• Un syndicat d’internes en médecine brise le « tabou » du sexisme à l’hôpital
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/11/17/un-syndicat-d-internes-en-medecine-veut-briser-le-tabou-du-sexisme-a-l-hopit

    « Mon chef m’appelle “petite chienne” », raconte cette jeune externe en médecine de 23 ans qui ne veut pas que son nom apparaisse. Une petite phrase qui fait mal, « sexiste et insultante comme on entend souvent dans les couloirs de l’hôpital », poursuit la jeune fille.

    Le sexisme en milieu hospitalier est un phénomène massif, omniprésent, et qui s’est banalisé. « C’est simple, je ne peux même pas me souvenir de la blague sexiste qui m’a le plus choquée. Il y en a tellement qu’on finit par ne plus relever », raconte cette étudiante en sixième année de 24 ans, en externat dans un grand hôpital parisien.

    Subir le sexisme ou en être directement victime : c’est le quotidien de 86 % des internes de médecine – hommes et femmes confondus. C’est une donnée que vient confirmer l’Inter-syndicat national des internes (ISNI) dans une enquête inédite intitulée « Hey doc les études de médecine sont-elles sexistes ? » et rendue publique vendredi 17 novembre.
    Climat pesant

    Pour la première fois, le syndicat a voulu interroger les 30 000 jeunes internes pour quantifier leur expérience du sexisme et du harcèlement sexuel pendant leurs études : 2 946 ont répondu à ce questionnaire, diffusé par les associations locales et sur les réseaux sociaux, dont 75 % de femmes et 25 % d’hommes. Parmi les répondants, 8,6 % affirment avoir été victimes de harcèlement sexuel et 34 % relèvent des « attitudes connotées », comme le contact physique ou le geste non désiré (65 %), la simulation d’acte sexuel (9 %), la demande insistante de relation sexuelle (14 %) ou le chantage à connotation sexuelle (12 %).

    Lire aussi : Harcèlement sexuel : petit manuel pour lutter contre les idées simplistes

    L’étude, bien que non représentative de la population des internes, confirme l’existence d’un climat pesant dans le monde médical et en particulier pour les étudiants, qu’ils soient infirmiers, médecins ou aides-soignants. Un climat, voire une « nébuleuse sexiste », comme le décrit Céline Lefève, professeur de philosophie pour les étudiants en médecine de l’université Paris-Diderot et contributrice du livre de Valérie Auslender, médecin de Sciences Po, Omerta à l’hôpital (Michalon, 21 euros, 320 pages), qui faisait la lumière sur les violences subies par les étudiants pendant leur formation hospitalière.

    Dans les témoignages recueillis par Le Monde, les étudiants évoquent souvent le huis clos du bloc opératoire comme lieu propice aux remarques sexistes et aux comportements les plus violents. L’ISNI relève que 24 % du sexisme quotidien se déroule à cet endroit.

    « Au bloc, on est coupé du monde, et le chirurgien est une sorte de dieu qui peut se comporter de manière déplacée. Je me souviens d’une opération en orthopédie ; le chirurgien m’a regardée en me disant : “Tu vois, je plante ce clou dans l’os comme ma bite dans ta chatte.” Sur le coup, on ne dit rien, on rit jaune, mais c’est violent », témoigne une autre jeune externe qui préfère taire son nom.

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    • Autre conséquence concrète de cette culture du sexisme selon l’ISNI : l’influence sur la carrière. Après les épreuves nationales classantes, les étudiants de sixième année doivent choisir une spécialité pour leur internat. « Il est évident que nous sommes influencés par nos nombreux stages pour faire notre choix. Mon stage actuel dans un SAMU d’un grand hôpital parisien est éprouvant. Je suis devenu le type pas drôle qui ne rit pas aux blagues sur le viol ou qui ne participe pas aux commentaires sur le physique de mes co-externes », explique Jérémie, 24 ans (qui n’a pas souhaité que son nom apparaisse), qui pense choisir la gériatrie, une discipline « pas trop violente », où il a effectué un stage qui lui a laissé un bon souvenir.

      Jean-Luc Dubois-Randé, cardiologue, président de la conférence des doyens des facultés de médecine et directeur de l’UFR de médecine de l’université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC) se dit très attentif aux retours d’étudiants sur leurs stages.

      « Si nous voyons qu’un service fait l’objet de plaintes récurrentes, c’est un premier carton rouge, si c’est du harcèlement, c’est directement le conseil disciplinaire. Cela peut aussi aller jusqu’au boycott d’un service dans un hôpital où nous n’envoyons plus d’étudiants. »

      Dans les services dits « problématiques », il faut parfois attendre un départ à la retraite pour que le climat s’apaise, reconnaît le cardiologue.

      Faire évoluer le rapport de force

      Dans les facultés de médecine, des groupes de travail ou des associations d’étudiants commencent à faire évoluer le rapport de force avec le corps enseignant.

      « J’ai l’impression que notre génération accepte de moins en moins le sexisme. Les chefs de service se plaignent de voir leurs blagues et leurs propos sexistes diffusés sur Twitter ou sur Payetablouse [site Internet qui recueille les témoignages sexistes du monde médical]. Peut-être que la crainte d’être de plus en plus exposé va changer la donne », espère Elsa Dechézeaux, étudiante en sixième année de médecine, qui, sous ce pseudonyme, raconte sur le réseau social ses aventures dans des grands hôpitaux parisiens.

      Le site Payetablouse, lancé en janvier, a permis de crédibiliser les témoignages avec l’effet de nombre tout en préservant l’anonymat des étudiants pour qui la formation et l’avancement dans leur carrière dépendent du bon vouloir de leurs chefs de clinique ou de service.

  • A Roissy, premières audiences au pied des pistes pour des sans-papiers, 27.10.2017, Léa Sanchez
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/10/27/a-roissy-premieres-audiences-au-pied-des-pistes-pour-des-sans-papiers_520667

    Malgré les oppositions des associations et des organisations d’avocats, l’annexe du tribunal de grande instance de Bobigny a ouvert, jeudi, à proximité de l’aéroport Charles-de-Gaulle.

    Dans l’annexe du tribunal de Bobigny, jeudi 26 octobre, Geneviève regarde d’un air inquiet son neveu tendre ses trois derniers bulletins de salaire au juge, pour lui prouver qu’il vient ici comme touriste et non pour immigrer. Contrôlé quatre jours auparavant à sa descente d’avion, le jeune Ivoirien n’a pas été autorisé à entrer sur le territoire, sa réservation d’hôtel ayant été annulée faute de validité de sa carte bancaire.

    Or, pour entrer dans l’espace Schengen, il doit notamment disposer d’une réservation d’hôtel ou d’une attestation d’hébergement valide. Le magistrat doit décider du maintien ou non du jeune homme dans le centre de rétention de Roissy, également appelé « zone d’attente pour les personnes maintenues en instance » (ZAPI). « Wilfried venait juste en vacances, pas pour rester ici », se désole sa tante. Il sera finalement libéré à la fin de la journée.