porter plainte, même si ce n’est pas comme ça qu’on arrivera à faire bouger les choses. Je ne sais pas comment on peut lutter efficacement contre cette situation. Il faut une implication concrète des militant-e-s, des associations mais pour ça il faut de l’argent et il n’y en a pas.

    Autre article : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/justice-pourquoi-l-agression-sexuelle-d-une-enfant-n-a-pas-ete-qualifiee-de

    #viol #pédophilie #sexisme #justice #violence #enfants