Femmes et justice pénale - Le témoignage des femmes victimes de viols au xixe siècle

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  • Le témoignage des femmes victimes de viols au xixe siècle
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    Les femmes peuvent-elles avoir recours à la justice en cas de violences sexuelles au xixe siècle ? La démarche de la plainte est socialement et psychologiquement extrêmement difficile. La procédure judiciaire est également longue et périlleuse avant qu’une condamnation des violeurs n’intervienne. Le Code pénal devait a priori permettre aux femmes de se plaindre, mais les échos de l’enquête, le caractère public des sessions d’assises et un jugement quelque peu aléatoire permettent d’en douter. Vu la quasi-impossibilité de porter plainte pour viol, il importe à l’historien de voir qui sont les rares femmes qui le font et les difficultés qu’elles rencontrent. Il convient aussi de voir dans quelle mesure leur démarche est couronnée de succès.

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    2 Nous limiterons notre propos aux cas rares de témoignages de femmes victimes de viols ou d’attenta (...)
    2L’histoire du viol s’inscrit dans un genre précis. La victime est toujours une fille ou une femme et l’agresseur un homme, dans un crime qui se définit par la pénétration « du sexe féminin par le membre viril » pour reprendre une terminologie de l’époque1. La victime doit surmonter ses préventions pour témoigner d’un crime qui concerne d’une certaine façon sa sexualité. Or son témoignage seul ne suffit pas à établir les faits de coït et de non-consentement. Des rares cas concernant des victimes de plus de quinze ans2, que nous avons relevés en Mayenne et en Maine-et-Loire, nous permettent d’affirmer que le caractère de publicité des faits ou une défloration récente semblent déterminants dans le recours à la justice. Les faits sont patents lorsque les blessures sont graves et invalidantes ou lorsqu’une intervention extérieure a pu empêcher ou stopper le viol. La multiplicité des agressions (cas de l’inceste notamment) sur une plus ou moins longue période ou la multiplicité des agresseurs permettent aussi la plainte. Certaines jeunes filles victimes d’inceste finissent par se plaindre auprès des voisins ou de parents, parfois pour protéger leur sœur ou éviter une grossesse à l’adolescence. Les affaires de viol collectif, en multipliant les protagonistes, rendent plus difficile le secret et, dans ce cas, on ne met pas en doute le non-consentement et la persévérance de la résistance des victimes. Apparaît ainsi une typologie des affaires qui arrivent à la justice : jeunes filles secourues à temps ou victimes de viols