Et il ne restera que la colère - Crêpe Georgette
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Beaucoup de femmes, dont je suis, ont observé, poings serrés et cœur au bord des lèvres, tous les témoignages déposés sur les réseaux sociaux par des victimes de violences sexuelles. Ces femmes témoignaient de tous les pays, avaient toutes les couleurs, les origines, tous les âges, toutes ou aucune religion.
C’était difficile.
Difficile parce que chaque témoignage ramenait chaque femme à ce qu’elle a vécu.
C’était difficile de voir des femmes se souvenir.
C’était difficile de voir des femmes, qui habituellement ne veulent pas parler de tout cela, qui habituellement font "comme si", témoigner.
C’était difficile de voir des hommes feindre de s’étonner alors que c’est le 50eme hashtag sur le sujet et qu’on ne peut plus faire en 2017 comme si on ne savait pas.
C’était difficile de voir des hommes louer cette libération de la parole, alors que chaque témoignage me donnait envie de hurler à n’en plus finir.
C’était difficile de voir des hommes m’expliquer que « les choses avancent » au moment où l’on est noyé sous les témoignages de viols et d’agressions. Et il faut se taire parce qu’ils sont gentils ceux-là ; si on les agresse, il ne restera personne.
Difficile parce que j’ai été témoin au début des années 2000 de la première prise de parole collective de victimes de violences sexuelles, sur le forum des Chiennes de garde et que très peu a changé depuis lors : nous avons parlé, on nous a dit qu’on nous écoutait, il ne s’est rien passé.
C’était difficile d’avoir à la fois envie que la parole se libère et qu’elle s’arrête, qu’on se taise toutes, parce que c’est trop, trop de souffrance et surtout trop d’indifférence.
C’était difficile de voir chaque insulte et chaque moquerie adressée à chaque victime parce qu’elles font écho à beaucoup d’histoires personnelles. Comment « se foutre des trolls » quand votre père, votre mère, vos amis, votre mari, la police, la justice ont eu le même discours ?