la CNIL dresse un tableau sombre pour les libertés individuelles

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  • Smart city : la CNIL dresse un tableau sombre pour les libertés individuelles
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    Tentation du contrôle des individus, aide à la surveillance, concurrence des services numériques... La smart city pose de nombreux défis aux autorités et habitants. Parmi les propositions pour s’en prémunir, une « portabilité citoyenne » des données de plateformes privées.

    Alors que les villes se rêvent en territoires connectés, abreuvés de données des citoyens, la prise en compte des utilisateurs est encore balbutiante. C’est l’un des constats du cinquième cahier IP de la CNIL, consacré à la smart city. Il est publié quelques mois avant la mise en place du Règlement général de protection des données (RGPD), qui renforcera grandement les contraintes de collecte et de traitement à partir de mai.

    Le but du cahier : « remettre à leur juste place les discours prométhéens annonçant l’avènement d’une smart city centralisée, pilotée depuis un unique tableau de bord, avec l’algorithme comme grand ordonnateur » écrit Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de la commission. L’ensemble a été rédigé avec 15 experts extérieurs, dont Laurent Alexandre (Doctissimo, DNAVision), Tristan Nitot (Cozy Cloud) et les sociologues Cécile Méadel et Dominique Cardon.

    Dans une première vision, la « smart city 1.0 », les infrastructures et les habitants pourraient être suivis et gérés via un tableau de bord unique, traitant en temps réel des données multiples. « La ville se soumet alors au paradigme du solutionnisme technologique, dans lequel les habitudes et les comportements des habitants deviennent tout autant d’informations à gérer et de besoins à créer ou problèmes à résoudre par la seule technologie » dégonfle le cahier.

    Cette perspective, c’est celle de Singapour, jugée « non-reproductible », le contrôle du citoyen par les autorités y étant important. La ville « développe de nombreux projets, déploie des capteurs, y compris à l’intérieur des logements, afin de suivre en temps réel les allées et venues des habitants. Ces données pourront être utilisées très largement et avec peu de contrôle ». Désormais, l’idée est qu’il n’y a pas de ville intelligente type.

    La ville doit intégrer l’émergence d’un deuxième acteur : le citoyen, qui peut produire et réutiliser les données. Des outils de crowdsourcing privés comme Foursquare, ou publics à la OpenStreetMap, donnent une nouvelle implication, quand des « hackers », associations et startups ne demandent qu’à exploiter ce matériau public. Il n’est plus question de le voir comme un simple « smartphone ambulant ».

    Enfin, la collectivité se trouve face à des industriels, comme Google qui propose Maps ou Waze (et Sidewalk Labs pour la ville), donnant une nouvelle dimension à la ville. De nouvelles sociétés ont un effet direct sur la vie urbaine, les prix de l’immobilier et les déplacements, à l’image d’Airbnb et Uber.

    « L’acteur public se retrouve face à des pourvoyeurs de services au public, à grande échelle, sans avoir au préalable de relation avec eux, sans négociation ni contrat » note le cahier de la CNIL. De quoi poser un « nouveau défi » à l’aménageur, centré autour de montagnes de données privatisées. Un acteur comme Airbnb cherche d’ailleurs à échapper aux contraintes, par exemple dans son bras de fer avec la mairie de Paris.

    « Une telle tendance a des effets sur les comportements des individus bien connus, que les anglo-saxons dénomment « chilling effect » (effet refroidissant, en traduction littérale), c’est-à-dire un effet d’éviction sur un comportement ou l’exercice d’un droit parce que les individus anticipent des conséquences coercitives ou désagréables » rappellent les chercheurs.

    Cette pression publique constante sur l’individu peut s’accumuler avec l’exploitation commerciale de ces informations, pour personnaliser l’expérience urbaine. La commission recommande donc d’améliorer ses propres capacités de contrôle a posteriori des traitements, de promouvoir l’anonymisation (en particulier pour la mesure d’affluence urbaine), d’inventer des « Do Not Track » des objets connectés et de favoriser l’expérimentation de techniques protégeant la vie privée.

    Le « privacy by design », marotte des pouvoirs publics (CNIL comprise) est mis en avant, comme moyen de lutte contre l’exploitation massive des données à des fins de contrôle social.

    « Personnaliser l’expérience urbaine »... mais justement, la ville doit rester l’endroit de la découverte, de l’inattendu, de la rencontre, de l’amour, de la fête impromptue et improvisée, des manifestations et de la prise de l’espace public.

    #Smart_city #CNIL #Société_de_contrôle #Surveillance