“On ne se fait pas violer. On est violé”

/christiane-taubira-lecture-texte-telera

    • "On entend plus souvent l’expression « se faire » (cambrioler, licencier, violer…) plutôt que « être » (cambriolée, licenciée, violée…). Sans doute parce qu’il est plus facile d’utiliser un infinitif que d’accorder un participe passé, en témoigne les erreurs fréquentes (y compris « elle s’est faite renvoyer »).
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      Être ou se faire, telle est la question…
      Il y a une différence de sens entre les deux formulations : « il s’est fait aimer de tous » n’a pas la même signification que « il est aimé de tous ». L’emploi du verbe « se faire » indique une action, une volonté, ou du moins une participation du sujet, qui a ici fait en sorte d’être aimé, tandis que l’usage du verbe « être » fait un simple constat, un état, de manière plus neutre.
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      De même entre « Madame est belle » et « Madame s’est fait belle » : la première formulation constate tandis que la seconde indique que Madame est la cause de sa beauté.
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      Dans l’usage populaire, les deux formes tendent à se confondre, jusqu’au contresens puisque, pour beaucoup, « se faire » indiquerait la passivité, le fait de subir, sans doute par analogie avec l’expression familière « se faire avoir », qui signifie être roulé, berné : « il s’est fait avoir comme un bleu ».
      Pourtant celui qui « se fait licencier » ne vit pas la même chose que celui qui « est licencié ». Se faire licencier signifie faire en sorte d’être licencié, que ce soit volontaire ou non.
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      Personne ne se fait violer
      Se faire une tasse de thé, suppose que l’on voulait boire du thé. Se faire faire une robe ou un placard sur mesure, de même. Se faire coiffer, tatouer ou manucurer, aussi. Se faire draguer, se faire remarquer, aussi. Et se faire harceler, agresser, violer ?"