Une pré-adolescente qui faisait plus que son âge

#nb1

  • Quand la domination adulte croise la domination patriarcale
    Des écrivaillons-éditocrates sur les chaines de la télévision publique peuvent bien régurgiter un Wittgenstein [1] mal assimilé – selon lequel on devrait taire les #violences_sexuelles parce qu’elles seraient après tout si ambigües, incommunicables ou irréductiblement singulières – cela sonne comme une mauvaise blague botulienne qui tout à la fois légitime le système dans lequel s’inscrivent les agresseurs, dilue les témoignages des femmes, réduit leur parole à un supposé sentimentalisme « victimaire » (on sait combien cet adjectif est une ruse de la raison dominante) et, en dernière instance, vise à défaire la possibilité d’une analyse et d’une solidarité féministes.

    Autrement dit, il s’agit ni plus ni moins de renvoyer les femmes qui ont subi des violences sexuelles à ce que Deleuze appelait « la manie du sale petit secret » – fond de commerce partagé de l’autofiction, de la psychanalyse, et de bien des fantasmes médiatiques. Le #viol n’est pourtant pas un « sale petit secret » incommunicable et il n’y a aucune raison d’exiger des femmes qui en sont victimes de le taire, ni de les réduire sarcastisquement, quand elles ont le courage d’en parler, au seul statut devenu péjoratif de victime.

    Dans l’affaire de Pontoise, la #domination_masculine croise la domination adulte et impose un silence doublement assourdissant à la victime, qualifiée tour à tour de « fille », de « fillette », voire de « pré-adolescente » « qui faisait plus que son âge ». L’homme de 28 ans ayant abusé d’une gamine de 11 ans avait lui-même deux enfants, dont un de 9 ans – on ne saura pas s’il fait plus ou moins que son âge. Un ##bon_père_de_famille.

    Comme l’écrit Yves Bonnardel, le statut social de l’enfant ne « consiste en rien de moins que l’imposition d’une famille, d’une école, et au-delà d’une éducation », autant d’institutions qui dépossèdent l’enfant de lui-même pour mieux lui imposer les normes de l’hétéronomie et consolider l’ordre social. Le bon père de famille de 28 ans ne voulait rien de moins qu’apprendre à la fillette de 11 ans à embrasser – une éducation à la galanterie, incluant fellation et pénétration.

    L’enfant ne s’appartient pas. L’enfant n’a pas de personnalité juridique, il a comme on dit « des tuteurs légaux ». Que ces tuteurs légaux ou d’autres adultes puissent abuser de lui et le brutaliser de mille manières est rendu possible par ce que Christine Delphy a qualifié de « vulnérabilité organisée » dans sa recension du livre de Bonnardel.

    L’argument de l’incommunicabilité est donc caduc ; si la vulnérabilité (des enfants, des femmes, des animaux) est organisée, non seulement on peut en parler, l’analyser, mais mieux encore : on peut la défaire.

    http://lmsi.net/Une-pre-adolescente-qui-faisait#nb1
    La domination adulte - présentation d’un livre d’Yves Bonnardel

    La domination adulte opprime profondément les jeunes. Les « enfants » sont aujourd’hui réputés particulièrement vulnérables et vivent sous l’emprise d’un statut de « mineur » qui, sous prétexte de protection, leur retire l’exercice des droits fondamentaux qui sont reconnus aux majeurs, aux « adultes ». Ce statut de mineur entérine en fait de nombreuses sujétions et partant, de nombreuses violences. La famille est ainsi l’institution sociale la plus criminogène qui soit, mais l’école est aussi un lieu privilégié d’exercice d’un ordre adulte oppressif. Ce livre rappelle les nombreuses luttes - habituellement passées sous silence - menées par des « mineurs » contre leur condition, contre les discriminations fondées sur l’âge et pour l’égalité politique. Leur donnant la parole, il questionne aussi bien les idées d’enfance et de protection que celle de minorité. C’est aussi la notion même d’éducation qui est ici interrogée. Il nous convie de façon inédite à un véritable voyage révolutionnaire au sein des rapports adultes/enfants, dont notre vision du monde ne sort pas indemne. De ce livre utile, ré-ouvrant un champ de réflexion trop longtemps refermé, voici la présentation par #Christine_Delphy.

    https://seenthis.net/messages/422216
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