De l’usine au ring, le rituel de la virilisation

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  • De l’usine au ring, le rituel de la virilisation - Libération
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    Pourquoi les sports dits « virils » connaissent le succès dans les quartiers populaires ? Ils ont remplacé l’usine, avance le sociologue Akim Oualhaci.

    (...) dans l’espace des salles où j’ai enquêté, les pratiquants peuvent se transformer assez rapidement en véritables ascètes. Très vite, des jeunes, sans être compétiteurs, s’astreignent à une rigueur extrême, tant au niveau corporel (cadence d’entraînement, travail musculaire, alimentation, footing) qu’au niveau mental (courage, endurance, persévérance) en basculant d’un mode de vie peu contraint à une routine ultracadrée. Indéniablement, il y a une volonté de donner un sens au contexte de vie et aux conditions socio-économiques plus difficiles que dans des milieux plus aisés – une recherche de dignité et de reconnaissance qu’il est possible de trouver dans une salle de sport. Dans les quartiers populaires, l’ascétisme – c’est une hypothèse à creuser – pourrait aussi être lié à la figure du père. Le papa ouvrier dur au mal, qui bosse toute sa vie, qui souffre en silence, qui s’octroie peu de plaisirs. Un héritage de la culture ouvrière d’antan et surtout, de la représentation que les plus jeunes s’en font : pour être un homme, il faudrait savoir souffrir.

    (...) Vos travaux rendent aussi compte d’une tendance : à certains égards, la culture populaire, à travers l’exemple des sports de combat, tend à se gentrifier…

    Cette tendance s’observe à travers un nouveau rapport au corps et à la santé. Il y a vingt ans, après l’entraînement, les pratiquants allaient dans la foulée manger un frites-merguez en France ou du fried chicken aux Etats-Unis sans se focaliser sur leur bedaine. Dans les clubs où j’ai enquêté, on entend désormais des propos assez réfléchis sur ce qu’il faut avaler avant et après les entraînements (pas de gâteaux, pas de boissons gazeuses, etc.), y compris dans la bouche de novices. Ces considérations étaient auparavant réservées aux compétiteurs. Idem pour les motivations : avant, on allait à la salle pour cogner dur. Dorénavant, il est de plus en plus question de bien être, de ligne, de souplesse, de cardio. Depuis le début des années 2000, le profil des pratiquants a évolué. Ils sont plus diplômés, sortent beaucoup plus facilement du quartier. Certains ont déjà un emploi voire, pour les plus âgés, sont en ménage.

    L’essort de la pratique de la musculation, une activité (propédeutique ?) de taulard ? Le passage par ce lieu disciplinaire étant programmé, un aléa probable qui exige préparation.

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