/59f4881dab5c3726a9000001

  • Lausanne Ils interpellent le mauvais requérant gambien. Ce dernier meurt en cellule

    Les gardes-frontière ont confondu Lamine F. avec un autre requérant portant le même nom et signalé à Lucerne. L’homme décédé souffrait d’épilepsie.

    https://mobile2.lematin.ch/articles/59f4881dab5c3726a9000001
    #mourir_dans_la_forteresse_europe #asile #migrations #réfugiés #Dublin #erreur (fatale) #renvoi_dublin #détention_administrative #décès #Suisse #Lausanne #détention_administrative #rétention #mourir_en_détention_administrative #Lamine_F #Lamin_F

    • La mort du requérant gambien en prison met en lumière les failles de la procédure

      Dans un communiqué paru samedi dernier, la police cantonale vaudoise annonçait qu’un ressortissant gambien de 23 ans, Lamin F., avait trouvé la mort mardi dernier dans une cellule du centre de police de la Blécherette, à Lausanne. Après vérification, il s’est avéré qu’une erreur avait été faite sur la personne et que l’individu décédé était un requérant pris en charge par le canton de Vaud et hébergé au centre d’asile d’Ecublens. La personne interpellée par des gardes-frontières en gare de Lausanne était également gambienne, avait le même prénom et était née le même jour que son homonyme, qui devait être renvoyé sous peu en Italie.
      Interpellé par les gardes-frontière d’après un signalement des autorités lucernoises à la recherche de ce dernier, Lamin F. a d’abord été hospitalisé au CHUV en raison d’un malaise : le jeune homme souffrait d’épilepsie. Il a ensuite été transféré en cellule. Le lendemain, les gardes ont découvert son corps sans vie. Le Ministère public et la justice militaire mènent l’enquête pour déterminer les causes de son décès. La situation soulève par ailleurs une autre question cruciale : comment expliquer la confusion des autorités ?
      Identification peu fiable

      Le Point d’eau, centre pour démunis qui accueille également beaucoup de migrants en situation précaire, avance une hypothèse : « Tout d’abord, il y a énormément d’homonymes originaires d’Afrique subsaharienne. Ensuite, pour ce qui concerne la date de naissance, ces données leur sont attribuées », explique François Chéraz, directeur. Il poursuit : « Les mères gambiennes n’accouchent pas toujours à l’hôpital. Elles s’y rendent fréquemment a posteriori, où leur nouveau-né est enregistré au premier jour du mois. Si un individu ne dispose d’aucune information sur sa naissance ou ne désire pas en fournir à son arrivée en Europe, une date aléatoire lui est attribuée par les autorités du pays par lequel il est arrivé sur le continent - dans ce cas, l’Italie. Il s’agit souvent d’une date de début d’année, comme le 1er janvier », explique le Lausannois.
      La fondation ajoute de son côté des informations supplémentaires, comme des numéros de téléphone, pour différencier les homonymes nés le même jour dans ses dossiers. En Suisse, le Secrétariat d’Etat aux migrations affirme quant à lui ne pas utiliser cette pratique aléatoire, dont la mauvaise interprétation aura été fatale à Lamin F.
      Politisation du drame

      Député au Grand Conseil vaudois pour Ensemble à gauche, Jean-Michel Dolivo a déposé une intervention sur la mort du jeune Gambien lors de la séance hebdomadaire de ce mardi. Joint par téléphone, il demande des explications : « Même si une erreur d’interpellation a été commise, ce monsieur a vraisemblablement dû indiquer qu’il était pris en charge par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants », déclare-t-il. Et d’ajouter : « Il n’avait commis aucun délit et n’était pas en situation irrégulière, pourquoi ne pas éclaircir la situation avant de le mettre en prison ? » L’avocat vaudois s’insurge également contre le « flagrant délit de faciès » des gardes-frontière, qui ont manifestement arrêté Lamin F. « parce qu’il était Noir ».

      Une manifestation aura lieu ce mercredi à l’initiative du Collectif R, qui accueille à Lausanne des requérants déboutés. Le groupe, qui déclare « ne pas être surpris par ce drame », affirme être constamment témoin d’abus, de maltraitance et d’incompétence. Il dénonce le « manque de considération de la part de toutes les entités dans cette affaire ». Contacté, le Département vaudois des institutions et de la sécurité s’est refusé à tout commentaire tant que la procédure est en cours.

      https://www.letemps.ch/suisse/2017/10/31/mort-requerant-gambien-prison-met-lumiere-failles-procedure

    • Trop de questions, pas assez de réponses

      Plus d’une semaine après la mort de Lamin, dans une cellule de la Blécherette, de trop nombreuses zones d’ombre persistent.

      Le décès du requérant d’asile gambien de 23 ans est d’autant plus dramatique qu’il n’aurait jamais dû se trouver en prison. Mais dans sa chambre. Où il avait, à coup sûr et à portée de main, ses médicaments contre la grave épilepsie dont il souffrait.

      Interpellé par les gardes-frontière, dimanche 22 octobre à la gare de Lausanne, il est alors confondu avec un homonyme. Après un malaise, il passe une nuit aux urgences du Chuv, ce même hôpital où il avait subi une opération au cerveau fin septembre. Le lendemain, il est transféré dans la zone carcérale de la Blécherette. Mardi matin, il est retrouvé sans vie dans sa cellule. Et c’est seulement vendredi que les autorités réalisent que Lamin n’est pas celui que les gardes-frontière pensaient avoir interpellé.

      Sa mort semble ainsi être la conséquence de failles en cascade. C’est ce qu’ont dénoncé des centaines de manifestants mercredi à Lausanne.

      Comment expliquer qu’un jeune homme n’ayant commis aucun délit et n’étant pas en situation irrégulière meure en prison ? Il a été confondu avec un de ses compatriotes – portant les même prénom, nom et date de naissance – réclamé par Lucerne pour être expulsé, paraît-il. Il avait pourtant des papiers sur lui qui prouvaient qu’il était pris en charge par le canton de Vaud, assurent des défenseurs des migrants. Comment n’a-t-il pas été cru ? Les agents ont-ils appliqué la présomption de culpabilité envers ce jeune Africain demandeur d’asile ?

      Comment ses empreintes digitales, prises par les gardes-frontière – s’ils ont bien suivi la procédure –, ne les ont-elles pas ensuite alertés de leur erreur ? Le système a-t-il bogué ? Ou l’alarme a-t-elle fonctionné mais les agents ont insisté dans la présomption de mensonge ?

      Comment l’hôpital a-t-il, de son côté, laissé les forces de sécurité emmener un jeune épileptique, opéré un mois plus tôt dans cette même institution, et tout juste victime d’un malaise ?

      Comment expliquer, enfin, que l’identification de Lamin n’a été effectuée que deux jours après l’autopsie ?

      Trop de questions restent ouvertes dans ce drame. Et trop d’erreurs semblent avoir été commises.

      Face à une procureure peu entreprenante et une enquête qui paraît jusqu’ici bien légère, le Conseil d’Etat serait inspiré de mettre la pression sur la justice en réclamant une enquête administrative, comme ça a été le cas pour l’affaire Skander Vogt. Une procédure qui avait alors levé le voile sur de vastes dysfonctionnements au sein des institutions pénitentiaires vaudoises.

      https://www.lecourrier.ch/153953/trop_de_questions_pas_assez_de_reponses