• Judith Rochfeld : « La raréfaction des ressources naturelles a obligé à les envisager comme des biens communs » - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2017/10/17/judith-rochfeld-la-rarefaction-des-ressources-naturelles-a-oblige-a-les-e

    De la biodiversité, aux ressources numériques, comment définir les « communs » ? Plus de 200 contributeurs (économistes, historiens, sociologues) relèvent le défi dans un dictionnaire. Pour la juriste Judith Rochfeld, une des coordinatrices de l’ouvrage, la notion remet en question le principe de propriété privée.

    Lorsqu’on parle des communs, au pluriel, il y a une filiation dominante : l’idée de biens gouvernés en commun, qui se situent entre la propriété privée et la propriété publique. C’est le travail mené par l’économiste américaine Elinor Ostrom, récompensée en 2009 par l’équivalent du Nobel en économie, et son école, dite de Bloomington. A l’origine, ce travail portait sur des ressources naturelles - des réseaux d’irrigation, des forêts, des pêcheries… - et conduisait au constat que ces ressources, gérées par une communauté d’une centaine de personnes au maximum, faisaient l’objet d’un « faisceau de droits » distribués entre les membres : droit d’accès, droit de prélèvement, droit d’inclure ou d’exclure, droit de gouverner la ressource… Il démontrait, par des exemples concrets, qu’il existe une gouvernance collective qui permet la durabilité du bien et des usages partagés. Ce mouvement a ensuite exploré les ressources immatérielles de la connaissance ; Wikipédia, par exemple, s’inscrit assez bien dans ce schéma de gouvernance. Evidemment, si on envisage de très grands communs comme le climat, la biodiversité ou l’eau, les choses se compliquent : la communauté devient universelle et, on le voit, une gouvernance mondiale est très difficile…

    En réaction au servage de la société médiévale, la Révolution française a établi la propriété privée comme une manifestation de la liberté individuelle sur les biens. La France est aussi un Etat très centralisé, dans lequel le public a absorbé le commun. Dans notre tradition, il est très difficile de penser autre chose que la propriété privée d’une part, la propriété publique de l’autre…

    Les communs ont été très présents dans les débats sur la loi numérique en France, autour de la reconnaissance du domaine public, du logiciel libre, des « communs volontaires » de la connaissance… Mais il y a eu peu d’effets concrets.

    Le simple fait que ce débat ait eu lieu était très important. Les questions ont été posées - or jusque-là, elles ne l’étaient pas. Il y a beaucoup de discussions aujourd’hui sur la protection du domaine public, ou sur des exceptions au droit d’auteur pour les œuvres dites transformatives, par exemple les pratiques de réutilisation de morceaux d’œuvres existantes. Ces discussions ne sont pas achevées, mais il ne faut pas oublier d’où on part… Et puis il y a des changements : la loi sur la biodiversité de 2016, par exemple, reconnaît qu’un propriétaire peut s’imposer des obligations pour la protection de l’environnement. C’est l’aboutissement d’un processus : cela fait des années que cette idée est discutée.

    #Communs #Dictionnaire