Macron ou le service de la classe, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 3 octobre 2017)

/2017-10-03-Le-service-de-la-classe

  • Matignon met France Stratégie sous tutelle, jugeant son rapport « farfelu »

    http://www.latribune.fr/economie/france/matignon-met-france-strategie-sous-tutelle-jugeant-son-rapport-farfelu-753

    Edouard Philippe va annoncer vendredi une reprise en main de France Stratégie, l’organisme de réflexion économique dépendant de Matignon, après un rapport aux propositions jugées « farfelues », notamment un nouvel impôt immobilier, a-t-on appris jeudi de source proche du Premier ministre.

    La décision fait suite à la publication d’un rapport mercredi aux pistes volontairement « radicales » pour résorber les dettes publiques en Europe, aux propositions visiblement très éloignées de l’esprit de l’exécutif Macron-Philippe.

    Dans son rapport publié mercredi, France Stratégie proposait notamment une solidarité financière accrue des Etats de la zone euro, un rachat de la dette publique des Etats par la BCE, ainsi qu’un impôt exceptionnel sur le capital immobilier.

    Selon cette proposition de nouvel impôt, l’Etat pourrait décréter « qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d’une fraction fixée de leur valeur ».

    Il deviendrait ainsi « créditeur d’une somme annuelle, correspondant à une part de la fraction de la rente immobilière associée à la copossession du terrain ».

    • Mieux que Super Dupont ! Super Edouard Philippe va sauver la France !

      Je demande à mes potes (ou disons mes patrons) de pondre une ineptie effrayante pour les quelques un(e)s qui ont voté pour moi.
      Je fais le sauveur !
      Pendant ce temps là, j’éradique tout le social de ce pays, au profit de mes susdits potes.
      Belle opération de #manipulation #médiatique.

    • Comme parmi d’autres instances qui contribuent à gouverner la restructuration (par ex. le FMi sur la dette grecque), il se passe quand même des choses bizarres au Conseil d’analyse économique. La politique néolibérale parait tanguer quand, par exemple, l’économiste du régime, Aghion, se voit démenti par ce conseil.

      https://blog.mondediplo.net/2017-10-03-Le-service-de-la-classe

      Le 21 septembre au 7-9 de France Inter, la science économique en majesté avec Philippe Aghion. Question : « Y a-t-il un lien prouvé et démontré entre la facilité à licencier et la facilité à embaucher ? ». Réponse aux avirons : « Je pense qu’il y a eu des études, je ne peux pas vous dire quelle étude, mais enfin c’est prouvé, c’est établi ». La science donc, un peu bafouillante, mais la science : il doit y avoir « une étude » quelque part, mais on ne sait plus où on l’a mise, ni même si elle existe, peu importe en vérité : « c’est prouvé ». Ah mais flûte, voilà qu’on a retrouvé une « étude », du Conseil d’Analyse Economique, dont Aghion fut membre de 2006 à 2012, et qui dit ceci : « Il n’y a pas de corrélation démontrée entre le niveau de protection de l’emploi et le #chômage (8) »… Dans n’importe quelle société démocratique décemment constituée, voir engagé si lourdement le sort de tant de personnes par de pareils tocards sur des bases aussi inexistantes serait instantanément un objet de scandale national. Pas ici.

    • par rapport au commentaire de @colporteur le « focus » du conseil d’analyse économique se trouve ici : http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/cae-focus03.pdf

      et ses conclusions sont :

      Au total, deux conclusions essentielles peuvent être tirées de
      ces travaux empiriques :
      > il n’y a pas de corrélation démontrée entre le niveau de protection de l’emploi et le taux de chômage ;
      > une protection plus stricte de l’emploi réduit l’emploi.

      Je me permets de douter du caractère « essentiel » de ces conclusions, au vu de « l’ambiguïté » (selon le mot de l’auteure du focus elle même) du rapport entre ces notions Protection/TauxEmploi/TauxChomage dans les études économiques (théoriques ou empiriques).

    • tout-à-fait, d’ailleurs cette interview de france inter du « grand chercheur en économie » est effarante à ce sujet : monsieur aghion qui a « tout écrit, tout prévu », en guise de démonstration, nous dit qu’il « croit dans la flexisécurité » et le « tropisme scandinave » ... et donc qu’il faut flexibiliser ! Pensez donc, si j’y crois, c’est que c’est vrai !!!

      https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-21-septembre-2017

      du coup, osons causer a fait une vidéo à ce sujet :
      http://osonscauser.com/loi-travail-baisse-chomage-cest-faux-dit-science-economique

    • Pour savoir ce que c’est que l’inconscience subjectivement vécue du journalisme objectivement au service de la classe, il suffit de lire l’article du Monde intitulé « Macron face à l’étiquette de président des riches ». Citons : « L’opposition tente d’installer la même petite musique qu’il y a dix ans : “Macron, président des riches” » . Sans les cabales vicieusement musicales de « l’opposition », la chose, en effet, aurait-elle pu venir à l’idée de quiconque ? À lire la suite de l’article, il y a de quoi en douter car, en définitive, pas un fait susceptible de soutenir cette retorse accusation n’est réellement établi, preuve en est qu’ils méritent tous le conditionnel et surtout de les faire endosser par les petits musiciens : « les “insoumis” seraient les représentants du “peuple” face à l’ancien banquier d’affaire devenu président de “l’oligarchie” » ; à en croire des socialistes — des socialistes ! — « le nouveau président mènerait une politique inégalitaire ». Mais rien de tout ça n’est assuré, on demandera sans doute aux Décodeurs de trancher : le président Macron mène une politique pour l’oligarchie, vrai ou faux ?

      Ni de droite ni de gauche : « efficace » !

      Il faudra bien ça pour éclaircir cet incompréhensible mystère : comment se peut-il en effet qu’une élection de classe tranchée comme jamais livre ainsi une politique de classe tranchée comme jamais ? Heureusement un « conseiller » de l’Elysée vient nous sortir de la difficulté : « La question n’est pas de savoir si le budget est pour les riches ou les moins riches [car dans la tête d’un « conseiller », les pauvres n’existent pas, il n’y a que « des moins riches »], s’il s’agit d’un budget libéral ou social, la question, c’est celle de l’efficacité ».

      La récurrence entêtante, presque frénétique, dans le discours gouvernemental de ce topos vieux comme Deng Xiaoping (lui parlait des chats à qui on ne demande pas s’ils sont marxistes ou pas mais d’attraper les souris) ou Tony Blair, qui déclamait semblablement (les souris en moins) devant les parlementaires français en 1998, en dit long sur la sécheresse d’imagination d’un gouvernement qui porte le service de la classe à son comble, et ne pourra, en effet, jamais se trouver d’autre vêtement que « l’efficacité » — quand bien même tout ce qui a été fait depuis trente ans, et qu’il se propose simplement d’intensifier, a spectaculairement échoué. Heureusement, il y a la presse pour s’émerveiller de la modernité du vieux, de l’inédit du non-advenu (« le clivage gauche-droite n’existe plus »), ou de la percée du surplace (« LRM n’est pas un parti »). Et puis pour examiner avec gravité les arguments de « l’efficacité »...

      #journalisme_de_classe #l'efficacité_en_question

    • Oui avec comme par hasard la présence de Jean-marc Daniel, l’économiste libéral macroniste aujourd’hui à l’instant au journal de 12h30 sur france-culture : « Non, Macron ne se positionne pas en président des riches mais plutôt en termes de croissance ou stagnation [plutôt qu’ en termes riches/pauvres]... »

      Encore à voir...
      Offensive de l’exécutif pour défendre sa politique fiscale
      à 6:16
      http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/10059-04.10.2017-ITEMA_21453434-0.mp3

      #économiste_au_service_de_la_classe #choix_de_l'efficacité

    • Macron, « Nu dans ses bottes »

      Partout autour de nous, de l’Allemagne à l’Espagne, dans les urnes ou dans la rue, les évènements politiques de ces huit derniers jours ont mis en lumière l’étouffement démocratique qui accompagne le libéralisme économique transnational imposé comme seule politique possible.

      C’est pourtant la semaine qu’a choisie M. Macron pour expliciter et assumer non seulement l’obédience droitière et eurobéiste (lire européiste béate) de sa politique, mais aussi la conception de mise à distance démocratique qui l’accompagne immanquablement.

      Qu’on se comprenne : depuis le mois de mai, M. Macron a largement eu l’occasion de nous démontrer son orientation néolibérale, comme en atteste l’anéantissement de la forme républicaine du droit du travail. Mais c’est une autre affaire que de rendre celle-ci visible et sensible aux yeux du plus grand nombre. La présentation du budget 2018 a joué ce rôle de révélateur. La dimension symbolique de la suppression de l’ISF sur la part mobilière en fait partie. Jets, voitures de sport et chevaux de course aidant, M. Macron est désormais et durablement estampillé comme le président des riches.

      La même semaine, l’État laissant filer STX sous pavillon italien et Alstom étant livré aux Allemands, M. Macron révélait aussi sa politique industrielle : privilégier l’avènement de grands acteurs européens laissés aux soins des forces du marché au prix de l’abandon de toute régulation et de toute pensée stratégique nationale.

      Ne manquait que la théorisation de tout cela : droit dans ses bottes, le Président Macron s’y est essayé mardi dernier à la Sorbonne. Droit dans ses bottes, il a assumé ce jour-là la prévalence de la souveraineté européenne sur la souveraineté française, allant jusqu’à mettre sous le boisseau les représentations nationales au sein de la Commission européenne. En fidèle, fût-il énamouré comme Castaner ou simple collaborateur comme Fillon en son temps, le Premier ministre ne disait pas autre chose deux jours plus tard sur le plateau de France 2 lorsqu’il considérait le CETA comme ratifié puisque le Parlement européen s’en est chargé.

      Alors que s’accélère la désagrégation des structures en France (dans le champ syndical avec la mise en minorité du secrétaire général de FO, dans le champ politique avec la scission au sein du FN, au sein du PS avec la résurgence d’une frange vallsiste, chez LREM avec la menace d’autonomisation de parlementaires…), c’est donc dans le modèle politique européen qui le surplombe et qui lui-même vole en éclat que M. Macron a été chercher l’inspiration à ses basses-œuvres.

      Dépourvu de base sociale pour mener une telle politique, M. Macron en est réduit à agir comme le fait dans chaque pays la Caste : tenter d’imposer une politique maximaliste tandis qu’il voudrait retirer au peuple jusqu’à sa souveraineté pour la confier aux gardiens bruxellois du temple libéral. Mais le coup de force ne fait pas le droit. À n’en pas douter, celles et ceux qui l’expriment déjà avec tant de force à l’occasion des mobilisations contre les ordonnances de la loi travail se verront demain renforcés par toutes celles et tous ceux pour qui le projet présidentiel est enfin révélé dans sa nudité la plus crue.

      L’édito de François Cocq