Critique : Les Diaboliques, de Henri-Georges Clouzot ▻http://www.dvdclassik.com/critique/les-diaboliques-clouzot
Critique : Les Diaboliques, de Henri-Georges Clouzot ▻http://www.dvdclassik.com/critique/les-diaboliques-clouzot
Un panorama du phénomène de la sorcellerie et de sa répression au fil des siècles, relié aux études sur l’hystérie, ainsi qu’un réquisitoire violent contre l’Inquisition. Fascinant par son sens extraordinaire de la composition et sa force expressive.
« Ce documentaire reconstitué est d’une liberté déconcertante ; la magie triomphe et les vieilles sorcières trempent dans leur potage des crapauds et des membres de jeunes enfants, […]. Les diables et les animaux maudits allument des feux d’enfer et les fidèles embrassent le derrière du démon […]. Häxan n’est pas seulement la description fidèle d’une époque magique, son but est plus vaste et Christensen dépose avec son film le plus violent réquisitoire contre la criminelle Église […]. Ce documentaire devrait passer dans tous les lycées du monde.
À ces arguments somme toute classiques, Benjamin Christensen en ajoute un autre plus novateur pour l’époque car d’inspiration féministe. La sorcellerie telle que le cinéaste la représente prend en effet des allures de véritable guerre des sexes, menée par les hommes à l’encontre des femmes. La mise en scène du segment que consacre Häxan à l’Inquisition est à ce titre particulièrement révélatrice. Rares sont les plans cadrant ensemble un homme et une femme. Et si tel est le cas, soit l’homme témoigne alors de sa crainte à l’égard de la femme - comme ce moine effrayé par le désir que lui inspire une jeune veuve -, soit la femme est montrée comme brutalement soumise par l’homme - telle cette même veuve désormais accusée de sorcellerie, entravée dans un carcan et interrogée par un inquisiteur. La plupart du temps, Benjamin Christensen utilise le champ/contrechamp pour séparer et opposer de manière quasi hermétique la phalange masculine formée par les moines à leurs victimes féminines. Usant parfois de la contre-plongée pour photographier les hommes et de la plongée concernant les femmes, le cinéaste achève ainsi de camper un cadre social phallocratique. Et la croyance en la sorcellerie apparaît dès lors comme un moyen de pérenniser celui-ci ; ainsi que le dit l’un des intertitres à propos des temps médiévaux : « Il ne fait pas bon être vieille et laide ou jeune et belle. » Ou, est-on tenté d’ajouter, femme d’une manière plus générale ! »
▻http://www.dvdclassik.com/critique/haxan-la-sorcellerie-a-travers-les-ages-christensen
Häxan : Witchcraft Through the Ages (1968)
A foreign affair - 1948
▻http://elviscadillac.com/138105-a-foreign-affair-film-1948-cadillac.html
Directed by Billy Wilder
Produced by Charles Brackett
Screenplay by Billy Wilder, Charles Brackett, Richard L. Breen, Robert Harari (adaptation)
Story by David Shaw
Starring Jean Arthur, Marlene Dietrich, John Lund
Music by Friedrich Hollaender
A Foreign Affair is a 1948 American romantic comedy film directed by Billy Wilder and starring Jean Arthur, Marlene Dietrich, and John Lund. The screenplay by Wilder, Charles Brackett, and Richard L. Breen is based on a story by David Shaw adapted by Robert Harari. The film is about a United States Army captain in occupied Berlin who is torn between an ex-Nazi cafe singer and the United States congresswoman investigating her. Though a comedy, there was a cynical, serious tone to the overall project.
►https://www.youtube.com/watch?v=QYpNb5EGwhY
▻http://media-cache-ec0.pinimg.com/736x/a9/3e/8f/a93e8f552b74763ead2ac58c1991adeb.jpghttp://www.doctormacro.com/Images/Dietrich,%20Marlene/Annex/NRFPT/Annex%20-%20Dietrich,%20Marlene%20%28A%20Foreign%20Affair%29
Dans le Berlin de 1946, une prude enquêtrice découvre les dessous de l’occupation américaine... Qui d’autre que
#Billy_Wilder, chassé de son cher #Berlin quinze ans plus tôt par l’arrivée d’Hitler au pouvoir, aurait osé tourner une comédie dans les décombres de la ville ? Un film ravageur, avec Marlene Dietrich et Jean Arthur.
▻http://www.arte.tv/guide/fr/012177-000-A/la-scandaleuse-de-berlin
Je recommande le film pour son ton laconique et désenchanté, surtout dans sa v.o. anglaise. C’est un régal pour les admirateurs de l’immortelle Marlene mais il est aussi remarquable pour son humour grinçant qui le rapproche des oeuvres comme Catch 22 et M.A.S.H.
Le message central : La dénazification est une farce absurde qui ne sert qu’à détourner les regards des vraies mobiles politiques et humaines.
Il faut se rappeller que le film date de l’époque avant la le blocus de Berlin et de la fondation de l’état ouest-allemand. Billy Wilder et son équipe retournent à Berlin après des années d’exil et font comprendre aux spectateurs qu’ils en on marre de la double morale et de l’affairisme qu’on impose aux hommes et femmes du monde entier.
A noter : la deuxième comédie berlinoise de Billy Wilder One, Two, Three beaucoup plus légère qui raconte la confrontation d’un capitaliste (James Cagney) étatsunien et un jeune communiste allemand (Horst Buchholz) qui a épousé la fille du premier en secret.
La figure moderne du zombie
▻http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19427197&cfilm=37994.html
#critique_a_2_balles #cinema #les_guerriers_de_la_nuit #the_warriors
#zombie #New_york #sexy #beat_street #john_carpenter #Assault #walter_hill #1979
L’aube du Western crépusculaire
Bien sur, vous l’avez compris, je m’entraine à trouver des titres qui se la pètent... Peut-être bien qu’il y a existé des westerns crépusculaires avant 1961. Et d’ailleurs je ne sais même pas ce que veux dire « oh, je viens de voir un western crépusculaire d’excellente facture ».
Je note, dans ce premier film de Samy, l’envie fondatrice d’aller dans le méga concret, de creuser jusqu’au bout. Qui dit western dit indien, et qui dit indien dit décollement du cuir chevelu. Et je me rends compte que c’est la première fois que je vois un western qui s’occupe de ça, ce qu’est vraiment être scalpé...
et puis encore une question. Pourquoi les réalisateurs dont un des thèmes principaux est de décrire des femmes, des femmes différentes de la manière dont elles sont décrites brièvement dans le reste des films américains, pourquoi ces réalisateurs sont souvent dits féministes. On n’en sait rien. On peut juste dire que leurs films travaillent une représentation des femmes. Ou pire, de la femme.
Visiblement en 1961 le cinéma indépendant américain a encore pas mal de mal. Le héro tue le fils de l’héroïne par mégarde. L’héroïne veut alors enterrer son fils elle-même en traversant les États-Unis. Le héro et deux autres connards l’accompagnent.
▻https://www.youtube.com/watch?v=uIon6rDKHAU
#critique_a_2_balles #cinema #western #1961 #new_mexico #Sam_peckimpah #the_deadly_companions #crépusculaire #viol #scalp #indiens
1er film de #Sam_Peckinpah (1926-1985)
+ tard, en 69, il réalise une des plus sanglante scène de western avec la horde sauvage. Censuré à sa sortie par la Motion Picture Association of America (MPAA). Et oui ! les states étaient en pleine guerre du #Vietnam. L’#hémoglobine qui arrose le spectateur de cinoche n’était pas encore à la mode.
▻http://fr.wikipedia.org/wiki/Sam_Peckinpah
Bon bref je regarde ce film avant hier que j’avais déjà vu il y a plusieurs années. En y réfléchissant je trouve ça quand même assez formidable. On est d’accord que Kurosawa est considéré aujourd’hui comme un grand réalisateur classique japonais pour les vrais gens, les gens qui bossent, les lycéens, et tous ceux qui ne sont pas particulièrement passionnés par le cinéma, Les sept samouraïs c’est d’abord un film en noir et blanc, de trois heures et quart et donc potentiellement mondialement chiant et foncièrement inintéressant. Mais voilà pour les intellos cinémateux et puis les autres aussi, c’est un grand film.
On est d’accord j’exagère, je grossi la réalité en parlant des intellos cinémateux, en vérité il y a mille catégories et pareil pour les vrais gens. Mais bon il me semble que les intellos prout prout cinémateux ont quand même tendance à mépriser royalement les blockbuster, les films d’ados, les films d’action ou de SF ou tout ce que les vrais gens peuvent aller voir une fois par mois (vous savez les queues infinies devant les multiplexes le samedi, un samedi sur deux un film d’action pour faire plaisir au gars et un samedi sur deux une comédie romantique pour faire plaisir à la nana).
Or, je jure à tous ceux et toutes celles qui ne l’ont pas vu et qui sont à priori rebutés par la longueur de ce film, que Les sept samouraïs est un film d’action-aventure il y a 30 ans ça aurait pu être Indiana Jones ou Star Wars encore un peu plus il y a longtemps. Il y a des chevaux, il y a des sabres y’a des morts des entrainements une histoire d’amour et tout ça.
C’est vraiment énervant, j’ai envie de secouer des gars que j’ai croisé dans mes études et pour qui Kurosawa est respectable en leur disant que bordel que oui Les sept samouraïs c’est trop bien et puis c’est pas vraiment éloigné des films d’aujourd’hui pour lesquels ils n’accorderont même pas un regard sur l’affiche. En voyant le titre, en matant l’affiche ils disent « oui bon ça va on a compris... ».
Et puis il y a autre chose aussi dans ce film (qui pour le coup n’est pas franchement dans des films d’aujourd’hui). Ce film est aussi une leçon. Et je suis pas du genre à dire ça. C’est une leçon de tous les sens possibles du mot éthique, morale. Pas la morale que je réprouve entièrement, pas celle dont Léo Ferré disait « ce qui est fatiguant dans la morale c’est que c’est toujours la morale des autres ! ».
La bonté, l’abnégation, tous les exemples possibles pour nous la montrer. Putain de merde toutes les scènes sont là pour nous parler de ça. Toutes les nuances imaginables aussi. Je n’ai pas une très grande connaissance de la culture chrétienne mais il y a quelque chose dans ce film des évangiles mais au sens de mes grands parents, pas au sens de l’église.
Quelque chose des évangiles mais bien sûr en plus trépidant...
▻https://www.youtube.com/watch?v=TPDb1AV-aaw
▻http://s3.amazonaws.com/auteurs_production/post_images/16855/2.jpg?1407224199
Mais quand finira ce mois de janvier, véritable hiver chaud, et qui emporte tout sur son passage, Jacques Rivette vient grossir les rangs de l’hécatombe.
« l’homme qui décide à ce moment de faire un travelling-avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d’inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n’a droit qu’au plus profond mépris ».
Jaques Rivette à propos de Kapo de Gilles Pontecorvo
▻http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/01/29/le-realisateur-jacques-rivette-est-mort_4856051_3382.html#czDqQkllzsWUq0Rr.9
J’en viens à me demander, si ce n’est pas, aussi, une manifestation de mon âge avancé, plus je viellis et plus les figures tutélaires de la jeunesse, et de l’âge adulte, sont elles-mêmes proches du terme. Sale temps.
#fil honte à moi, je ne connais pas la Bataille d’Alger , en revanche Kapo , je l’ai vu et oui c’est une abomniation. M’en vais télécharger la Bataille d’Alger .
Personnellement tu auras compris que j’ai du mal avec un auteur qui prend des airs supérieurs et parle de son profond mépris (expression on ne peut plus bateau). Mais ça devait être dans ces années où les mao et les situ faisaient office de modérés dans l’espace intellectuel — c’est pardonnable. N’ayant pas vu Kapo je n’ai pas d’avis sur la cause (et ne cherche pas à en avoir).
Mais ça devait être dans ces années où les mao et les situ faisaient office de modérés dans l’espace intellectuel
L’âge d’or.
Je ne t’encourage pas à télécharger Kapo , c’est plutôt un très mauvais film et on ne peut que trouver fort juste le commentaire de Rivette sur le sujet et lui être reconnaissant (presque) d’avoir douché prospectivement bien des véléités futures de faire de la fiction cinématographique dans les camps. Cette prophylaxie aura duré assez longtemps finalement, et on voit bien, notamment avec le Fils de Saul , qu’une digue est le point de lâcher.
Pour le ton que tu dénonces, c’est sans doute ce qui m’a longtemps tenu éloigné des Cahiers du cinéma , cycliquement, j’y retourne, puis je m’en détourne, puis j’y retourne, ça fait plus de trente ans que cela dure je crois.
Et sinon ce que j’aurais voulu mettre pour ce billet (mais je ne peux pas de cet ordinateur), cela aurait été une scène de la Belle Noiseuse ou de Jeanne la Pucelle ou Secret Défense
J’ai vu la bataille d’Alger mais pas Kapo. Qu’est ce que tu entends par abomination ?
Sinon la critique de rivette : ▻http://simpleappareil.free.fr/lobservatoire/index.php?2009/02/24/62-de-l-abjection-jacques-rivette
@unagi Le problème, toujours le même, celui de la fiction en camp de concentration.
Et dans Kapo , effectivement, comme le notait Rivette avec ette attaque très dure à propos d’un certain travelling (au point que ce soit un des travellings les plus célèbres du cinéma), l’esthétisation. Mais c’est dit très vite de ma part et mon souvenir de Kapo doit bien dater d’une vingtaine d’années et je commence sérieusement à me méfier de mes lectures et autres de cette époque tellement lointaine.
Merci ! En cherchant je tombe sur une critique qui au contraire de celle de Rivette ne polémique pas sur le travelling mais enterre le scénario, scénario de l’abomination. Entre autres chose.
▻http://www.dvdclassik.com/critique/kapo-pontecorvo
"Car paradoxalement, et Rivette n’en parle pas (Daney encore moins, qui n’a pas vu le film), le film pêche en fait ailleurs, via des procédés bien moins raisonnables que ce simple travelling, faux procès choisi pour l’exemple...
Après un pré-générique d’une concision glaçante et qui plonge dans l’horreur des camps en cinq minutes terrifiantes, le scénario (pourtant d’une sobriété notable dans son premier tiers) s’enfonce peu à peu dans le mélo bas de gamme, avec l’arrivée dans le camp de prisonniers russes. Les rouages scénaristiques se grippent, et la romance (pas forcément invraisemblable pour autant) édulcore à ses dépends une œuvre jusqu’alors éprouvante et accomplie. Pontecorvo se brouilla un temps avec son scénariste, Franco Solinas, initiateur de ce virage à l’eau de rose qui plût tant aux producteurs italiens qu’ils l’imposèrent au final. Faute de goût majeure, la bluette entame sérieusement le crédit du film.
En cause aussi, la psychologie d’Edith/Nicole, pourtant campée par une très convaincante Susan Strasberg - fille du célèbre professeur d’art dramatique Lee Strasberg, remarquée pour sa composition d’Anne Franck sur les planches. Jeune juive qui se fait passer pour une prisonnière de droit commun afin d’échapper à la mort, son accession au rang de Kapo semble par trop mécanique, éludant les implications forcément déstabilisantes de cette « promotion » : jamais Edith ne semble vraiment ébranlée par les conséquences de sa nomination, d’ailleurs habilement dissimulée derrière une ellipse grossière.
Enfin, acoquinée avec un SS, la jeune femme trouvera une rédemption dans un final trop pompeux pour être honnête : on crie haro sur la mise en scène de Pontecorvo, plutôt retenue, quand c’est le script conformiste et racoleur de Solinas qui gangrène finalement le projet. Mise en scène estimable, scénario regrettable : Kapo est un film bancal, sur un sujet qui ne saurait souffrir aucun égarement
"
Pour finir, je suis toujours très mal à l’aise avec Nuit et Brouillard et son absence de représentation des camps, l’absence d’image étant l’absence des juifs au coeur de la solution finale.
Jacques Rivette (1928-2016) : Paris, Céline, Julie lui appartiennent, à jamais, dont un #entretien avec Daney, photos
▻http://diacritik.com/2016/01/29/jacques-rivette-1928-2016-paris-celine-julie-lui-appartiennent-a-jamais
#L'amour_fou #film #fiction #camps #critique
Nécro Le Monde
▻http://seenthis.net/messages/455402
@unagi Pour tout dire à quel point ma mémoire de ce film était précise, je crois que j’avais un peu oublié cette histoire de romance.
Ca va rejoindre la longue liste de mes approximations de Don Quichotte du Val de Marne.
À vos CB....
“Out 1”, de Jacques Rivette, en dvd
▻http://www.telerama.fr/cinema/out-1-de-jacques-rivette-quand-la-nouvelle-vague-etait-en-roue-libre,134457
Radical, fou, mais surtout invisible depuis vingt ans, le film-fleuve de Jacques Rivette sort enfin en salles et en coffret DVD-Blu-ray. Avec Michael Lonsdale et Jean-Pierre Léaud exaltés, Bulle Ogier et Bernadette Lafont terrifiées.
C’est le film monstre de la Nouvelle vague. Par sa durée au-delà de toutes les normes – près de douze heures et quarante minutes, de quoi effrayer le propriétaire de salles le plus téméraire. Et par son principe de réalisation, un recours radical, jusqu’au-boutiste, à l’improvision, qui fait de Out 1 un projet unique, « jamais fait avant, et qui ne sera jamais fait après », selon le chef-opérateur Pierre-William Glenn, l’un des artisans de cette folle aventure. Jamais exploité en salles dans sa version intégrale, projeté à de trop rares occasions dans une poignée de festivals au profit de quelques happy few, invisible depuis vingt-trois ans et sa diffusion en huit parties sur La Sept-Arte, le film le plus secret et le plus légendaire de Jacques Rivette revit aujourd’hui en salles, en VOD et dans un somptueux coffret DVD et Blu-ray grâce à la restauration entreprise par Carlotta Films. Retour sur la genèse d’une œuvre culte, en laquelle Eric Rohmer voyait rien moins qu’« un monument capital de l’histoire du cinéma moderne ».
Pornographie du « réalisme », esthétisation sans frein ni scrupule, Rivette disait fort bien les raisons pour lesquelles il n’est même pas souhaitable de voir Kapo.
« Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est difficile, lorsqu’on entreprend un film sur un tel sujet (les camps de concentration), de ne pas se poser certaines questions préalables ; mais tout se passe comme si, par incohérence, sottises ou lâcheté, Pontecorvo avait résolument négligé de se les poser.
Par exemple, celle du réalisme : pour de multiples raisons, faciles à comprendre, le réalisme absolu, ou ce qui peut en tenir lieu au cinéma, est ici impossible ; toute tentative dans cette direction est nécessairement inachevée (« donc immorale »), tout essai de reconstitution ou de maquillage dérisoire et grotesque, toute approche traditionnelle du « spectacle » relève du voyeurisme et de la pornographie. Le metteur en scène est tenu d’affadir, pour que ce qu’il ose présenter comme la « réalité » soit physiquement supportable par le spectateur, qui ne peut ensuite que conclure, peut-être inconsciemment, que, bien sûr, c’était pénible, ces Allemands quels sauvages, mais somme toute pas intolérable, et qu’en étant bien sage, avec un peu d’astuce ou de patience, on devait pouvoir s’en tirer. En même temps chacun s’habitue sournoisement à l’horreur, cela rentre peu à peu dans les mœurs, et fera partie bientôt du paysage mental de l’homme moderne ; qui pourra, la prochaine fois, s’étonner ou s’indigner de ce qui aura cessé en effet d’être choquant ?
C’est ici que l’on comprend que la force de Nuit et Brouillard venait moins des documents que du #montage, de la science avec laquelle les faits bruts, réels, hélas ! étaient offerts au regard, dans un mouvement qui est justement celui de la conscience lucide, et quasi impersonnelle, qui ne peut accepter de comprendre et d’admettre le phénomène. On a pu voir ailleurs des documents plus atroces que ceux retenus par Resnais ; mais à quoi l’homme ne peut-il s’habituer ? Or on ne s’habitue pas à Nuit et Brouillard ; c’est que le cinéaste juge ce qu’il montre, et il est jugé par la façon dont il le montre.
Autre chose : on a beaucoup cité, à gauche et à droite, et le plus souvent assez sottement, une phrase de Moullet : la morale est affaire de travellings (ou la version de Godard : les travellings sont affaire de morale) ; on a voulu y voir le comble du formalisme, alors qu’on en pourrait plutôt critiquer l’excès « terroriste », pour reprendre la terminologie paulhanienne. Voyez cependant, dans Kapo, le plan où Riva se suicide, en se jetant sur les barbelés électrifiés ; l’homme qui décide, à ce moment, de faire un travelling-avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d’inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n’a droit qu’au plus profond mépris. On nous les casse depuis quelques mois avec les faux problèmes de la forme et du fond, du réalisme et de la féerie, du scénario et de la « misenscène », de l’acteur libre ou dominé et autres balançoires ; disons qu’il se pourrait que tous les sujets naissent libres et égaux en droit ; ce qui compte, c’est le ton, ou l’accent, la nuance, comme on voudra l’appeler – c’est-à-dire le point de vue d’un homme, l’auteur, mal nécessaire, et l’attitude que prend cet homme par rapport à ce qu’il filme, et donc par rapport au monde et à toutes choses : ce qui peut s’exprimer par le choix des situations, la construction de l’intrigue, les dialogues, le jeu des acteurs, ou la pure et simple technique, « indifféremment mais autant ». Il est des choses qui ne doivent être abordées que dans la crainte et le tremblement, la mort en est une, sans doute ; et comment, au moment de filmer une chose aussi mystérieuse ne pas se sentir un imposteur ? Mieux vaudrait en tout cas se poser la question, et inclure cette interrogation, de quelque façon, dans ce que l’on filme ; mais le doute est bien ce dont Pontecorvo et ses pareils sont le plus dépourvus.
Mon cher @fil Et donc hier soir au ciné-club du Kosmos à Fontenay, j’ai pu voir au cinéma donc la Bataille d’Alger (dont j’avais un souvenir particulièrement flou, le confondant notamment avec d’autres films sur le même sujet). Ben de mon point de vue c’est la même abomination.
Dramatisation à outrance de certaines scènes avec la musique insupportable d’Enio Moricone, simplifications scénaristiques coupables et le truc assez malhonnête de filmer certaines scènes dans un style documentaire qui plusieurs fois dans le film pourrait laisser à penser (différence de grain, d’éclairage ou encore de développement du film etc...) que des scènes tournées sont des scènes documentaires.
De mon point de vue, je ne pense pas que la Bataille d’Alger soit si estimable. Ayant revu récemenment Kapo pour me faire une idée plus précise que celle de mon souvenir du fameux travelling , qui n’est, en fait, pas grand chose, mais qui est effectivement abominable, je continue d’être frappé par la vigilance intellectuelle et formelle de Rivette, de son avertissement et finalement, de sa justesse, surtout quand on voit la Bataille d’Alger qui recoure à d’autres procédés mais qui n’en sont pas moins détestables.
Et une fois de plus se pose la question de la fiction de l’histoire au cinéma. Pour moi il est frappant, par exemple, de constater que Patrick Rotman a réalisé un vrai chef d’oeuvre de documentaire sur le sujet de la guerre d’Algérie, l’Ennnemi intime et qu’il s’est fourvoyé entièrement en écrivant le scénario d’une fiction qui porte le même titre et qui est, elle aussi, une abomination.
Seconds (l’opération diabolique)
Un bon film de Frankenheimer, dans la lignée de The mandchurian candidate .
Le Père Noël a les yeux bleus de Jean Eustache (1967)
▻http://www.dvdclassik.com/critique/le-pere-noel-a-les-yeux-bleus-eustache
Sous l’œil de sa caméra, la vie provinciale n’apparaît ni pathétiquement dramatique, ni folklorique à l’excès, juste éminemment prévisible et routinière, oscillant entre la facilité des contacts de proximité, sa cartographie impitoyable (« je n’avais jamais osé aller au France ») et la mesquinerie inhérente à un patelin où « tout le monde connaît tout le monde », voire une paranoïa de la malveillance de quartier (« il payait des détectives privés pour donner de mauvais renseignements sur moi »). Désagrément pour un garçon dans la force de l’âge, en matière d’économie sexuelle l’offre et la demande n’y coïncident que rarement.
The Fury, De Palma, 1978.
Ça manque un peu de #films ces derniers temps sur seenthis.
Tourné après Carrie, ce #thriller #fantastique tient encore bien la route pour une soirée molle. De Palma touche à plusieurs genres dans ce film qui, malgré quelques longueurs contient quand même quelques scènes remarquables. La scène d’ouverture est digne d’un film d’espionnage. A noter aussi une scène de fuite au ralenti, ponctuée uniquement de musique, vraiment superbe. Le final, un peu branque, vire totalement dans le fantastique. Entre Dead Zone et l’Orange mécanique pour les thèmes, avec un traitement plus light. Avec Kirk #Douglas en père éploré vengeur, parfait et #Cassavetes en sale con.
Deux hommes dans Manhattan de Jean-Pierre Melville (1959)
▻http://www.dvdclassik.com/critique/deux-hommes-dans-manhattan-melville
un #film plein de défauts, bricolé, mais à l’atmosphère incroyable. Melville capte à merveille ce #New_York plongé dans la nuit, ses ambiances, le tout grâce à une mise en scène qui se révèle d’une belle inventivité malgré le peu de moyens dont le film dispose. On est certes encore loin de la précision maniaque de ses œuvres à venir, mais la manière dont il découpe le film (il utilise très peu de mouvements de caméra, allant par là à l’encontre du cinéma direct dont il se rapproche par sa manière de tourner) témoigne d’un évident talent de monteur et de cadreur.
salut à tous, à toutes et salut @intempestive,
sûre qu’il m’a fait bien plaisir ton message. C’est que, dans les premiers temps où j’ai eu internet (97-98) j’ai gouté avec grand plaisir le principe d’une communauté par le net. Parler régulièrement avec des gens, les connaitre, les retrouver, etc. Depuis pas mal d’années je crois avoir perdu cette pratique. Et puis en découvrant seenthis et rezo je retrouve un peu ça. Alors d’abord j’ai eu cette idée : parler de tous les films que je voyais sans en oublier aucun. J’ai vu l’intérêt, s’aiguiser le cerveau et se rendre capable d’écrire sur tout et n’importe quoi dans un temps très court. Et puis en même temps cette pratique quelque chose de vain, de terriblement vain. Alors petit à petit d’autres urgences ont prises le dessus... d’abord mon film toujours plus en travail que jamais, et puis un déménagement à organiser. Aujourd’hui je vis à Rennes.
Il y a eu l’été avec quatre très beau festivals. Et pour ceux là je ferais un billet à part. Mais ton message @intempestive m’a fait très plaisir, j’ai été heureux de comprendre que mais petites conneries étaient parfois lues.
#cinéma #rémi_gendarme #critiques_a_2_balles
Ah que ça me manquait une direction d’acteurs comme ça. Oui et puis bien sûr des acteurs aussi. Je me dis quelques fois qu’en documentaire comme en fiction, la parole ne se comporte plus pareil aujourd’hui. C’est comme si aujourd’hui, tout naturellement, la parole, le ton, l’accent, les mots, passaient dans le moule d’une norme universelle. Ce n’est pas que les personnes aient particulièrement un accent, mais leurs réflexes, leurs lieux communs, leurs habitudes de vie n’existent presque plus aujourd’hui.
Ça touche aux propos du film aussi. Deux bonshommes veulent faire un film de fiction sur un fait divers. L’un veut partir en enquête, rencontrer des gens et tout et tout. L’autre veut rester seul à écrire sans jamais rencontrer la personne concernée. Tout ça donnerait deux films, à chaque fois des documentaires... assurément.
Une sorte de Jules et Jim. En, je crois, meilleur.
►https://www.youtube.com/watch?v=d2WL7TTxlKw
Chers tous.
Au cours du siècle dernier, j’ai vu la Jetée de Chris Marker en VHS, à l’époque je vivais aux Amériques et la seule façon de voir ce film était de le regarder dans une vidéothèque extrêmement pointue, remplir toutes sortes de papiers etc... et on regardait le film sous l’étroite surveillance de la médiathécaire nécessairement sévère. Sur la cassette VHS le film de Chris Marker était suivi d’un autre court-métrage, dont j’ai oublié le titre et le nom du réalisateur et que je n’ai vu qu’à cette seule occasion, le film montre un condamné à mort (mexicain ?) auquel on passe la corde au cou, et par je ne sais plus quel stratagème il parvient à défaire les liens qui l’entravent, à sauter dans le cours d’eau au dessous du pont duquel il devait être pendu et à s’échapper, poursuivi il est bientôt rattrapé et de nouveau arrêté, plan de coupe, la planche sur laquelle il était en équilibre lâche, il est bel et bien pendu, il n’a fait que rêver de son évasion. Oui je m’excuse, je vous dis aussi comment le film finit. Est-ce qu’il y aurait parmi vous un cinéphile surdoué pour être capable de me retrouver le titre de ce film, et le nom de son réalisateur, et je vous aurais tout dit en vous disant que le film est en noir et blanc.
J’ai fait des recherches croisées vraiment opiniâtres dans le moteur de recherche avant de venir vous embêter avec cette histoire.
Amicalement
Phil
▻http://www.youtube.com/watch?v=GuP5kUQro40
#seenthis_c'est_bon_mangez-en
#merci @philippe_de_jonckheere
#whouahhhh @lyco
et tu peux retrouver ton VHS la prochaine fois que tu passes dans l’Iowa ▻http://fm.iowa.uiowa.edu/fmi/xsl/lmc/searchdetail.xsl?-db=LMC-Library&-lay=weblayout&-recid=355739&-max=25
Un peu long pour mon caractère et humeur du moment, mais beau.
Après l’étoile pour favoriser ou « à lire pour plus tard », on a maintenant le retweet :)
Aujourd’hui on trouve La Jetée sous cet URL :
►https://www.youtube.com/watch?v=zKW8kLGJYXg
Pourras-t-on un jour croire que le tumulte et les vociférations de notre temps n’auront pas raison de notre raison ?
Le fond de l’air est rouge (1977) de Chris Marker
▻http://www.dvdclassik.com/critique/le-fond-de-l-air-est-rouge-marker
Chris Marker retrace l’émergence de la nouvelle #gauche dans les années soixante et soixante-six à travers une série d’événements historiques. De la du #Vietnam à la mort du #Che, de Mai #68 au Printemps de #Prague, du #Watergate au coup d’Etat du #Chili, le #cinéaste dépeint les #luttes #idéologiques, les mouvements de #protestation et de #répression, les #espoirs et les #échecs d’une #génération #politique. Surtout, il critique de manière acide les #Pouvoirs et écrit la synthèse désenchantée de nombreuses années de militantisme, sans prétendre aucunement à l’exhaustivité et revendiquant à chaque minute la subjectivité de son essai.
Ici nous est présenté la deuxième partie : Les mains coupés
▻http://www.youtube.com/watch?v=RhZSqyroi_k
Entièrement constitué d’images d’#archives, #Le_Fond de l’air est rouge est un film charnière dans l’œuvre de Chris Marker qui signe le bilan d’une décennie de militantisme. Au cours de la décade 1967-1977, le cinéaste se préoccupe de l’émergence de la nouvelle gauche et des différents mouvements de contestation qui embrasent les capitales du monde entier. Mais l’engagement politique de #Chris_Marker est en réalité bien antérieur à 1967. D’une certaine manière, ce #documentaire éclaire rétrospectivement les premiers pas de Chris Marker en tant que cinéaste. Dans les années cinquante, il entreprend de nombreux voyages dans les pays #communistes, qu’il a immortalisés sur les documentaires Un Dimanche à Pékin et Lettre de Sibérie. A l’image d’autres cinéastes français comme Agnès Varda, il part également filmer #Cuba peu de temps après l’arrivée au pouvoir de #Castro au début des années soixante (Cuba Si). Chris Marker a longtemps refusé de se justifier sur ses positions politiques d’avant 1962, parfois critiquées pour leur trop grande complaisance à l’égard des #dictatures communistes. De crainte que le public contemporain interprète mal ses premières œuvres ou ne les sorte de leur contexte, Chris Marker s’est finalement décidé à s’expliquer en 1998, année au cours de laquelle il remanie une nouvelle fois le montage du Fond de l’air est rouge :
« Depuis longtemps, je limite le choix des programmes qu’on a la bonté de me consacrer aux travaux d’après 1962, année du Joli Mai et de La Jetée, et comme cette préhistoire inclut des titres concernant l’U.R.S.S., la #Chine et Cuba, j’ai capté ici ou là, avec l’émouvante empathie qui caractérise la vie intellectuelle contemporaine, l’idée qu’en fait c’était une manière de faire oublier des enthousiasmes de jeunesse – appelons les choses par leur nom : une autocensure rétrospective. Never explain, never complain ayant toujours été ma devise, je n’ai jamais cru utile de m’expliquer là-dessus, mais puisque l’occasion se présente, autant le dire une bonne fois : je ne retire ni ne regrette rien de ces films en leur temps et lieu. Sur ces sujets, j’ai balisé mon chemin le plus clairement que j’ai pu, et Le Fond de l’air est rouge tente d’en être une honnête synthèse » (1).
#Marxisme #Communisme #Utopie #Révolution #Contre-révolution #Capitalisme #Vidéo #Documentaire
Cinevilla (Kinopilseta), le charme d’un petit « Hollywood » letton
Complètement perdu dans la campagne lettone, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Riga, on trouve un petit village qui a été par hasard transformé en studio de cinéma au début des années 2000 pour terminer le film « Defendors of Riga » (Rigas sargi en letton).
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Il faut vraiment le chercher tant c’est mal indiqué sur la route, mais une fois sur les lieux, la magie opère. Sur moins de 200 hectares, on y trouvera une locomotive soviétique, quelques wagons équipés, une gare complète un village traditionnel avec son église, la réconstitution de plusieurs rues de Riga, un place publique avec ses réverbères et sa station de tramway, des ponts, un port et une petite partie du fleuve Daugava...
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A la fin du tournage du film « Defenders of Riga », comme d’habitude, il a été question de démanteler ces décors. Finalement, ils ont été conservés et outre l’intérêt « touristique » que ça représente, ces studios servent pour des séminaires, pour les écoles de cinéma qui y envoient leurs étudiants faire leurs exercices, etc...
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Je ne peux m’empêcher de penser à Jacques Tati et les magnifiques décors qu’il avait fait construire à Paris pour « Play time ». Quel immense gâchis. Tati s’est battu comme un fou pour les faire conserver, pour que le lieu puisse visité et surtout qu’il serve aux étudiants et jeunes cinéastes. La ville de Paris à l’époque avaient jugé que l’entretien coûterait trop cher et a fait détruire les décors (Tati lui même s’était considérablement endetté pour faire ce film qui restera comme un des chef-d’oeuvres du cinéma français du XXe siècle). Imaginez aujourd’hui si on avait gardé ce site (nostalgie).
Cinevilla est en tout cas le seul studio (intérieur et extérieur) existant dans les Etats baltes, lequel offre une variété d’activités qui lui permettent de survivre plutôt bien. On y trouve là-bas quelques passionnés qui ne comptent pas leur temps pour nous entraîner dans cet univers magique.
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Ici, un petit reportage photographique avec une trentaine d’images
▻https://www.dropbox.com/sh/v18uje9hb5hbl0g/R-vGVZLBOR
ici, une sélection de films ayant été totalement ou partiellement tournés à Cinevilla"
▻http://www.youtube.com/watch?v=AnByeBNs1Wc#at=338
Et là, le « trailer » du film « Defendors of riga »
Oublié de dire qu’on peut « louer » une après-midi pour pas cher et se servir du lieu, du matériel dispo pour faire son propre film avec ses copains ou ses enfants, conseillé par les gens là bas. Ça c’est la véritable réussite, de faire vivre ce lieu de cette manière.
En tout cas un bel exemple de succès, très modeste, où on ne fait pas de profit mais on fait vivre plusieurs familles plutôt bien tout en animant une activité intéressante et socialement utile.
pour moi, un exemple à suivre.
Image d’un film tourné là-bas :
La classe ouvrière à vif et à vie !
Avec le sang des autres (1974) un film de Bruno Muel
▻http://www.youtube.com/watch?v=3fANWq_CzWY
Dans #Avec_le_sang_des_autres, Bruno Muel peut enfin #filmer cette chaîne de Peugeot qui lui été interdite dans Week-end à #Sochaux.
Là encore, Bruno Muel reprend une forme documentaire classique pour aller au cœur du monde ouvrier de Peugeot. Ce #film, il l’a réalisé seul ou presque. Les #artisans des #groupes_Medvedkine n’ont pu conserver leur passion intacte face à la machine à broyer. Trop de luttes#syndicales, au jour le jour, trop de fatigue, l’usure des corps et des esprits. La #chaîne a repris ses droits et Muel tient à témoigner de sa force destructrice. Avec le sang des autres, c’est la description minutieuse d’une région entière sous la coupe de Peugeot. On découvre l’arbre généalogique de la famille dont les embranchements se répandent à tous les postes clés de #Sochaux et des environs depuis des générations. Main mise tentaculaire des homme Peugeots, mais aussi des moyens qui tissent un réseau aux mailles infranchissables. Les employés Peugeot sont allés à l’#école #privée Peugeot, à l’école d’apprentissage Peugeot, ont joué dans le club de sport Peugeot. Et ils sont enterrés dans des cercueils Peugeot portés par les corbillards Peugeot. Les #habitations (vétustes), la chaîne de magasins RAVI où chacun se rend, les #transports… toute la vie est estampillée Peugeot et il paraît impossible de s’en échapper. Peugeot établit une continuité entre le travail et la vie privée, en abolit les frontières. Sa #gestion de la chaîne, afin d’empêcher qu’une lutte s’organise, il la reprend dans le réseau d’#habitations de la #ville. Sur la chaîne, Peugeot fait de la "gestion logique des placements" en alignant les homme de manière à ce que chaque ouvrier ait le moins possible de points communs avec son voisin. En ville, Peugeot loge ses employés dans un semis de petites #cités mal desservies. Chaque #habitant peut difficilement gagner le centre ou d’autres foyers de #travailleurs, le seul transport en commun est celui qui les mène à l’usine.
L’élément central d’Avec le sang des autres, demeure la chaîne, véritable #monstre #destructeur qui avale la #vie des ouvriers. On ne peut vraiment saisir par l’image toute l’horreur de cette entité. Par ses scènes répétitives du #travail à la chaîne, le film entend décrire l’#aliénation des ouvriers, mais ces longues séquences, déjà interminables, ne peuvent pleinement donner corps à cet longue et usante suite de #gestes toujours #répétés, #reproduits à l’infini, #vidésde #sens. Il faut entendre le plus poignant des #témoignages pour commencer à saisir une once de la #destruction qui est à l’œuvre ici. En voix off, un #employé parle, ou plutôt essaye de parler. Car sa voix est usée, brisée. : "Quand t’as pas parlé pendant neuf heures, tu as trop de choses à dire que tu n’y arrives pas… tu bégaies". Il parle de ses mains abîmées, de ses pouces qu’il ne peut plus plier. Il ne peut plus toucher sa femme, déboutonner les vêtements de ses enfants. Cinq années de chaîne lui ont #volé ses mains. Il nous parle de la #honte, la honte de ce#travail qui n’est pas un #métier, la honte d’#être #soi-même. Il n’a plus de besoins, plus d’#envie. Il ne peut plus #lire, même pas par#fatigue, par #lassitude. "Je ne me dis même plus : à quoi ça sert de lire ? ». Et la #peur chaque jour d’y retourner. Et la peur de ne plus pouvoir y travailler, car après c’est le balai. Et « à 45 ans au balai, à 50 tu es mort".
Une employée parle de ses #rêves #détruits, d’une lutte qu’elle ne peut plus mener. "Le #Socialisme on n’y pense même plus. On ne sait même plus ce qu’on attend (…) le #bonheur on n’y croit plus, seulement par morceaux". Avec #le_sang_des_autres est un documentaire magnifique, aussi poignant que juste dans sa #description du monde ouvrier. Le film se termine sur une #fête entre les ouvriers, des chants, une certaine joie que Muel coupe brutalement par de nouvelles images de la chaîne. Le bruit des machines, qui court tout au long du film, souvent en off sur d’autres images, assourdit toutes ces vies. La douleur vient aussi du fait qu’Avec le sang des autres marque la fin d’un rêve. Les groupes Medvedkine, ce sont 330 minutes d’espoir et de lutte, une lutte souvent joyeuse, des espoirs souvent #mélancoliques. Une expérience unique, un #témoignage du monde ouvrier #indispensable, qui dépasse son cadre historique pour parler de notre époque avec une lucidité rare et#salvatrice.
#Bruno_Muel #luttes_Des_classes #Usine #Taylorisme #Ouvriers #prolétariat #Cités-dortoirs #Capitalisme #Peuples #Exploitation#Domination #Documentaire #Groupes_Medvedkine #Vidéo
Tant qu’il y aura des dominants et des dominés « la lutte des classes » aura un avenir infini...
À bientôt j’espère (1967-1968) un film de Chris Marker et Mariot Marret
▻https://www.youtube.com/watch?v=pswaIh0Qa-g
►http://www.dvdclassik.com/critique/a-bientot-j-espere-marker-marret
Marker filme la grève dans la filature de #Rhodiaceta (groupe Rhônes-Poulenc) de #Besançon en 1967, à la demande de #Pol_Cèbe, #bibliothécaire de l’usine. Cèbe envisage un projet où les ouvriers pourraient prendre en main leur #émancipation par la #réappropriation d’une #culture détenue par la #bourgeoisie. Ses préoccupations rencontrent celles de Marker et Marret qui désirent reproduire l’#expérience du ciné-train du cinéaste #Medvedkine. En 1932, le #réalisateur russe parcourait l’U.R.S.S. à bord d’un train, filmait les ouvriers et leur montrait juste après montage dans la journée le résultat. Application des théories de #Walter_Benjamin (1), l’idée était alors de permettre aux ouvriers de se #voir au #travail, de leur #donner les #outils pour l’#améliorer, bref #construire la nouvelle Russie. La méthode est directement issue de la première période du #cinéma où des #cinéastes itinérants allaient de ville en ville filmer les sorties d’usines et montrer le soir même aux habitants le résultat. Les gens se déplaçaient en masse, heureux de se voir, de voir leurs voisins, leurs amis. Medvedkine dépasse le simple #spectacle #mercantile dans une optique #politique et #sociale, un outil de #propagande au service d’un nouvel #idéal. Marker et Marret décident donc de prolonger cette expérience. Leur idée consiste à filmer au plus près le travail des ouvriers, leur mode de vie, de manière à leur faire #appréhender leurs #spécificités, leur culture, leur mode de vie. Et leur donner les outils pour changer leur condition. Tout commence avec un appel lancé à Marker par René Berchoud, secrétaire du CCPPO (voir bonus). Il l’enjoint de venir à #Rhodia car quelque chose s’y passe d’important. Déjà en #1936, les grandes #grèves démarrèrent dans les filatures du Jura et Berchoud sent qu’il n’assiste pas seulement à une grève, mais à une prise de #conscience. Une projection de Loin du Vietnam vient d’y être organisée, et ce pamphlet collectif a profondément marqué les ouvriers de l’usine. Pas seulement parce que c’est la première fois qu’une avant première est dédiée aux travailleurs, mais également car à travers ce travail, une idée se profile…
Marker et Marret tournent alors #A_bientôt _j’espère, dont le titre même évoque quelque chose qui prend #corps. Dans ce #reportage sur la grève de la Rhodiaceta (groupe Rhônes-Poulec), les ouvriers se livrent, peut-être pour la première fois, devant la #caméra. Leurs revendications portent non sur les #salaires, mais plus généralement sur leur #qualité de #vie, et surtout sur l’accès à une #culture qui jusqu’ici leur paraissait impossible. Des paroles qui annoncent #Mai #68. A l’origine, le mouvement naît des menaces de licenciement qui pèsent sur les 14000 ouvriers du #groupe. Les paroles des #dirigeants résonnent bizarrement dans notre #société actuelle. Ils se réfugient déjà derrière le marché commun, expliquant que les #suppressions d’#emploi ne sont pas de leur fait, mais leur sont imposées par des forces extérieures. A bientôt j’espère s’ouvre sur l’image d’ouvriers qui, Noël approchant, choisissent des sapins. C’est bien en quelque sorte la #fête qui va marquer la fin du mouvement, les ouvriers voulant, malgré tout, pouvoir offrir des cadeaux à leurs enfants. Si l’ouverture annonce la fin du film, elle enchaîne immédiatement sur un #meeting qui s’improvise sous la neige, annonçant d’emblée que malgré la fin abrupte du mouvement, il y a quelque chose qui en naît et qui se poursuivra.
#luttes_Des_classes #Usine #Taylorisme #Ouvriers#prolétariat #Capitalisme #Communisme #Culture #Peuples #Exploitation #Domination #Groupes_Medvedkine #Chris_Marker #Mario_Marret #Alexandre_Medvedkine #Pol_Cèbe #Documentaire #Vidéo
#Jean_Douchet analyse « Vivre sa vie » (1962) de Jean-Luc Godard qui est sans doute un de ses plus beaux films.
►http://www.dvdclassik.com/critique/vivre-sa-vie-film-en-douze-tableaux-godard
Après Une femme est une femme, un film en couleurs et en Cinémascope, une fantaisie musicale vaudevillesque et "socialogique", le virage que prend le cinéaste suisse pour son quatrième long métrage est à 180°. Dédié aux films de série B dont il reprend la vitesse d’exécution, la modestie du budget palliée par une constante inventivité de la mise en scène, la rapidité du tournage (à peine plus d’un mois) et même certains passages obligés du film noir (dont une fusillade, une guerre des gangs, etc.), Vivre sa vie est en même temps une poignante déclaration d’amour d’un réalisateur à sa muse et épouse, Anna Karina qui, coiffée à la Louise Brooks, s’avère ici étonnamment cinégénique, et son personnage sacrément touchant. Nana est vendeuse dans un magasin de disques mais a du mal à boucler les fins de mois. Expulsée de son appartement, elle doit absolument compléter son salaire et décide pour ce faire de se prostituer. Prise en charge par un souteneur, elle se met à faire régulièrement le trottoir... Mais contrairement à son homonyme du chef-d’œuvre littéraire de Zola, la Nana de #Godard n’est pas du tout manipulatrice et ne possède pas une once de méchanceté ; c’est au contraire une femme désemparée, fragile et très naïve qui, éprise d’absolu et de vérité, ne recherche qu’une seule chose : le bonheur ! « Tout est beau ! Il n’y a qu’à s’intéresser aux choses et les trouver belles » dira-t-elle à Yvette, une amie d’enfance qu’elle vient de retrouver et qui s’est mise elle aussi à la prostitution, trouvant son nouveau métier sordide comme à peu près tout ce qui l’entoure. En revanche, contrairement à cette dernière qui trouve des excuses à sa nouvelle situation, Nana lui rétorquera que « l’on est toujours responsable de ce que l’on fait. » D’une immense bonté, elle se révèle donc dans le même temps foncièrement honnête et suit son parcours avec grâce et sérénité, trouvant le bonheur dans les choses les plus simples : écouter une chanson de Jean Ferrat dans un bistrot, pleurer en même temps que la Jeanne d’Arc de Dreyer (deux séquences absolument sublimes), discuter philosophie avec un inconnu rencontré dans un bar... Anna Karina rayonne tout au long du film ; les gros et longs plans sur son visage sont d’une immense beauté et l’actrice peut remercier son mari de l’époque de lui avoir donné un personnage aussi admirable alors qu’elle était en pleine dépression, pas du tout confiante en elle sur le tournage.
Un extrait : scène déchirante d’une femme prise dans le piège de la prostitution. Le désespoir qui se lit dans le regard d’Anna karina est bouleversant.