• @raspa Fort fort fort intéressant.
      Ça repose cette question de l’organisation pour faire de la pédagogie dans les rangs des privilégié⋅e⋅s, dont on parlait l’autre jour.
      Ça montre aussi cette nécessité d’organiser les allié⋅e⋅s, en leur proposant un vrai cadre (charte + temps non-mixtes) pour qu’ils⋅elles restent à leur place, en étant de vrais soutiens sans gêner les oppressé⋅e⋅s.
      Et puis je trouve là une réponse concrète à ce fameux pamphlet contre les « mauvais alliés » que tu m’avais fait lire, qui disait « arrêtez de vous sentir coupables, ça sert à rien », et qui m’avait laissé sur ma faim, en mode « ouais, ok, mais on propose quoi à la place ? » :

      Cette position abolitionniste ne va néanmoins pas sans tensions, comme l’indique la volonté de construire « une identité blanche radicale », temporaire, réflexive et politique, car « la culpabilité et la honte ne sont pas suffisantes[11]. » Comme le dit Cameron, fondateur d’AWARE :
      « Je ne me sens pas responsable de l’histoire de la suprématie blanche mais j’ai une responsabilité dans ses effets et la façon dont j’en bénéficie. Je reconnais la façon dont mes privilèges me protègent et m’empêchent de voir ces réalités [la domination raciale]. Je ne pense pas qu’on veuille arrêter de se sentir coupable ou honteux … ce n’est pas le but. Mais ce n’est pas quelque chose qui me tire et qui guide dans mes engagements. Je dois trouver cela à l’intérieur de moi-même en tant qu’anti-raciste blanc. L’essentiel pour moi c’est que j’ai également intérêt – comme tous les blancs – à l’abolition de la suprématie blanche[12]. »

      Un peu plus loin l’article parle de « brave space », en écho aux « safe space », et je trouve cette idée super intéressante, dans ce que ça veut dire de « bah ouais, nous aussi faut qu’on se coltine notre part du boulot, même si c’est pas marrant tous les jours. Mais on va assumer notre (grosse) part du taf ».

      Il y a ça qui m’a interpellé :

      Ce n’est que plusieurs décennies plus tard, dans la foulée des manifestations contre l’OMC à Seattle et la naissance du mouvement altermondialiste que cette question ressurgit aux États-Unis. Certain.e.s activistes de couleur critiquent notamment les pratiques paternalistes voire l’aveuglement aux enjeux raciaux associés à la lutte contre le néo-libéralisme des militants blancs[7]. C’est ainsi que des groupes commencent à se former localement, à l’image de Catalyst à San Francisco ou AWARE à Los Angeles, créé en 2003.

      J’ai tellement l’impression que pour les mouvements altermondialistes de chez nous, la question du racisme est loin, extérieure, présente seulement comme une des composantes du gros paquet « défense des droits humains », mais pas pensée à l’intérieur des mouvements (et vue la blanchité de nos orga...)

      Et ça :

      Comme souvent dans les groupes militants d’extrême-gauche aux États-Unis, le premier tour de table invite également chacun à énoncer son nom, mais aussi son « pronom genré préféré », « he, she or they », le groupe prenant en compte le caractère construit des identités de genre et la volonté de dépasser les oppositions binaires traditionnelles.

      L’écriture non-sexiste commence tout juste à devenir une norme dans certains milieux militants non centré sur le genre et le féministe (et dont la moyenne d’âge n’est pas trop élevé...), on n’en est pas encore là en France... sans que j’ai jamais vu une seule personne trans dans les espaces militants que je fréquente, ce qui en dit long aussi.
      Mais ça ouvre des perspectives !

      De même que ça :

      AWARE est membre depuis 2007 d’une organisation anti-raciste blanche nationale, Showing Up for Racial Justice (SURJ), qui défend la théorie du « fruit le plus proche » [« lowest hanging fruit »]. [...] Plutôt que de chercher à convaincre des gens très éloignés socialement – probablement plus difficiles à influencer – il est préférable de cibler d’abord des sympathisants, des proches, sensibles à la thématique mais jusqu’alors inactifs.

      C’est intéressant de théoriser un peu ça. Pour ma belle-sœur qui se lance à héberger des migrants chez elle, c’est exactement ça qui s’est produit. Je pense que c’est nécessaire mais pas forcément suffisant sur le plan stratégique global, mais que c’est aussi une bonne porte d’entrée militante pour les nouvelles recrues du mouvement, pour se lancer à convaincre des nouveaux, rôder son discours et s’approprier les arguments.
      Et puis ça évite l’écueil des gentil⋅le⋅s militant⋅e⋅s blancs de classe moyenne sup qui vont expliquer aux blancs des classes populaires quoi penser / voter... Parce que comme dit l’auteur :

      La voie est donc étroite entre des mouvements anti-racistes qui soit parlent à la place des premiers concernés, soit esquivent les enjeux de classe, et des mouvements de gauche qui refusent de reconnaître l’intersectionnalité des formes de domination. Il n’est pas dit pourtant que l’histoire soit vouée à se reproduire. Les convergences qui se construisent aujourd’hui autour de l’anti-racisme politique, notamment sur la question des violences policières, indiquent des formes de coalition qui, à défaut d’être des mouvements de masse, rassemblent des fractions de l’extrême-gauche qui se sont pendant longtemps ignorées.

    • Je sais pas mais ça me saoule ce genre de réflexions qui tournent en boucle pour aboutir au fait que finalement on se retrouve dans un contexte de luttes anti raciales à parler encore et toujours des blancs, à s’interroger sur le nom qu’il faut leur donner dans ce contexte, à savoir comment les ménager, comment il faut qu’ils s’organisent bla bla bla… Pour les blancs parler de leur place et tout ce qui va avec c’est juste pouvoir rester au centre des discussions, une hégémonie qui ne veut pas lâcher le terrain en quelque sorte.
      De l’action purée !! Pourquoi militer sinon pour agir ? En ce moment la régression sociale et raciale est très violente, il y a beaucoup à faire et si peu de fait parce que le discours nous noie.
      Donc arrêtez l’égocentrisme et juste retroussez vos manches. Soit le groupe est non mixte racialement donc le problème ne se pose pas, soit il ne l’est pas et dans ce cas l’important est surtout d’acter que les tâches de direction et représentation médiatique sont faites par les premiers concernés. Après faut juste taffer et ça c’est valable pour les blancs, les noirs, les arabes et tous les autres !
      (précision importante : je suis blanche)